RDC : armée congolaise, le problème et la solution

Jeudi 18 septembre 2014 - 10:06

Image retirée.Inefficace depuis deux décennies, l’armée congolaise peine à se reconstruire. Les FARDC sont-ils encore réformables ?

Depuis plus de 20 ans, le Zaïre, devenu par la suite République démocratique du Congo (RDC), est régulièrement secoué par des conflits à répétition. Des dizaines de groupes armés, de milices villageoises et de rébellions soutenues par les pays voisins, font régner la terreur sur les populations civiles, contraintes de trouver refuge loin de chez eux. En 2014, les Nations-unies comptabilisaient 1,7 millions de déplacés à l’Est du Congo. Dans ce chaos chronique et ces guerres sans fin, l’armée nationale congolaise (FARDC) fait au mieux de la figuration. Au pire, ses troupes commettent de nombreuses exactions sur les populations civiles : pillages, assassinats, viols de masse… La reconstruction de l’armée congolaise constitue donc une nécessité pour aider la RDC à retrouver les chemins de la paix. Dans une étude approfondie sur les nombreux dysfonctionnements des FARDC, le Rift Valley Institut (RVI) trace les contours d’une refonte complète du secteur de la sécurité. Dans ce rapport, consultable désormais en français (cliquez ici), Jason Stearns, Judith, Verweijen et Maria Eriksson Baaz démontrent que l’armée congolaise, censée venir à bout des groupes armés, « a souvent contribué directement à leur prolifération ». En cause : mauvaise gouvernance des politiques, mauvaise intégration des ex-rebelles, le manque de contrôle des troupes, l’impunité totale des militaires coupables d’exactions et enfin les mauvaises conditions de vie des soldats.

Une armée fragmentée et divisée

Pour comprendre comment l’armée congolaise en est arrivée là, les experts du Rift Valley Institut, font un nécessaire retour en arrière… à l’époque du « Maréchal-Président » Mobutu. Arrivé au pouvoir par un coup de force militaire en 1965, le nouveau maître de Kinshasa craignait « que la création d’une armée puissante ne favorise sa propre éviction ». La devise de Mobutu pouvait se résumer ainsi : « diviser pour mieux régner ». Le Maréchal tenait donc à conserver une armée faible, fracturée, loyale « et qui ne se mêle surtout pas de politique ». Les officiers de l’époque étaient donc nommés pour « leur loyauté, leur relations clientélistes et non pour leurs compétences ». Deuxième invention de Mobutu : privilégier son clan en offrant des promotions à des officiers issus de son groupe ethnique, les Bangala, et de sa province, l’Equateur. Mobtutu « fragmente » également son armée en créant une concurrence entre les différents services de sécurité de son régime. En marge du commandement central de l’armée, il créé sa propre garde rapprochée, la Division spéciale présidentielle (DSP), autonome, mieux payée et contrôlée par des proches. Comme les FARDC d’aujourd’hui, l’armée zaïroise de Mobutu n’a jamais brillé par ses performances militaires, notamment, relèvent les auteurs du rapport, lors des deux invasions du Shaba par les sécessionnistes katangais.

L’armée disparate de Kabila-père

En évinçant Mobutu de son fauteuil en 1997, Laurent-Désiré Kabila (le père de l’actuel président) se retrouvent également avec une armée « rongée par les rivalités internes ». Lorsque le nouveau président de la toute jeune République démocratique du Congo se brouille avec son allié rwandais qui l’a porté jusqu’à Kinshasa, Kabila-père se voit dans l’obligation de composer avec « un mélange disparate d’anciens officiers de l’armée zaïroise », de maquisards venus de la brousse et de milliers de « kadogos », ces jeunes soldats mal formés et sans expérience. Pour arrêter l’offensive de ses anciens alliés rwandais vers Kinshasa, Laurent-Désiré Kabila se voit dans l’obligation de faire appel à ses voisins angolais et zimbabwéens. En arrivant au pouvoir après l’assassinat de son père en 2001, Joseph Kabila comprend rapidement « que la force militaire ne lui permettrait pas de gagner la guerre ». Les auteurs de l’étude du Rift Valley Institut rapportent les propos d’un ancien conseiller du président Kabila, très symptomatique de son mode de gouvernance : « Joseph Kabila ne dirige pas par la force brutale. C’est impossible dans ce pays : notre Etat est trop faible. Il dirige par la ruse, en cooptant ses ennemis et en s’assurant que tout le monde reste faible ».

Des unités commandées directement par la Présidence

Une fois la paix signée avec les différentes rébellions, Joseph Kabila créé les FARDC en 2003. Selon le rapport, l’armée congolaise compterait aujourd’hui entre 120.000 et 130.000 hommes. Là encore le jeune président applique la méthode Mobutu en fractionnant l’armée « selon la logique politique » de l’accord de partage des pouvoirs. Les rebelles du RCD et du MLC de Jean-Pierre Bemba se voient attribuer le Ministère de la Défense et le commandement des forces terrestres pour les premiers et le commandement de la Marine et deux commandements régionaux pour les seconds. Comme Mobutu, Joseph Kabila « déjoue la hiérarchie » en passant par son propre « cabinet militaire, la maison militaire et son conseiller spécial en matière de sécurité ». Selon le rapport du Rift Valley Institut, « certaines unités comme la brigade Requin, une unité d’élite, sont commandées quasi directement par la Présidence ».

« Dans l’armée, il faut être chapeauté »

Le clientélisme constitue le premier dysfonctionnement pointé par l’étude du Rift Valley Institut. « Les subordonnés sont contraints de verser régulièrement de l’argent à leurs supérieurs ». Une pratique  qui est aussi appelée « rapportage ». En échange, les officiers supérieurs doivent à leurs subordonnés : protection, sanctions allégées, promotions, congés ou formations… Les réseaux sont encore tenaces encore aujourd’hui : comme celui des anciens officiers FAZ (sous Mobutu) ou encore celui des ex-rebelles du RCD ou du CNDP (et bientôt du M23). Des réseaux alimentés par le « business » des officiers.