RDC : le BCNUDH rapporte 360 cas des violations et atteintes des droits de l’homme documentés pour le mois de mars, dont 49% commis par les agents de l’État 

Mardi 7 mai 2024 - 23:01
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Le Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’homme a rendu public, ce mardi 07 mai 2024, les principales tendances des violations des droits de l’homme en République démocratique du Congo durant le mois de mars 2024. 

À en croire les données du BCNUDH, au moins 
360 violations et atteintes aux droits de l’homme sur l’ensemble du territoire national ont été documentées, avec 880 victimes, 487 hommes, 168 femmes, 142 enfants et 79 personnes de genre et âge inconnus. Ce qui représente une diminution de 5% en termes de violations et d'atteintes, de 18% en termes de victimes, par rapport au mois précédent. 

« Cette diminution est principalement due à une réduction du nombre documenté des victimes d’exécutions sommaires, de mauvais traitements et d’enlèvements par les groupes armés dans les provinces en conflit, par rapport au mois de février. Il convient toutefois de noter que ces chiffres ne reflètent que les violations et atteintes que le BCNUDH  a documentées et que, compte tenu de la détérioration de la situation humanitaire et sécuritaire dans l'est, le nombre réduit, d'atteintes documentées par les groupes armés pourrait ne pas correspondre à un nombre réduit d'attaques contre les civils, mais plutôt à une capacité réduite du BCNUDH d'accéder à certaines zones, en particulier celles occupées par le M23, ainsi que celles où la MONUSCO ferme ses bases militaires dans le cadre du plan de désengagement de la mission », écrit le BCNUDH. 

D’après cette source, contrairement aux périodes précédentes, ce sont les agents de l’État qui ont été responsables de la majorité des violations documentée dans l’ensemble du territoire de la RDC, avec 176 violations (49%), soit une augmentation de 42% par rapport au mois précédents alors que les groupes armés ont commis 174 atteintes (48%). 

Cette augmentation, dit le BCNUDH, est liée à la hausse du nombre de  détentions arbitraires dans les provinces non affectées par le conflit ainsi que du nombre de victimes de mauvais traitements par des agents de l'État (de 38 victimes en février à 97 victimes en mars). Elle a été particulièrement évidente au Sud-Kivu avec 62 victimes de mauvais traitements en mars, par rapport à six victimes documentées au mois de février. 

« Cela s’explique en partie par la présence des éléments indisciplinés au sein des FARDC déployés dans la province, inclus le Bataillon Aiglon en territoire d’Uvira, sans formation adéquate avant leur déploiement sur le terrain et sans l’appui logistique suffisante pour leurs opérations », rapporte notre source. 

En mars 2024, le BCNUDH a documenté 292 violations et atteintes dans les provinces affectées par le conflit armé, ce qui représente une diminution de 12% par rapport au mois précédent (330). De toutes les violations et atteintes documentées dans les provinces en conflit, 59% (soit 172 atteintes) ont été commises par les groupes armés, 38% (soit 112 violations) par les agents de l’État, 2% (six) par des civils armés non autrement identifiés au Tanganyika et en Ituri, une violation a été commise conjointement par les FARDC avec l’Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain (APCLS) au Nord-Kivu et un cas par une force armée étrangère, notamment Ugandan People’s Defence Forces (UPDF) dans le territoire de Beni.

Dans les provinces non affectées par le conflit, le BCNUDH dit avoir documenté 68 violations et atteintes, dont 64 violations commises par les agents de l’État, particulièrement dans les provinces du Haut-Katanga (29), de Kinshasa (14), du Kasaï et Lomami (cinq chacune), du Kasaï-Central (quatre), du Kasaï-Oriental et de Kwilu (trois chacune) et du Haut-Lomami (une). Les quatre autres cas ont été commis par des civils armés (deux), probablement liés au groupe Mobondo, dans les provinces de Kinshasa et Mai-Ndombe et par le groupe armé Lord Resistance Army, notamment dans la province du Bas-Uele (deux cas d’enlèvements).

« Les cas de violences sexuelles liées aux conflits (VSLC) sur des victimes adultes étaient en hausse en mars 2024 par rapport au mois de février 2024. Le BCNUDH a enregistré une augmentation des cas de violences sexuelles liées aux conflits contre 41 victimes adultes (toutes des femmes) par rapport aux 36 victimes du mois précédent. À l’instar du mois précédent, des membres de groupes armés ont été responsables de 88% de ces violences sexuelles, avec un total de 36 victimes. Les principaux auteurs des violences sexuelles parmi les groupes armés sont le M23 avec 24 victimes (24 femmes), les Raïa Mutomboki avec trois victimes (trois femmes), les différents groupes et factions Maï-Maï, les FDLR, les Nyatura et le Zaire (deux femmes chacun) ainsi que l’APCLS(une femme). Au courant de ce mois, la plupart des cas documentés sur le M23 ont été commis avec brutalité et quelques attaques ont été dirigées contre des victimes dont les maris avaient été enlevés. Certaines ont été violées collectivement pendant qu’elles étaient en train d’effectuer des activités champêtres », lit-on dans le communiqué du BCNUDH.

Au cours du mois de mars 2024, la Section de la protection de l’enfant de la MONUSCO (CPS) a documenté et vérifié 136 violations graves affectant des enfants dans le cadre des conflits armés en RDC, ce qui représente une augmentation de 35% par rapport au mois de février 2024 (98). Le recrutement et l’utilisation des enfants, les enlèvements et le meurtre et mutilation ont été les violations les plus documentées.

Pendant le mois de mars 2024, le BCNUDH a documenté huit violations des droits de l'homme liées à l'espace démocratique ayant fait 24 victimes, tous des hommes, une diminution significative surtout au niveau de nombre de victimes, par rapport à celles documentées au cours du mois de février 2024 (13) violations et 101 victimes). Cette diminution est due en particulier à la réduction du nombre de manifestations après la fin de la période électorale. 

« Toutes ces violations ont été commises par des agents de l’État, dont six pour la PNC et deux pour les FARDC », affirme-t-il. 

Le BCNUDH a continué à documenter des atteintes au droit à l’alimentation et droit à l’accès aux soins de santé. Des entraves majeures à la jouissance de leur droit à l’encontre de la population ont été documentées dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. L’insécurité présente dans les territoires affectés par le conflit a un impact négatif sur le droit à l’alimentation de la population. Dans des zones contrôlées par les groupes armés, la population est empêchée d’accéder à ses champs et fermes, entrainant un manque de provisions nécessaires pour couvrir ses besoins nutritionnels.

« En mars 2024, 35 personnes sont décédées en détention, soit six personnes de moins que le mois précédent. Toutefois, depuis le début de l’année 2024, le nombre de  décès en détention reste préoccupant. Les principales raisons de ces décès sont la surpopulation carcérale et les mauvaises conditions de détention, qui constituent un environnement propice à la propagation de maladies contagieuses telles que la tuberculose et le VIH, ainsi que l’alimentation insuffisante et l’accès inadéquat aux soins. Bien que ces données prennent en compte les prisons de Kinshasa, il est à noter qu'il existe un risque élevé de sous-documentation des cas de décès en détention, surtout dans la
prison de Makala, à Kinshasa, où le personnel du BCNUDH a dû suspendre le monitoring régulier de la prison pour des raisons de sécurité, la surpopulation carcérale y étant de 1000% », rapporte-t-il. 

Le 6 mars 2024, à Bukavu, l'équipe médico-légale a pris une part active à la session de formation des officiers de police judiciaire (OPJ). Cette équipe a, à travers une méthodologie interactive et participative, facilité un module sur la gestion des preuves forensiques dans les violences sexuelles au profit de 20 policiers, dont trois femmes.

Le BCNUDH réaffirme son soutien aux autorités nationales dans le cadre des activités visant à améliorer la situation des droits de l’homme. Au moins, dit-il, 26 activités ont été organisées sur l’étendue du territoire national avec la participation d’au moins 708 personnes (382 hommes et 326 femmes). Les activités ont porté sur plusieurs sujets dont les notions générales sur les droits de l’homme, la protection des civils, les droits de la femme, le monitoring des droits de l’homme, les droits sociaux économiques et culturels, les violences sexuelles, la justice transitionnelle et la lutte contre l’impunité.

Christian Dimanyayi