VBG en RDC : Les causes, la prévention et les actions de l'UNFPA pour en finir 

Lundi 11 septembre 2023 - 09:49
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La République démocratique du Congo est comptée parmi les pays qui font face aux violences basées sur le genre (VBG) dans le monde. Particulièrement, dans sa partie Est, la situation des VBG a été aggravée notamment par la résurgence du mouvement terroriste M23 depuis 2022, qui a engendré une crise humanitaire avec le déplacement des millions de personnes.  

Via Twitter, le 05 juillet, le responsable de l'ONU pour les affaires humanitaires, Martin Griffiths, a rapporté que plus de 31.000 cas de violences basées sur le genre ont été enregistrés lors de trois premiers mois de 2023 en RDC. À l'en croire, si le pays de Lumumba continuait sur cette lancée, la barre de 125.000 cas pourrait être atteinte cette année. 

Ces VBG sont de plusieurs formes. L'on note les viols, les violences physiques, les harcèlements sexuels mais aussi les abus et exploitations sexuels.

Pour pallier cette situation, le gouvernement congolais et ses partenaires travaillent en synergie. Mais quelles sont les principales causes des VBG en RDC ? Comment les prévenir ? Et quelles sont les actions d'un des partenaires de l'État, en l'occurrence l'UNFPA (Fonds des Nations-Unies pour la Population), pour en finir ?  

Causes principales des VBG

Plusieurs facteurs sont à l'origine des violences basées sur le genre en RD-Congo, comme nous l'explique Fabiola Faida Mwangilwa, experte en genre. Elle note principalement deux causes des VBG au Congo-Kinshasa, à savoir : les conflits armés et l'impunité. 
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« Il peut y avoir beaucoup de causes mais la cause principale reste les conflits armés. Il y a trois décennies, on ne connaissait pas cette ampleur des problèmes liés aux violences sexuelles mais les conflits armés ont mis la population dans une situation très difficile et laquelle a conduit à des violences sexuelles comme conséquence des conflits armés », a-t-elle affirmé dans un entretien nous accordé le 31 août 2023. 

Avant de renchérir : « Et la deuxième raison principale reste, en tout cas, l’impunité, parce-que lorsqu’un auteur des viols est condamné et purge sa peine de 20 ans, ça servira d’exemple. Mais il y a des gens, pour une raison ou une autre, se retrouvent en dehors et même d’autres qui s’évadent de nos prisons. Vous connaissez l’état de fonctionnement de nos prisons et là, ça reste un problème. Pour moi, il y a deux raisons fondamentales qui justifient l’ampleur des violences sexuelles que nous connaissons en RDC ». 

Prévention des VBG

Pour prévenir les violences basées sur le genre en RD-Congo, la ministre honoraire du Genre (2003-2007) préconise la fin des conflits armés, la restauration de l'autorité de l'État, le renforcement de la justice pour sanctionner les auteurs et la réparation des victimes.

« Pour ce qu’on doit faire pour prévenir, il n’y a pas une solution magique, il faut mettre fin aux hostilités et renforcer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national. Et là, c’est l’une des premières choses. L’autre, bien-sûr comme valeur citoyenne, il faut renforcer les institutions judiciaires pour qu’elles soient en mesure vraiment de réprimer les viols, de condamner les auteurs mais aussi, au niveau du gouvernement, procéder à la réparation des victimes. Cette question, On n'en parle peu. Il y a des femmes qui ont accepté de se présenter en justice, qui ont bénéficié des jugements rendus mais qui n’ont jamais été dédommagées », a déploré Fabiola Faida Mwangilwa.

Elle se demande, par ailleurs, comment encourager d'autres victimes à se présenter devant la justice lorsqu'elles n'obtiennent pas réparation. 

« Et là, les gens recourent facilement aux arrangements à l’amiable, ce qui favorise davantage les violences sexuelles que les femmes vivent à travers notre pays, surtout dans les zones de conflits », a souligné cette experte en genre d'Échos ASBL.

Interventions de l'UNFPA contre les VBG

Le Fonds des Nations-Unies pour la Population (UNFPA) travaille avec le gouvernement congolais pour mettre fin aux VBG. Cette agence onusienne intervient dans les domaines de la prévention et de la réponse en situation humanitaire comme dans le contexte de développement. 

Au niveau de la prévention, Mireille Ikoli, spécialiste du Programme genre à l'UNFPA, fait savoir que cet organisme travaille davantage sur la communication pour le changement des comportements.

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« (...) Et nous savons que nous ne pouvons pas communiquer, sensibiliser les communautés sans avoir des évidences, en terme des données, d’études anthropologiques, sociologiques qui permettent de comprendre quels sont les déterminants, qui permettent de comprendre un peu les questions socio-culturelles, afin de définir une bonne stratégie de communication pour pouvoir adresser ces questions là en terme de prévention », a-t-elle indiqué dans une interview nous donnée le 03 juillet de cette année. 

Par rapport à la prévention toujours, souligne-t-elle, l'UNFPA travaille sur l’engagement des hommes, "parce-que nous pensons qu’il n’y a pas que les femmes qui doivent œuvrer pour la lutte contre les violences basées sur le genre. Il y a également la place des hommes en tant qu’acteurs pour participer au changement social, au changement des comportements et promouvoir une masculinité positive, afin de pouvoir lutter contre les VBG". 

« Un autre volet pour la prévention, c’est l’implication des leaders. Il y a les leaders communautaires, les leaders traditionnels, les responsables d’églises, avec qui nous travaillons parce-que ce sont des leaders d’opinion qui, par leur action de communication, peuvent aider et contribuer au changement des comportements. Ça, c’est du côté de la prévention », a-t-elle laissé entendre. 

Et d'ajouter : « Du côté de la prévention, je peux dire également tous les efforts qui sont fournis pour la mise en place des lois et des politiques au niveau du gouvernement pour pouvoir lutter contre les violences faites aux femmes ».

Quant à la réponse, Mireille Ikoli précise que l'UNFPA s'assure de la mise à la disposition des victimes des VBG de tous les dispositifs de prise en charge multisectorielle et d'une assistance juridique, avec l'accompagnement des agences-sœurs, telles que le PNUD et le Bureau conjoint des Nations-Unies aux droits humains. 

« Du côté de la réponse, ce que nous faisons, c’est de pouvoir nous assurer que nous avons tous les dispositifs en place pour assurer la prise en charge multi-sectorielle des victimes avec une approche centrée sur la survivante, où nous mettons la survivante elle-même au centre de l’action et au centre de la réponse, et une approche basée sur le droit, où nous visons à ce que, ce que nous apportons à la survivante puisse être conforme à ses besoins, conforme à ses droits. Donc, nous mettons en place des services de prise en charge médicale, de prise en charge psycho-sociale, le soutien juridique, à travers les cliniques juridiques ou les bureaux de consultation gratuite dépendant des provinces et des barreaux mais également nous essayons de contribuer pour la réinsertion socio-économique des survivantes », a-t-elle expliqué. 

En terme médical, renchérit Mireille Ikoli, l’appui est beaucoup plus accordé aux structures médicales, aux zones de santé dans les différentes provinces, où les Kits post-viol, et les produits de santé de la reproduction sont mis à disposition pour aider à assurer la charge médicale, c’est-à-dire prévenir les grossesses, prévenir la transmission du VIH, assurer la prise en charge des IST, mais également sur le plan psycho-social, offrir un soutien émotionnel, l’écoute à la victime, le soutien psycho-social pour lutter contre les traumatismes et essayer de mettre en place des exercices de thérapie de groupe pour permettre aux femmes et filles qui sont à risque ou qui sont victimes des VBG de pouvoir bénéficier d’un soutien et d’un support de la communauté.  

D'après elle, il y a plusieurs progrès qui ont été enregistrés avec les interventions de l'UNFPA. 

« Le fait déjà qu’on parle aujourd’hui de plus en plus des VBG, je pense que ça fait partie des résultats des actions, parce-que dans certaines zones, dans certains pays, il y a encore un silence pesant sur la question. Donc, aujourd’hui on en parle plus facilement, ça fait partie des résultats positifs de l’action. Le fait que nous avons aujourd’hui des structures qui offrent des services multi-sectoriels au départ qui étaient des structures informelles, ce qu’on appelait les centres intégrés des services multi-sectoriels, aujourd’hui c’est institutionnalisé. Il y a un décret du premier ministre qui a mis en place le CISM, comme cadre approprié pour la prise en charge multi-sectoriel des victimes des VBG. Du moment où ça commence à relever du budget de l’Etat, on considère que c’est un début d’appropriation et c'est positif », a-t-elle soutenu, avant de noter le fait aussi que plus de 90.000 cas ont bénéficié d’une assistance l’année dernière. 

La spécialiste du Programme genre au sein de l'UNFPA espère que, grâce aux efforts fournis par le gouvernement et ses partenaires, l'on pourra arriver à zéro violence basée sur le genre en RDC. 

Il sied de noter que, dans le cadre de la lutte contre les VBG, le Congo-Kinshasa n'est pas en reste. Il a mis en place des politiques publiques pour venir à bout de ce fléau. En 2021, sous l'impulsion du président Tshisekedi, la campagne tolérance zéro contre les VBG a été lancée au pays par le gouvernement de la République. En outre, le chef de l'État a promulgué, en décembre 2022, la loi n°22/065 du 26 décembre 2022 fixant les principes fondamentaux relatifs à la protection, à la réparation des victimes des violences sexuelles liées aux conflits et des victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité. Cela a été ponctué par la mise en place du Fonds national de réparation des victimes (FONAREV). Entre-temps, les efforts doivent être multipliés par toutes les parties prenantes à la lutte, pour atteindre le résultat transformateur de zéro cas des VBG au niveau du pays. 

Prince Mayiro NDONGO