Dans sa mission de service à la communauté, l'Université de Kinshasa ( UNIKIN) a organisé, ce jeudi 29 février 2024, une conférence débat sur le thème : "La RDC face aux enjeux de la transition énergétique : Cas du secteur minier".
Cette messe scientifique organisée à l'initiative du rectorat a été animée par le professeur Raphaël Matamba Jibikila de la faculté de Pétrole, Gaz et Énergies renouvelables, qui se trouve être aussi le coordonnateur de la Cellule technique de coordination et planification au ministère des Mines.
Après une brève définition de quelques concepts clés, ce scientifique s'est évertué à démontrer que la RDC a plus de chances de tirer un grand profit de la transition énergétique qui consiste " au remplacement progressif des énergies fossiles ( et parfois nucléaires) par un mix énergétique privilégiant les énergies renouvelables, avec comme enjeu majeur la lutte contre le réchaufement climatique par la migration vers l'idéal d'un monde à zero émission de C02".
Devant l'auditoire constitué des professeurs d'universités, des étudiants et activistes de la société civile, le professeur Raphaël Matamba a expliqué comment est-ce que la RDC est au coeur des grands enjeux géostratégiques en ce qu'elle regorge des réserves importantes de minerais et métaux critiques et stratégiques qui jouent un rôle determinant dans la transition énergétique.
Dans les recommandations, il a insisté sur la nécessité pour le pays de se doter d'un plan stratégique de gestion des minerais et métaux critiques et stratégiques dont le lithium, le cobalt, le coltan et le cuivre. Pour le professeur Matamba, l'État congolais a tout intérêt à investir dans la prospection afin de quantifier effectivement son potentiel géologique.
"Au niveau du pays, il y a des spéculations comme quoi on a beaucoup de minerais stratégiques. Nous avons beaucoup de minerais critiques. Le plus grand problème ici chez nous est que, tout ce que nous détenons par exemple le cobalt, tout ce qui est or, ou cuivre, c'est ce qui avait été étudié à l'époque des belges et quelques entreprises sérieuses qui sont venues et qui ont fait de la prospection pour découvrir les nouveaux gisements. Depuis, on n'a pas intensifié l'exploration ou la prospection pour connaître l'état actuel de nos propres réserves en termes de tous ces éléments. Même quand on dit scandale géologique, si on demande en termes de qualité, c'est quoi, on ne sait pas. C'est ainsi qu'au niveau du pays, il faut d'abord améliorer la certitude géologique, connaître d'abord ce que nous avons réellement avant de faire quoi que ce soit", a-t-il déclaré.
Dans le volet économique, le professeur Matamba a plaidé pour l'interdiction de l'exportation des minerais à l'état concentré et brut. Il a insisté sur l'importance d'obliger les grandes industries à installer leurs usines en RDC. Ce qui, soutient-il, créera de l'emploi et des richesses en instituant une économie circulaire.
" Ici, pour avoir beaucoup d'argent, on voudrait vendre les produits finis. Il y a des dispositions règlementaires qui interdisent la vente des bruts et même des concentrés. On demande aux entreprises de transformer localement. Au lieu ,par exemple, d'amener en Chine les concentés de cobalt, si ces entreprises peuvent mettre leurs usines ici en RDC afin qu'on ait une valeur ajoutée énorme. Ainsi, on aura une économie circulaire avec la création de l'emploi et des richesses. Pourquoi pas, avec notre cobalt et manganèse, faire des batteries et véhicules électriques ici au Katanga. On gagnerait beaucoup plus que vendre les concentrés. On pourra fabriquer des téléphone portables et d'autres outils localement ", a fait remarquer ce scientifique.
Répondant à une question sur l'accord signé récemment entre l'Union européenne et le Rwanda sur les minerais stratégiques et critiques dont le pays n'est pas producteur, le professeur Kabamba a indiqué que cela procède de la stratégie adoptée par les grandes puissances d'accumuler des stocks importants de ces matières. Il appelle l'UE à clarifier l'origine des minerais que le Rwanda va commencer à lui fournir.
Dans son mot, le recteur de l'UNIKIN, le professeur Jean-Marie Kayembe, a rassuré que son institution va de temps en temps organiser des conférences pareilles dans le but d'être au point de proposer des réponses aux enjeux actuels et à venir qui s'imposent au pays. Son cabinet a annoncé, séance tenante, l'organisation dans les prochains jours d'une autre conférence sur la même thématique, dans son volet diplomatique, par la faculté des sciences sociales, politiques et administratives.
"Il est temps que nous prenions garde. Il est temps que l'université joue pleinement son rôle qui est celui de
porte-étendard devant accompagner les grandes décisions au niveau de la nation. Aujourd'hui l'UE vient de conclure un marché avec le Rwanda dont le sol est aride. Devons-nous nous taire face à cette énième humiliation ? La réponse est non. ", a-t-il conclu.
Soulignons que l'exposé du professeur Raphaël Matamba a été suivi d'un débat riche. Des participants ont appelé le gouvernement à faire preuve d'intelligence stratégique afin de gérer de façon optimale le potentiel géologique de la RDC dans ce contexte où le pays est au cœur des enjeux géostratégiques multiples.
Orly-Darel N.