L’injonction de la banque centrale aux institutions financières pour qu’elles paramètrent leurs terminaux de paiement électronique (TPE) uniquement en francs congolais à partir du 31 juillet prochain, est-elle la bonne mesure en ce moment pour dédollariser l’économie nationale ? La réponse de l’ancien patron de l’institution d’émission, Jean-Claude Masangu Mulongo, est non.
S’appuyant sur son expérience de 16 ans à la tête de la banque centrale, Jean-Claude Masangu pense que l’injonction de la banque centrale aux institutions financières n’est pas la bonne actuellement pour dédollariser l’économie nationale. Le vrai souci est d’abord de stabiliser le taux de change et des prix sur le marché.
« Le vrai problème d’aujourd’hui c’est la stabilité du taux de change et des prix et non pas les paiements en USD à travers les TPE. Il faut s’y attaquer à travers une politique budgétaire conduite en synergie avec une politique monétaire capable de lisser les éventuels excès budgétaires. On parle très souvent du besoin de diversification de l’économie pour régler les maux liés à l’instabilité monétaire », lit-on dans une réflexion qu’il a publiée ce samedi 8 juin.
Et de poursuivre : « Cette diversification ne peut se faire qu’avec un bon climat des affaires qui encourage les privés à produire localement, transformer localement, consommer localement, épargner et investir localement ainsi qu’engager localement pour donner de l’emploi aux jeunes, hommes et femmes ».
Pour que les mesures visant à stabiliser le taux et les prix portant les fruits, il faut entre 10 et 15 ans de travail pour le gouvernement, selon Masangu. Cette période permettra aux congolais d’avoir de nouveau confiance en leur monnaie
« Selon les études scientifiques que j’avais menées à la BCC quand j’étais gouverneur de l’Institution d’émission, les pays qui étaient confrontés à l’objectif de dedollarisation et qui avaient réussi avaient connu entre 10 et 15 ans de stabilité de leur monnaie nationale […]. La longue période de 10-15 ans, selon les études, permet à une population donnée d’avoir suffisamment confiance en sa propre monnaie et de ne pas recourir aux devises étrangères, en l’occurrence le dollar », poursuit-il.
Pour appuyer sa thèse, celui qu’on appelle « père du franc congolais » donne l’exemple du gouvernement Matata qui n’avait pas réussi à dédollariser l’économie suite au non-respect du timing requis.
« Lorsque le gouvernement Matata avait pris la décision de de-dollariser l’économie, je n’étais pas pour car je n’avais stabilisé le FC autour de 910-920 FC que pendant 5-7 ans. L’avenir me donna raison puisque le gouvernement n’avait réussi qu’à imposer l’affichage des prix en francs congolais. L’affichage des prix peut changer semaine après semaine si pas au jour le jour », souligne Jean-Claude Masangu.
Jean-Claude Masangu Mulongo qui a dirigé la banque centrale de 1997 à 2013 n’est pas le seul à dire que la banque centrale est en train de mettre la charrue avant les bœufs. Godé Mpoy qui est professeur d’économie pense même que la mesure de la banque centrale va « accélérer la sur-liquidité » et « signer la mort de l'économie nationale ».
Bienfait Luganywa