Dossier BIAC : L'avocat des actionnaires contredit le ministre des Finances et affirme que la loi bancaire prévoit la liquidation par les propriétaires de la société

Lundi 31 octobre 2022 - 09:35
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La dernière sortie médiatique du ministre des Finances, Nicolas Kazadi, sur la situation de la Banque Internationale pour l'Afrique au Congo (BIAC) ne passe pas chez les actionnaires de cette entreprise financière. 

Lors du briefing presse hebdomadaire du 24 octobre dernier, l'argentier national a qualifié d'aberration le fait que plusieurs décisions judiciaires ont été prises sur ce dossier au mépris, a-t-il souligné, de la loi bancaire qui « confère à la Banque Centrale du Congo (BCC) l'autorité et la responsabilité pour conduire le processus de liquidation ». Une opinion que l'avocat conseil des actionnaires de la BIAC ne partage pas. 

Au cours d'une conférence de presse organisée, dimanche 30 octobre 2022 à Kinshasa, maître Pierre Okendembo Mulamba a affirmé que la loi bancaire prévoit la liquidation par les actionnaires de la banque. 

« Ce qui crée problème aujourd'hui, ce qu'au terme d'une série de procédures particulièrement de la décision du Conseil d'État sous ROR 483, le Conseil d'État a dit ceci : qu'il suspend la deuxième liquidation forcée prise par la Banque centrale. Et comme la décision de liquidation est suspendue, ce qui doit être en vigueur, c'est la liquidation volontaire décidée en 2016. C'est ce que le Conseil d'État dit. Curieusement, vous avez suivi la sortie médiatique du ministre des Finances, qui dit : nous ne pouvons pas accepter que la justice, a-t-il dit, laisse une banque être liquidée par des particuliers, c'est contraire à la loi bancaire. J'ai dit il y a un problème ou même plusieurs problèmes », a-t-il déclaré.

Et d’ajouter : « Le premier problème, c'est peut-être le ministre des Finances n'est pas suffisamment informé. Pourquoi ? J'ai la loi de 2002 qu'on appelle communément la loi bancaire. Voici ce que dit la loi bancaire en son article 56 : la dissolution d'un établissement des crédits peut-être volontaire ou forcée. Ça c'est le 1er alinéa. L'alinéa 2 poursuit : la dissolution est dite volontaire lorsqu'elle est décidée par l'assemblée générale des actionnaires, associés et sociétaires de l'établissement des crédits. Elle est acquise que si elle est adoptée par les 2/3 des actionnaires, associés ou sociétaires disposant du droit de vote et représentant au moins la moitié du capital social. Ça c'est la dissolution volontaire. La dissolution est dite forcée lorsque la décision émane de la Banque centrale ou de l'autorité judiciaire. Il n'y a pas que la Banque centrale, la justice peut aussi, après avoir constaté qu'il y a faillite, ordonner la dissolution ».

Pour appuyer son argument, l'avocat des actionnaires de la BIAC a également évoqué un traité ratifié par la RDC en 1984 en rapport avec le fonctionnement du système bancaire.  
 
« Au-delà de la loi bancaire, vous avez vu les échanges entre la Primature, gouverneure de la Banque centrale, ministre de la Justice et même le ministre des Finances, il fait état d'un traité, au-delà de la loi bancaire qui est une loi interne, il y a le traité de 1984. Que dit la constitution de la RDC à l'article 215 ? Les traités et accords internationaux régulièrement ratifiés ont, de leur publication, une autorité supérieure aux lois internes », a-t-il expliqué. 

Par ailleurs, maître Pierre Okendembo a annoncé qu'après décision du Conseil d'État suspendant la liquidation forcée, le liquidateur des actionnaires est en train d'être installé pour mener à bien ce processus.

« Au demeurant, je vous informe que nonobstant toutes les déclarations qui ont été faites, le liquidateur des actionnaires est en train d'être installé. Il a pris possession du lieu, il a fait un inventaire, évidemment nous avons compris, parce que nous avons des vidéos et autres documents, que si la Banque centrale a toujours refusé que l'actionnaire reprenne la banque, c'est parce qu'il y a beaucoup de cadavres dans le placard. On ne veut pas que les actionnaires trouvent il y a beaucoup de dossiers qui démontrent qu'il y a eu dilapidation pure et simple des avoirs de la BIAC », a-t-il laissé entendre, avant d'annoncer qu'un communiqué reprenant le planning des actions sera incessamment publié et rassurer les clients quant à l'issue de ce processus.

Méfiance vis-à-vis de la BCC 

Dans le dossier de la liquidation de la BIAC, les actionnaires font preuve de méfiance vis-à-vis de la BCC. À en croire leur avocat, les intérêts de la BIAC n'ont pas été préservés par la BCC. 

« Il y a des documents qui attestent que les intérêts de la banque n'ont pas été préservés par la Banque centrale. Comment pouvez-vous expliquer que quelqu'un qui doit 3 millions de dollars, qui encaisse 18 millions, et vous acceptez de lui rendre le certificat moyennant un paiement de 900.000 dollars. Et vous oubliez 2,1 millions pendant que cet argent, c'est l'argent des épargnants. Est-ce qu'il n'y a pas un problème là-dessus ? », s'est-il interrogé. 

Il a, en outre, rappelé qu'en 2016, une offre de 12 millions de dollars américains avait été faite pour le rachat de la banque, alors qu'elle venait de clôturer 2015 avec 500 millions de dollars américains (260 millions USD rien que pour les crédits). La BIAC possède également 30 immeubles sans compter des terrains, a-t-il indiqué.

Pour rappel, la BIAC a fait faillite en 2016. La BCC y avait installé un comité d'administration provisoire pour conduire la liquidation forcée de cette banque. Cependant, le Conseil d'État a, par sa décision du 03 novembre 2020, suspendu cette procédure. Ce qui a permis aux actionnaires d'activer le processus de liquidation volontaire.

Prince Mayiro