Nord-Kivu : Plus de 300 ménages accèdent à des terres agricoles à Masisi après la résolution d'un conflit foncier qui a duré 40 ans

Dimanche 4 septembre 2022 - 14:37
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Photo 7SUR7.CD

Le territoire de Masisi au Nord-Kivu, dans l’Est de la République démocratique du Congo, est une région connue notamment pour ses minerais, son agriculture, son élevage, ou encore ses fromages de qualité.

Mais c’est aussi un territoire, qui fait face à des interminables conflits fonciers, qui sont d’ailleurs la principale cause de l’insécurité. Alors, des organisations non gouvernementales se bousculent pour y mettre fin.

La journée du vendredi 02 septembre 2022, a marqué l'aboutissement d’un processus de résolution pacifique de l’un des redoutables conflits qui rongent le Masisi depuis plus de quatre décennies. Un conflit autour d'une grande concession qui a fait de nombreux morts.

Reportage

 
Sur des collines vertes, se trouvent des plantations qui surplombent les vallées du majestueux territoire de Masisi. Houes, machettes et autres objets nécessaires pour l’agriculture à la main des paysans grimpent ces collines tous les matins afin de faire évoluer la culture des pommes de terre, maïs, manioc, etc.

Dans ces mêmes plantations, les conflits fonciers font mouche et ce sont ces mêmes objets pour l’agriculture qui sont parfois transformés en armes, tel a été longtemps le cas pour la concession de Mihara 2, enviée pour ses 310 hectares, inexploités depuis 1979 et qui a été à la base de plusieurs maux à Kashuga, dans la chefferie de Bashali.

« À la société civile, nous sommes convaincus que si tous les conflits fonciers arrivent à être résolus, on aura un jour la paix dans ce grand territoire », s’alarme Lwambo Mupfuni, président local du Conseil Territorial de la Jeunesse.

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Appel à la médiation

La paix et l’accès à la terre agricole sont un grand défi dans la région. Alors, ZOA qui est une organisation internationale de secours et de rétablissement communautaire qui intervient en soutien à des populations confrontées aux violents conflits et des catastrophes naturelles, a offert ses bons offices ces dernières semaines pour décanter la crise, après des tentatives échouées de plusieurs intervenants qui ont eu lieu ces dernières années.

La tentative de ZOA, dans le cadre de son projet TRIDE financé par le Royaume des Pays-Bas, a été la bonne avec, d'un côté, Boniface Mushayuma Shamamba, propriétaire de la concession de 310 hectares, qu’il a acquise en 2018, et de l’autre côté, plus de 300 familles qui revendiquaient des terres.

Les violences liées à ce conflit ont fait plusieurs morts, des blessés, des arrestations arbitraires et des jeunes qui ont rejoint les groupes armés.

« Le processus a permis à plus de 300 ménages de recouvrer leurs terres abandonnées depuis 40 ans. 184 ménages s'étaient déplacés et installés dans le camp Mungote (à Kichanga) suite aux violences causées par ce conflit. Aujourd’hui, ils vont retourner dans leur village d’origine et reprendre l’exploitation de leurs champs », affirme au micro de 7SUR7.CD, Justin Kakesa, expert foncier et consultant pour l’organisation ZOA.

 

Céder pour la paix

​​Boniface Mushayuma va se contenter de 175 hectares après avoir accepté de céder 135 autres hectares aux communautés locales. Il faut beaucoup de courage pour un tel geste et Boniface entend alors employer la main-d'œuvre locale pour planter principalement la canne à sucre sur l’espace qui lui reste.

« C’est vrai qu’on ne peut pas être content après avoir perdu une grande partie de sa concession, mais au moins j’ai une conscience tranquille car dans le temps, il y a eu des personnes qui ont été lésées, mais aujourd’hui elles peuvent dire qu’il y a une voie qui nous a rendu justice et à ce niveau-là, je suis satisfait », a déclaré Boniface Mushayuma qui a salué la médiation de ZOA, du chef de la chefferie, ainsi que des notables locaux.

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Cultiver pour scolariser

À la fin de ce long processus, la population est souriante et peut danser à la gloire du prince Roger Bashali, chef intérimaire de la chefferie qui porte son nom. Des centaines de familles déchirées vont pouvoir se reconstruire, elles espèrent à un lendemain meilleur.

« Je suis heureuse aujourd’hui car je vais enfin exploiter mon champ pour nourrir, soigner et scolariser mes enfants », se réjouit Antoinette Machozi, 55 ans, mère de 11 enfants.

Le territoire de Masisi, avec son sol et son sous-sol riches, compte des dizaines de milices locales régulièrement traquées par les Forces armées de la RDC. Ce territoire entend se développer, mais les forces vives estiment que ce développement est conditionné par la restauration de l’autorité de l’Etat dans plusieurs villages et la résolution de tous les conflits fonciers.

Glody Murhabazi, de retour de Masisi