Affaire marché central de Kinshasa :" Le rapport ODEP et LICOCO est faux à 90%, SOGEMA a beaucoup apporté, notamment en terme de caution morale" (Gode Mpoyi)

Lundi 13 mai 2024 - 16:13
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L’ancien président de l’Assemblée provinciale de Kinshasa Gode Mpoy et professeur d’économie, particulièrement en Partenariat public-privé (PPP), a, au cours d’une émission dimanche 12 mai dernier, affirmé que le rapport de l’Observatoire de la dépense  publique (ODEP) et la Ligue congolaise de lutte contre la corruption (LICOCO) sur le contrat signé entre la ville de Kinshasa et la société SOGEMA, dans le cadre de la construction du marché central de la capitale congolaise (Zando) est faux à 90%.

Dans sa mise au point, 
ce professeur de l'Economie a démontré point par point que les auteurs de ce rapport ne maîtrisent ni l'économie de Partenariat Public-privé (PPP),  moins encore la loi en la matière en vigueur en RDC. Il affirme que c'est ce genre de réflexions qui font fuir les hommes d'affaires et les multinationales en RDC. 

"Le rapport de l'ODEP, LICOCO et autres commanditaires sur le dossier grand marché (Zando) est un torchon sans fondements scientifique, technique et juridique. Les auteurs apparents et non apparents de ce rapport ont besoin d'une prise en charge en économie de PPP. Ces rapports bidons (comme la Zarianisation) sont en train de chasser les hommes d'affaires de la RDC, pour ne nous laisser qu'avec les commerçants, a déclaré Godé Mpoy.
Il a conseillé aux rédacteurs de ce document d’approfondir leurs recherches et leurs enquêtes afin de s’éviter le ridicule. "Enquêtons, auditons mais avec methode
", a-t-il conseillé à l’ODEP et à la LICOCO.

SOGEMA va gérer le marché central pour 25 ans

Dans leur rapport, l'ODEP et la LICOCO ont premièrement fustigé le fait que la SOGEMA qui, selon elles, n'apporte aucun financement propre va se voir attribuer la gestion du marché central de Kinshasa pour 25 ans. 

En réaction, Gode Mpoyi démontre, références scientifiques à l'appui, qu'en finances publiques, la caution n'est pas seulement l'argent. Pour lui, la SOGEMA a beaucoup apporté en termes de "caution morale". C'est grâce elle, poursuit-il, que SOFIBANQUE a consenti d'accorder  le crédit à la ville de Kinshasa qui n'était plus crédible auprès des banques. 

« C’est un rapport bidon. J’ai l’autorité de le dire. Le mal dans notre pays, il y a des gens qui pensent que ce que eux ne connaissent pas n’existent pas. J’ai un grand respect pour le combat de ces ONG là et d’ailleurs si vous le remarquez bien, ce rapport ne vient pas d’elles. Elles l’ont pris quelque part. Je sais d’où il provient. Si ces gens là ne le savent pas, en finances publiques, la caution n'est pas seulement l'argent. Il y a 4 types de cautions, à savoir la caution en numéraire, la caution bancaire, les fonds publics et la caution morale. Donc, une caution morale vaut autant que l'argent. C'est-à-dire que si SOGEMA n'était pas là, la ville de Kinshasa n'allait pas obtenir ce crédit. Cette crédibilité là ça se rémunère ", a-t-il expliqué. 

Sans SOGEMA, aucun financement

Et à l'ancien patron de l'APK de poursuivre : Si quelqu’un vous dit que SOGEMA n’a rien apporté dans la construction du marché central, amenez-le à l’école et dites-lui que sa place n’est pas ici. Toutes les banques avaient rejeté la ville de Kinshasa pour son manque de crédibilité, c’est là que nous avons fait recours à SOGEMA, comme elle avait la confiance de SOFIBANQUE. C’est sa présence dans le contrat qui avait donné de la valeur à la ville. Et une caution morale vaut autant que la caution financière. N’eut été la présence de SOGEMA dans le partenariat, la ville de Kinshasa n’aurait pas bénéficie du crédit auprès de SOFIBANQUE".

Parlant de 800.000€ que la ville versait à SOFIBANQUE chaque mois, Gode Mpoyi a souligné qu'il s'agit  juste d'une garantie supplémentaire que la banque voulait avoir en plus de la caution morale. Cet argent évalué aujourd'hui à plus de 20 millions $ est logé dans un compte séquestre et sera retourné à la ville de Kinshasa le moment venu.

"Dans le cadre de la gestion du risque bancaire, SOFIBANQUE a dit à SOGEMA que là où tu mets le pied, il n'y pas des gens crédibles. Je te fais confiance mais pas eux. Dis leur que ce qui sera le gage supplémentaire pour moi la Banque est l'ouverture d'un compte séquestre où sera logé chaque mois 800.000 €. C'était comme une caution supplémentaire qui venait se greffer sur la caution morale qui a actionné tout le mécanisme. Cet argent n'est pas utilisé. C'était juste dans le cadre de la gestion de risque. Les 20 millions € ne sont pas un apport pour qu'on parle du marché public. Quand j'ai appris qu'on voulait les voler, j'ai écrit à la banque pour demander de les garder jusqu'à l'installation de nouvelles autorités. Notre vision était de retourner cet argent dans le compte séquestre et de l'utiliser pour dupliquer le marché central. Ça peut même construire 20 kilomètres de route", a-t-il indiqué. 

L'Etat garde son pouvoir de contrôle

A la question de savoir pourquoi la gestion de SOGEMA s'étend sur 25 ans, Gode Mpoyi soutient que cela relève du classique en matière du partenariat public privé. Contrairement à ce que dit ce rapport, il a soutenu que l'État garde son pouvoir de contrôler à chaque fois qu'il le désire. 

"Il faut lire l'économie des partenariats public-privé. Le premier principe en cette matière est le partenariat à longue durée. Il n'y a pas de partenariat public-privé à courte durée. Si quelqu'un dit que SOGEMA n'a rien apporté ce qu'il ne connaît pas ce que c'est la caution morale. Lorsqu'on signe, à partir de ce moment là, pour cette période là, l'activité est gérée exclusivement par le concessionnaire. La philosophie du PPP est que l'Etat a été incapable soit de financer, soit de gérer. Qui va amener son argent pour que ce soit mal géré? Donc c'est le concessionnaire qui gère durant le temps prédéfini et l'Etat se réserve toujours la prérogative de contrôler, de regarder comment ça se passe. Le problème est clairement résolu par la Loi sur le PPP en RDC. Il ne faut pas que les gens pensent que ce qu'ils ne connaissent pas n'existe pas", a-t-il martelé. 

L'ODEP et la LICOCO avaient par ailleurs mentionné dans ce rapport que les conditions de retour sur site des vendeurs et personnel administratif délocalisés avant le début des travaux ne sont pas du tout définies. En réaction, Gode Mpoyi rappelle l'instruction que l'Assemblée provinciale de Kinshasa a donné à la SOGEMA pour que dans le recrutement des personnes devant occuper ce marché, la priorité soit accordée à ces anciens occupants. 

La priorité aux anciens occupants du marché central

"On ne peut pas tout mettre dans un contrat. L'Assemblée provinciale a donné une instruction à la SOGEMA pour lui dire que la priorité dans le recrutement doit être accordée aux commerçants qui occupaient ce  marché avant les travaux. Je suis ce dossier jusqu'à ce jour. J'ai parlé avec le patron de SOGEMA. Je lui ai rappelé ça. Il m'a rassuré que cette recommandation sera respectée ", a affirmé ce professeur d'universités. 

Ce rapport a, en outre, mentionné que le coût des travaux de 44.505.353 USD fixé dans le contrat liant SOGEMA à l'entreprise de construction SZTC n'est pas appuyé par un soubassement détaillé dûment validé par toutes les parties prenantes (contrat signé le 29 Juin 2022). Dans sa réplique, Gode Mpoyi rassure qu'il existe bel et bien un business plan qui détermine même la rentabilité de l'activité. 

A la question de savoir pourquoi  la  prérogative de percevoir les droits et taxes revient à SOGEMA en lieu et place de la DGRK, Gode Mpoyi explique que cela est tout à fait normal. 

Le rapport devrait tabler sur le passage du coût des travaux de 35 millions $ à 60 millions$

"Comment donner l'argent à la DGRK où il y a des détournements et vols tous les jours. Sur le plan scientifique, lorsqu'on est dans ce type de partenariat, le concessionnaire est rémunéré par les taxes et c'est lui qui le collecte. La même chose pour la DGEPEK.  Pendant ce temps, cet espace appartient à la SOGEMA qui l'exploite et tout ce qu'elle fait est que sur les recettes publicitaires, elle va commencer à payer les taxes à la DGEPEK ", a-t-il indiqué. 

Le professeur Gode Mpoyi a aussi beaucoup insisté sur la question de l'autorisation du contrôle évoquée par ce rapport. Contrairement à ce qu'ont écrit l'ODEP et la LICOCO, il a précisé que l'Etat n'a pas besoin de l'autorisation de SOGEMA pour auditer sa gestion. L'Etat garde sa prérogative de contrôler en prenant juste soin d'en aviser le concessionnaire à l'avance. 

L'ancien président de l'APK conclut son propos en soulignant que SOGEMA a préfinancé  les études, les frais d'architecture, la maquette et le business plan. Il indique que SOGEMA est l'emprunteur et les intérêts sont débités sur son compte et non sur celui de la ville. 

Pour Gode Mpoyi, ce rapport doit avoir un commanditaire derrière dont le but serait de salir gratuitement les dignes fils du pays qui ont abattu un travail impressionnant pour doter la capitale congolaise d'un marché central digne de ce nom. 

Il en veut pour preuve le fait que ce rapport de l'ODEP et LICOCO n'a pas délibération tablé sur comment le coût de travaux de construction de ce marché est passé de 35 millions $, conformément au contrat validé par l'Assemblée provinciale, à 60 millions $. Il fait remarquer que l'avenant constant cette majoration n'est jamais passé à l'Assemblée délibérante. 

Christian Dimanyayi et ODN