RDC : Les comptes bancaires de PHC sont bloqués pour n'avoir pas obtempéré à la cooptation d'un administrateur, non qualifié, nommé (Toile d’Araignée)

Mercredi 1 mai 2024 - 21:31
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Le torchon brûle entre la ministre du portefeuille Adèle Kahinda et la société Plantations et Huileries du Congo (PHC). La nomination par la ministre d’Etat d’un administrateur ne remplissant pas les critères requis par les statuts de cette société d’économie mixte est à la base de la pomme de discorde.

C’est le coordonnateur national de l’Asbl Toile d’Araignée, un réseau des journalistes économiques d'investigation et de promotion citoyenne, Jérôme Sekana, qui a livré l’information à la presse le mardi 30 avril au cours d’une conférence de presse qu’il a tenue à Kinshasa. À en croire, les agissements de la ministre « sortante » du portefeuille ternissent le climat des affaires du pays.

« Le droit OHADA est en vigueur dans notre pays, mais certaines autorités ne cessent de croire que le pays doit continuer à être géré selon leurs caprices. Le dossier opposant la ministre du portefeuille et la société PHC fait couler beaucoup d’encre et de salive. Il se passe quelque chose de grave qui risque de faire perdre à la RDC des centaines de millions de dollars et de ternir sa réputation auprès des investisseurs. (…) Toile d’araignée, en tant que chantre de la bonne gouvernance, cette situation nous concerne, vu qu’elle tire le pays vers le bas, elle menace les intérêts des Congolais », a-t-il dit.

Selon Jérôme Sakana, tout est parti de la démission de l’ancien président du conseil d'administration, Buse Falay en septembre de l’année dernière. Alors que la ministre du portefeuille ne pouvait que proposer un nouvel administrateur au profil requis par les statuts pour le remplacer, elle a outrepassé ses prérogatives en cherchant à imposer la personne nommée comme PCA alors que ce rôle revient exclusivement au conseil d’administration.

« Dans PHC, l’État congolais est actionnaire minoritaire. Donc, un actionnaire de catégorie B. Il a le droit de proposer 3 administrateurs parmi lesquels le conseil d’administration vote le Président du conseil d’administration (PCA).
Les actionnaires de catégorie A sont ceux-là qui ont apporté des capitaux frais. Eux ont droit de proposer 5 administrateurs. Selon les statuts de la société qui sont conformes au droit OHADA, les 8 administrateurs se réunissent en conseil d’administration pour désigner le président. Ce dernier doit remplir les critères, notamment avoir une expérience d’au moins 5 ans dans le domaine de l’agroalimentaire », a-t-il expliqué.

Et de poursuivre : « Lorsque monsieur Buse Falay a démissionné parce qu’il était candidat président de la République, la ministre du Portefeuille a nommé madame Julia Luhonga Mamba pour le remplacer. Celle-ci est descendue directement à PHC et a exigé qu’elle soit investie directement PCA. Sur place, on lui a expliqué qu’elle doit d’abord être cooptée administrateur par le conseil d’administration avant de devenir PCA au cas où son profil répondait aux critères fixés par les statuts de la société. Madame n’a pas voulu entendre cela ».
 
Suite au vote défavorable à la candidature de madame Julia Luhonga Mamba, la ministre ordonnera à la banque de bloquer les comptes de la société.

« Vu que Busa Falay ne pouvait pas partir sans faire la remise et reprise, il va écrire à madame la ministre pour lui rappeler comment les choses doivent se passer, suivant les statuts et le droit OHADA. La ministre va réagir plusieurs jours après en imposant toujours sa candidate et va même exiger à la banque de bloquer les comptes de l’entreprise. Le PCA sortant va quand même réussir à réunir le conseil d’administration et va associer madame Julia vu qu’elle était déjà nommée administrateur. Le conseil va checker son cv et va constater qu’elle n’a pas le profil d’être même simple administrateur. Le diplôme qu’elle mentionne dans son cv est un faux. Du coup le conseil va refuser de la coopter comme administrateur. La conséquence est qu’elle ne peut pas devenir PCA sans être administrateur », a ajouté Jérôme Sekana.

Déterminés à faire respecter les statuts de leur société, les actionnaires menaceraient déjà de se retirer au cas où la ministre s’obstinerait à imposer ses règles.

« Vu que l’Etat a 2 autres administrateurs qui remplissent les critères, le PCA sortant va proposer que l’un d’eux le remplace. Ils vont refuser catégoriquement. Aujourd’hui l’entreprise est bloquée au point que ça commence à énerver les actionnaires majoritaires et même les travailleurs ainsi que les chefs coutumiers dans les 3 provinces où PHC a des activités. Les actionnaires sont déterminés à faire respecter les statuts de leur société sinon ils menacent de se retirer », a ajouté Jérôme Sekana.

PHC exploite plus de 100.000 hectares de palmiers à huile dans les provinces de la Mongala, Equateur et Tshopo et y emploie plus de 10.000 personnes, faisant d’elle le 1ᵉʳ employeur privé en RDC, avec un investissement de plus de 200 millions de dollars américains. Lorsque l’ancien actionnaire majoritaire, Feronia, a fait faillite en 2020, la société produisait 45.000 tonnes d’huile de palme. Depuis sa reprise en 2021 par le fonds new-yorkais Kuramo Capital Management, sa production a atteint 80.000 tonnes en 2023 avec l’ambition de produire 93.000 en 2024 et 100.00 tonnes en 2025.
 
Bienfait Luganywa