RDC : Le professeur Mampuya démontre dans son nouveau livre que beaucoup d'arrêts de la Cour Constitutionnelle sont anticonstitutionnels

Vendredi 21 juillet 2023 - 15:18
Image
Droits tiers

Le professeur Auguste Mampuya Kanunk'a-Tshiabo a publié un nouvel ouvrage intitulé : « Sous la houlette de la Cour Constitutionnelle, jurisprudence qui ne peut faire jurisprudence ». 

Ce livre baptisé le 20 juillet 2023 par le doyen de la faculté de Droit de l'Université de Kinshasa, le professeur Jean-Louis Esambo, met en relief le caractère illégal de beaucoup d'arrêts de la Cour Constitutionnelle.

« Au nom de la science je vous baptise pour que par vous, l'universitaire et le praticien de Droit soient éclairés. Dans les sociétés mieux organisées que nous, il faut accepter que l'œuvre du juge soit critiquée par la doctrine. L'auteur a un regard externe de l'action du juge. Et ce regard doit être pris positivement. Ça peut aider le juge à s'améliorer et à s'adapter. Il y a une importance qu'il ait un dialogue entre la doctrine et l'activité des juges », a déclaré le constitutionnaliste Jean-Louis Esambo.

La présentation du contenu de ce livre de 169 pages a été faite par le professeur Kodjo Ndukuma. Sans trahir la pensée de l'auteur, ce dernier a affirmé qu'à travers ce livre, le professeur Auguste Mampuya fustige "les dérives jurisprudentielles susceptibles de déstructurer le système constitutionnel en lui-même cohérent".

Une impressionnante jurisprudence contra legem

A en croire ce juriste, l'auteur affirme dans ce livre structuré en 3 grands chapitres que la Cour Constitutionnelle de la RDC dispose d'une impressionnante jurisprudence extra et contra legem; et qu'elle prend une mauvaise direction qui représente un danger pour le système judiciaire congolais.

« Au nom d'un pouvoir régulateur auto-proclamé et d'une conception mystico-mythique des droits de l'homme, la Cour Constitutionnelle commet et assume des violations de la Constitution. Au lieu de fonder ses décisions sur les normes qui créent le Droit, la Cour a affirmé sa volonté de les fonder sur sa propre jurisprudence, étant elle-même créatrice de Droit. La plupart des arrêts de la Cour Constitutionnelle ne devraient pas faire jurisprudence. La Cour s'attribue parfois des compétences non prévues dans la Constitution », a soutenu le professeur Kodjo Ndukuma.

Après avoir critiqué la notion de la jurisprudence et les conditions de la fonction judiciaire en RDC, l'auteur a consacré le troisième chapitre de son livre à l'analyse rigoureuse d'un certain nombre d'arrêts de la Cour Constitutionnelle qualifiés d'illegaux. 

Arrêt Kapuku, péché originel

Pour lui, l'arrêt qui constitue le péché originel de la Cour Constitutionnelle est de 2006 sur Trésor Kapuku, ancien gouverneur du Kasaï, où la Cour a commis la « grave erreur » de Droit de considérer une motion de défiance adoptée par une assemblée provinciale comme un acte législatif. Depuis, regrette le professeur Kodjo, toutes les motions passent désormais sous le tamis de la Cour Constitutionnelle qui arrive même à rétablir les personnes qui n'ont plus la confiance politique des élus du peuple. 

L'auteur parle aussi dans son livre de l'arrêt Tshibalonza au Sud-Kivu en 2007, de l'arrêt Masudi au Maniema, de l'arrêt José Makila en Équateur en 2009, de l'arrêt Lomboto à la Tshuapa en 2016, de l'arrêt Atou Matubuana au Kongo Central, de l'arrêt Kazembe au Haut-Katanga, de l'arrêt Julie Ngunga de Tanganyika, des arrêts sur la CENI de 2015 et de 2022 et plus récemment de l'arrêt Ngwabije et de l'arrêt sur l'affaire Matata Ponyo.

« En agissant ainsi, l'auteur dit que c'est tout le système politique de l'Etat de droit qui depuis 2006 est mis à mal. Il a cependant dans la conclusion reconnu qu'il y a encore du temps pour se ressaisir. Il temps que les hauts magistrats sauvent, non pas leur amour propre, mais notre système judiciaire et ses nobles objectifs par l'abandon de ces jurisprudences non dignes de faire jurisprudence », a martelé le professeur Kodjo.

Les magistrats doivent faire preuve de devoir d'ingratitude

Prenant la parole, le professeur Auguste Mampuya a précisé que l'objectif en écrivant ce livre est de dénoncer ce qu'il a qualifié de l'avilissement de la Cour Constitutionnelle par des politiques. Il appelle ainsi les hauts magistrats à ce qu'il qualifie de « devoir d'ingratitude » face à ceux qui les ont nommés. 

« J'incite les magistrats à ce que j'appelle le devoir d'ingratitude face à ceux qui les ont nommés. J'appelle le Conseil Supérieur de la Magistrature à prendre ses responsabilités pour défendre l'indépendance de la justice. Je vilipende largement les politiciens dans cet ouvrage, eux qui ont tout fait pour réduire, avilir les magistrats qu'ils ont entraînés dans la boue puante de la politique. Si tous les juristes se liguent, les magistrats auront la force de résister aux velléités des politiciens d'amener la politique dans le pretoire », a-t-il conclu.

ODN