ARTHUR Z’AHIDI NGOMA : « LE DIALOGUE, C’EST DES ÉLECTIONS ORGANISÉES DANS LE DÉLAI CONSENSUEL RESPECTUEUX DE LA CONSTITUTION »

Mercredi 8 juin 2016 - 08:04
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Ancien vice-président de la République de 2003 à 2006, président national de Forces du Futur, président de la plateforme Camp de la Patrie, Z’Ahidi Arthur Ngoma, est une personnalité politique congolaise très active. Au moment où la RDC négocie un tournant décisif de son histoire, tiraillé entre le dialogue et la poursuite du processus électoral, Z’Ahidi Ngoma donne de la voix. Il s’est confié à notre Rédaction. Interview.

Croyez-vous que le dialogue national soit une véritable voie de sortie pour baliser la suite du processus électoral ?
La question est pertinente. Nous connaissons aujourd’hui les contraintes techniques avancées par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) dans ce processus mais aussi les problèmes financiers que pose le gouvernement. Il apparaît que toutes ces contraintes de l’organisation des élections doivent être résolues dans le respect des principes et valeurs démocratiques de transparence, de crédibilité et de façon apaisée. Des voix s’élèvent et posent légitimement le problème d’organisation des élections dans le délai constitutionnel. D’où, la nécessité de dialoguer. C’est-à-dire, face à toutes ces contraintes de temps et moyens, nous devons ensemble rechercher des formules pacificatrices du climat social, politique dans le pays. La communauté internationale nous a parlé " d’élections à bonne date ". Soyons plus précis encore et parlons " d’élections organisées dans le délai consensuel respectueux de la Constitution ". C’est ça le dialogue.

Dans une récente déclaration politique, vous invitiez les acteurs politiques à la conscience et au patriotisme. Comment avez-vous interprété la requête de la Majorité présidentielle à la Cour constitutionnelle ?

Vous savez, je mets l’accent sur le dialogue et ce n’est pas pour rien. Et peut-être faudra-t-il commencer par définir la finalité du droit. Le droit n’a pas pour finalité que de conduire une nation à son suicide collectif ; le droit n’est pas un miroir passif des réalités qu’il entend régir.

Croyez-vous encore en la capacité d’Edem Kodjo de libérer la machine de dialogue ?

Le dialogue n’est pas plombé, si ce n’est par des contraintes que la facilitation semble avoir acceptées. Citons l’exemple de la composante Opposition politique, elle est plurielle. Elle n’est pas inféodée à une quelconque " autorité morale ". Il est possible de l’étudier, de la consulter et de dégager les possibles rapprochements inter groupaux à la fois pour en réduire le nombre qu’en assurer une représentativité signifi-cative. Je suis convaincu qu’en agissant ainsi et en rejetant des prétentions aussi fallacieuses que démagogiques de certains, l’exercice s’en trouverait facilité.

Vous êtes connu sous l’étiquette du président de la plateforme " Camp de la Patrie ". D’un coup, vous rebondissez sur la scène politique dans une plateforme, communément appelée " Opposition citoyenne ". Que s’est-il passé ?
Non, je n’ai jamais été dans une autre plateforme politique que celle que je dirige en ce moment, le Camp de la Patrie et le Cartel de l’Opposition politique. En ce qui concerne l’Opposition citoyenne, j’y avais été invité en tant que l’une des personnalités politiques ayant été appelées en consultation par le chef de l’Etat. Notre rencontre aura été pour réaffirmer notre adhésion à l’idée d’un dialogue entre Congolais. Il ne s’est agi nullement de créer une quelconque plateforme et on n’en a pas créé.

Croyez-vous que la formule " 1+4 ", issue du Dialogue inter congolais de Sun City, était une réponse logique pour le retour de la paix en RDC au lendemain du déchirement des années 1990 ?
Vous savez que le juriste contemporain a appris à considérer la norme juridique non pas en elle-même mais en fonction de ses finalités. Après les rébellions, il était nécessaire de redéfinir les conditions de rétablissement de la paix, de la sécurité nationale au travers des institutions qui puissent y répondre. A Sun City, le dialogue a pu générer l’idée de " 1+4 " c’est-à-dire un président et 4 vice-présidents. La formule était heureuse et garantissait notamment des principes et valeurs de la démocratie dont en particulier la séparation des pouvoirs. Aucune institution de la République ne pouvait empiéter sur une autre institution. Je dois dire toutes mes félicitations à la République d’avoir retenu une formule aussi responsable pour résoudre la crise qui frappait le pays.

La Constitution reconnaît aux acteurs politiques la liberté d’organiser des manifestations publiques. L’usage abusif de la force publique pour disperser les manifestants n’est-il pas une négation de la démocratie ?
Manifester dans notre République est un droit constitutionnel qui ne requiert pas l’autorisation mais l’information de l’autorité pour encadrer les manifestants et préserver l’ordre public. Cela étant, la responsabilité politique doit toujours accompagner ce genre d’activités, c’est-dire qu’il est essentiel qu’en ce moment de toutes les transitions pour notre pays tout doit être mis en œuvre par toutes les parties en présence pour ne pas fragiliser davantage la sécurité et les équilibres fondamentaux de notre pays.

Comment entrevoyez-vous l’avenir de la RDC ?
La RDC est un pays qui se lave. Au carrefour de toutes les prétentions, de toutes les avidités dès le seuil de sa constitution en tant que territoire, le Congo a toujours vécu des ambitions contrastées dans un environnement international fantasque et récessif. Au moment des rébellions, d’aucuns ont pu penser que le pays était divisé. En fait, il ne l’a jamais été. C’est sa classe politique qui avait décroché des principes et valeurs qui forgeaient l’unité du pays en tant que peuple, en tant que Nation. Et tous les dialogues que nous avons eus n’auront été que pour nous rabibocher, nous rattacher à ces principes et valeurs. Comprenons-nous peuple congolais et, en particulier, hommes politique que notre engagement est une mission. Il ne s’agit pas simplement de gérer mécaniquement le pays sans adhésion de l’esprit mais de créer une Nation. Et cela se fera, n’en déplaise au pessimisme de la médiocrité. C’est une promesse pour l’avenir.
Propos recueillis par F.K et M. MUYAYA
(Tiré dans le Potentiel du 07 juin 2016)