Tribune : "Après l’infructueuse instrumentalisation de mouvements citoyens et d’obscurs défenseurs des Droits de l’Homme, Mwangachuchu abat la carte communautaire" (Paul Kasereka)

Mardi 11 avril 2023 - 16:32
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C’est ce mardi 11 avril que l’instruction sur le fond de l’affaire Mwangachuchu se poursuit devant la Haute cour militaire avec le rapport du ministère public sur le coffre-fort du prévenu déverrouillé il y a une semaine à la Banque Centrale du Congo. Parmi tant d’autres objets saisis de l’actuel célèbre pensionnaire de la prison militaire de Ndolo, cette caisse en acier, dont le contenu sera officiellement dévoilé dans quelques heures, n’est qu’une parenthèse dans la multiple démarche du ministère public qui le poursuit de plusieurs chefs d’accusation. En attendant l’issue de cette affaire qui ne fait que commencer, Edouard Mwangachuchu n’est pas du genre à lâcher du lest. Après l’infructueuse instrumentalisation d’obscures associations des Droits de l’Homme et de certains mouvements citoyens qui ont chanté à sa gloire, il abat présentement la carte tutsi par son avocat Me Thomas Gamakolo. Ceci afin de réduire tout à la discrimination dont serait l’objet sa communauté dans le Masisi de la part des Hutu sous instigation du député Justin Ndayishimiye qu’il porte à l’échafaud. Pourtant, les deux communautés, qui ont toujours cohabité à travers même plusieurs structures, à l’exemple de la puissante coopérative d’exploitation minière artisanale minière, COOPERAMMA, avec un président Hutu et un vice-président Tutsi. La pomme de discorde entre Edoaud Mwangachuchu et les populations du Masisi, dont les Hutu, est l’acquisition anarchique du PE 4731, amputé du PE 76 de SAKIMA et obtenu comme butin de guerre sous le règne du RCD/Goma.

Croyant tirer son client des ennuis très sérieux qu’il connaît en ce moment avec la poursuite en flagrance dont il est l’objet devant la Haute cour militaire pour des faits autrement gravissimes en surfant sur la corde sensible tutsi, reprenant ainsi le refrain sempiternel de Kigali, Me Thomas Gamakolo a plutôt ouvert la boîte à pandore. En effet, le costume de saint qu’il est en train de coudre n’est pas indiqué pour son client qui se trouve aux antipodes de toute piété. Ancien bonze du RDC/Goma, successeur du sinistre Bosco Ntanganda à la tête du CNDP dont les troupes lui ont été d’un grand appui pour sa victoire électorale en 2011 selon un rapport des Nations unies, Edouard Mwangachuchu a envoyé à l’échafaud une cinquantaine de personnes dans le Masisi avec son impitoyable garde industrielle. Trois corps de ses victimes, membres de la COOPERAMMA, sont gardés depuis juin 2019 à la morgue de l’Hôpital général de référence de Goma. Depuis lors, les populations de Masisi demandent à ce que justice soit faite relativement aux jugements rendus à tous les niveaux à Goma. Le même dossier, pour lequel ledit député fut gardé à vue pendant 48 heures à l’Auditorat militaire à Kinshasa, est toujours pendant et est loin de connaître un dénouement.

L’affaire Mwangachuchu est loin d’être une discrimination envers une communauté, en l’occurrence les Tutsi. C’est l’affaire d’un individu qui, sur fond de sa malice, a maille à partir avec des pans entiers des populations du Masisi, particulièrement celles de Rubaya. S’il faut mettre en exergue les communautés dites rwandophones, les Tutsi et les Hutu cohabitent dans cet espace depuis bien des lustres. La mise sur pied de la puissante coopérative d’exploitation minière artisanale, COOPERAMMA (Coopérative des Artisanaux Miniers du Masisi, dont les membres sont très actifs dans le PE 4731 appartenant à la SMB en tant que creuseurs parce qu’il n’y a point d’exploitation industrielle dans la contrée, en vaut pour preuve. Elle est dirigée par un staff dont le président est Hutu, avec comme vice-président un Tutsi. Et sur le plan politique, une certaine organisation tacite est de mise au Nord-Kivu : le gouverneur sort des rangs des Nande, tandis que le président de l’Assemblée provinciale est toujours issue de la communauté rwandophone. Des Tutsi se retrouvent ainsi avec des postes et des sièges respectivement au gouvernement provincial et à l’Assemblée provinciale. Le même tableau est quasiment dupliqué au niveau national où les ressortissants des différentes communautés de la province sont recensés dans les différentes institutions.

Point de dessin donc à faire pour dire que l’affaire Mwangachuchu n’a rien à voir avec une quelconque discrimination. Sa société, SMB (Société Minière de Bisunzu), reconnaît devoir plus de 4 millions de dollars aux exploitants artisanaux miniers dans le Masisi. Mais, ceux-ci se comptent aussi bien parmi les Tutsi, les Hutus que d’autres communautés. Est-ce le fait d’être Tutsi qui l’empêche de désintéresser ces pauvres creuseurs et négociants ? C’est à la population tout entière qu’il a causé préjudice et non seulement aux Hutu.
L’indexation du PE 4731 comme repaire des anciens rebelles non convertis du RCD/Goma, du CNDP, du M23, voire de certaines recrues du Rwanda, n’est pas une vue de l’esprit du député Justin Ndayishimiye, également élu du Masisi, que son collègue veut coiffer au poteau en le plaçant au centre du complot ourdi contre lui. Il y a des faits et indices qui le corroborent. La mise à l’écart depuis avril 2022 du colonel Van Kasongo, ancien N°2 de la Police au Nord-Kivu en est un. Il lui est reproché de couvrir les éléments non autrement identifiés dans la concession minière d’Edourd Mwangachuchu en les faisant passer pour des éléments des unités régulières et en les dotant en tenues et en armes. Le tort de Justin Ndayishimiye, c’est d’avoir pris son courage en deux mains en crevant l’abcès à l’Assemblée nationale. Depuis lors, la mission d’enquête parlementaire préconisée pour éclairer la religion de la chambre basse n’a jamais été mise en place, ni quitter Kinshasa.
Enfin, le PE 4731 reste la pomme de discorde entre le pensionnaire de la prison militaire de Ndolo et les populations du Masisi. Cela ne date pas de son arrestation mais remonte plutôt à plusieurs années, du temps de l’occupation ce cette partie du territoire national par le RCD/Goma. Il est toujours à couteaux tirés avec les habitants de Rubaya qui ne cessent de  considérer l’acquisition de cette concession comme un hold-up, un butin de guerre, bref un bien acquis de manière la plus anarchique contrairement aux Code et Règlement miniers. Non seulement qu’il n’existe aucun acte de cession ni de vente de la part de SAKIMA, la propriétaire, mais ce PE se trouve de surcroît une superposition.
La démarche actuelle consistant à rétablir SAKIMA dans ses droits ne constitue nullement un acte visant à ravir un bien à un citoyen, soit-il de la communauté tutsi. Elle n’est pas non plus liée à l’arrestation du client du Me Gamakolo. Et comme dit jadis, l’affaire Mwangachuchu est pareille à une poupée russe. Elle en cache une autre ou bien d’autres.

La procédure en cours n’est qu’une manière de rendre justice à une entreprise de droit congolais qui a perdu toute jouissance sur sa propriété il y a plus de 20 ans. SMB peut-elle produire un titre antérieur à celui de SAKIMA ? Est-ce aussi le fait d’être Tutsi, malgré la forfaiture, qui a empêché SMB depuis tous ces temps à signer un cahier des charges avec les populations, à faire une étude d’impact environnemental pour des dommages dus à ses activités minières, à indemniser les propriétaires terriens déguerpis bredouilles de son périmètre et à ne pas industrialiser l’exploitation comme le recommande la loi ? La Cour ne doit pas se laisser désorienter par ce refrain funeste entonné par Kigali qui instrumentalise les éléments d’une certaine communauté pour agiter la communauté internationale.
                                                                                                                              Paul Kasereka Paluku