Industrialisation de l’exploitation du coltan : le projet CFM SA expliqué à Goma Mining Briefings

Mardi 23 mai 2023 - 14:36
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La ville de Goma a abrité le 19 mai dernier la première édition de «Goma Mining Briefings». Organisée par Goma Connect, cette rencontre se veut un évènement minier consacré essentiellement et non exclusivement à l'Est de la RDC pour discuter des défis liés à l’activité minière et explorer des solutions pour une exploitation minière responsable et durable dans cette région. Par sa success story «De la coopérative à une entreprise minière», Serge Mulumba Kalambay a suscité l’intérêt des participants sur le projet CFM (Congo Fair Mining) SA qui consiste à industrialiser l’exploitation du coltan dans le Masisi ; voire du wolframite à Kailo dans le Maniema. Son parcours dans le domaine de l’exploitation minière a été plébiscité «cas d’école». Le prochain rendez-vous de «Goma Mining Briefings» est pris pour mai 2024.

La salle des conférences de l’Hôtel Serena à Goma a abrité le 19 mai dernier un évènement inédit, à savoir «Goma Mining Brifiengs» ; un évènement minier consacré essentiellement et non exclusivement à l'Est de la RDC. C’est une première dans cette ville, réputée pour les violences faites aux femmes et l’activisme de groupes armés qui sèment la mort et la désolation dans la région du Kivu. Laquelle région est, cependant, connue pour ses ressources minérales abondantes qui devraient avoir un impact considérable sur l'économie congolaise et mondiale. Cependant, l'exploitation minière y est confrontée à de nombreux défis, notamment en matière de droits de l'homme, de conflits, de pratiques illégales et d'impact environnemental.
Chairman de Goma Connect, Yannick Kabamba a fait savoir que «Goma Mining Brifiengs» est une occasion offerte à tous pour apporter le meilleur d’eux-mêmes afin de changer le narratif sur l’image négative qui colle à Goma, par devers cette ville à toute la région du Kivu, voire l’Ituri. A cet effet, il a noté : «Nous sommes réunis aujourd'hui pour discuter de ces défis et explorer des solutions pour une exploitation minière responsable et durable dans cette région. Nous avons, ici, l’opportunité de travailler ensemble pour renforcer les normes de l'industrie minière, protéger les droits de l'homme et l'environnement, et promouvoir une croissance économique inclusive, consistante et durable». Et d’ajouter : «Nous pouvons atteindre ces objectifs en travaillant ensemble, en utilisant les meilleures pratiques et en tirant parti des opportunités offertes par les nouvelles technologies et les partenariats public-privé. Nous devons tous nous engager à faire de l'exploitation minière dans l'Est de la RDC une entreprise responsable et durable, qui profite aux communautés locales, à l'économie congolaise et à la planète tout entière».

Une riche expérience

«Goma Mining Brifiengs» a fait son premier pas. Et le pari a été gagné. Outre le dévouement du leadership de Goma Connect, ce pari a été gagné aussi grâce à l’engagement sans atermoiement des différents sponsors et partenaires, en l’occurrence Equity BCDC, Atlantics, Congo Fair Mining, Global Community powered by USAID, Anser, Liquid data port, Chambre de commerce et de l’Industrie franco-congolaise, Innov Mag, Ujuzi brand, Julisha business company JBC, AFOJ, Allura shop et Agence KD. D’autre part, il y a lieu de citer également la qualité aussi bien des thèmes développés par des panelistes que la perspicacité dont ces derniers ont fait montre.

Trois thèmes principaux ont été retenus à l’occasion de cette première édition : «Développement socio-économique des populations» avec comme, notamment, sous-thème «Impact de l’exploitation artisanale sur le développement socio-économique : Défis et perspectives» ; «Exploitation minière et impact sur l’environnement» avec, entre autres, comme sous-thème «Responsabilité des entreprises minières dans la protection de l’environnement : Obligations légales, rôle de l’ACE (Agence Congolaise de l’Environnement) et comment rendre les entreprises redevables ; et «Le rôle des institutions financières dans l’accompagnement des sous-traitants congolais dans le secteur minier artisanal et industriel. Et différents exposants sont intervenus pour aborder tel ou autre sous-thème. L’on peut retenir, s’agissant de la protection de l’environnement, par exemple, que les exploitants miniers ont l’obligation légale de réaliser une étude d’impact environnemental et social préalable dûment approuvée, assortie de son plan de gestion, d’élaborer et d’assumer le cahier des charges traduisant les obligations sociétales vis-à-vis des populations impactées par leurs activités. Equity Bank, un des sponsors de l’évènement, s’est étendu sur les différents produits mis à la disposition de la clientèle en rapport avec l’exploitation minière. Il s’est dit disposé à accompagner les uns et les autres.

Les exposés et les débats ont été si riches, poignants et intéressants au point qu’un nouveau rendez-vous est pris pour mai 2024. En effet, pour Yannich Kabamba, «Goma Mining Brifiengs» projette d’être un cadre permanent à l’image d’Indaba en Afrique du Sud. La première édition va sûrement leur permettre de tirer des leçons et des enseignements pour faire ultérieurement les choses avec plus d’à propos.

De la coopérative à l’industrie minière : le projet CFM expliqué aux participants

En fait d’exposé, le DG de CFM, Serge Mulumba Kalambay a conté sa success story : un parcours atypique. Ingénieur chimiste et ingénieur en aviation civile, c’est plutôt en tant que journaliste présentateur vedette du JT français qu’il explose sur RTGA dont il assumait, du reste, les fonctions de DG. Consultant en communication par la suite, il est attiré par le secteur minier dans le Katanga dont il assure même le lobbying à l’étranger au cours de certaines rencontres internationales, voire auprès de certaines administrations américaines dont la US SEC (Securities and exchange Commissions. Intéressé par l’essor de l’artisanat minier, essentiellement du coltan qui n’est pas en vogue au Katanga à l’instar du cobalt et du cuivre, il crée une coopérative minière, en l’occurrence la CMDC (Coopérative des Artisanaux Miniers du Congo). Vice-président des coopératives minières du Katanga et du Maniema, il participe activement en 2010, le cadre du projet pilote «Solutions for hope», aux côtés de certaines multinationales (AVX, Motorola, HP et Intel.) à la campagne contre boycott du coltan congolais dans l’ensemble sur le marché international. Sous prétexte que ce sont des minerais de sang, ceux-ci sont bannis alors que non seulement le Katanga ne connaissait point d’insécurité comme le Kivu, mais aussi parce que ledit minerai est réputé propre lorsqu’il est capté par des multinationales positionnées au Rwanda.
Après l’accès au marché international du coltan de l’actuelle province du Tanganyika, puis de celui du Kivu avec l’implication du gouvernement congolais, sur fond de l’évolution de la situation politico-sécuritaire dans les Grands Lacs, Serge Mulumba passe de CDMC coopérative à CDMC Entité de traitement (CDMC SARL) pour pouvoir se lancer également dans l’exportation. Avec ses partenaires indiens, puis américains, il est dans l’exploitation industrielle du coltan avec l’usine de Kisengo, située à 200 km de Kalemie. C’est la seule usine de production industrielle du concentré de coltan en Afrique centrale. Il y fait une bonne expérience en faisant coexister l’exploitation industrielle et l’artisanat minier. Ceci pour des raisons de paix sociale et surtout pour éviter l’écrémage des gisements préjudiciable à l’exploitation industrielle.
C’est la même expérience qu’il apporte dans le Nord-Kivu, plus précisément dans le Masisi, au travers du projet CFM (Congo Fair Mining) SA dont il est Directeur général. Cette nouvelle société résulte de la Joint-Venture entre CDMC SARL et SAKIMA SA (Société Aurifère du Kivu et du Maniema), à raison de 70 % pour la première citée et 30 % non diluables pour la seconde. C’est un projet dont la première phase porte essentiellement sur la mécanisation complète de l’exploitation minière. La deuxième phase est consacrée à l’usine de traitement de coltan proprement dite qui va produire un produit intermédiaire, à savoir le sel de tantale.

Cette production industrielle présente plusieurs avantages, notamment la création de l’emploi, la garantie sur le plan fiscal, la protection de l’environnement et l’allègement du coût de transport. En sus, le traitement des résidus sur place va donner lieu à des sous-produits tel que le niobium qui échappent à la RDC.

Le DG Serge Mulumba s’est félicité de la procédure en cours pour la signature du cahier des charges entre CFM SA et les communautés du Masisi sous l’accompagnement des Autorités politico-administratives provinciales du Nord-Kivu. Ce qui témoigne de sa volonté de respecter les obligations sociétales vis-à-vis des populations qui seront impactées par les activités de CFM SA. Les Etudes d’impact environnemental ainsi que leur plan de gestion seraient déjà conclus n’eut-été l’agression dont la RDC est victime dans sa partie Est de la part du Rwanda, par le M23 interposé.

CFM SA demande la paix afin que son projet se matérialise, malgré le retard de deux ans observé dans la cession des titres relatifs aux PE 76 (Masisi) et 17 (Kailo, dans le Maniema). Ce qui a fait décaler d’autant d’années le projet, dont la phase d’études géophysiques, après les études documentaires, a été arrêtée par l’agression rwandaise.

Pour mémoire, c’est en 2017 que CDMC SARL a étendu ses activités aux Nord et Sud-Kivu. La signature du contrat commercial avec SAKIMA SA dans un premier temps a permis à cette dernière de recouvrer ses droits longtemps perdus à la suite de monopole pratiqué à la suite de l’occupation du Masisi autrefois par le RCD. Depuis lors, SAKIMA SA a perdu une partie de la concession enregistrée sous le PE 4731. Il eut fallu la délimitation effectuée par le CAMI (Cadastre Minier) en collaboration avec le Parquet près la Cour d’appel de Bukavu, sous le financement de CDMC SARL, pour constater qu’il y avait plutôt empiètement sur le PE 76.
L’entrée en danse de CDMC SARL dans le Masisi, sur fond des mesures prises tant au niveau du gouvernement congolais que de la région, a changé la donne à telle enseigne que depuis 2018 la RDC, qui a des grandes réserves de coltan, est la première productrice du coltan au monde, devançant de loin le Rwanda qui avait largement profité des ressources congolaises avec l’insécurité qui prévaut à l’Est depuis près de 30 ans. Et un magazine français, Africa Intelligence, ne croyait pas si bien dire dans une de ses éditions de 2021 que «Kinshasa veut reprendre le contrôle du coltan face à Kigali».
                                                                                                                                         John Ngombua