Dans un monde où la quête d'un meilleur avenir pousse de nombreuses personnes à prendre des risques inimaginables, le parcours de Trecy (nom modifié pour préserver l'anonymat), migrante congolaise, illustre à la fois les dangers et les espoirs liés à la migration. Trecy a tenté à deux reprises de traverser la mer Méditerranée depuis Sfax, en Tunisie, en direction de l'Italie, cherchant à fuir une réalité difficile.
Malheureusement, son rêve s'est heurté à la cruauté des passeurs, qui l'ont escroquée de 1500 euros, et à l'échec de ses tentatives. Face à l'expiration de son visa et aux pénalités accumulées sur le sol tunisien, elle a été rapatriée à Kinshasa par l'Organisation internationale des migrations (OIM).
Cependant, cette expérience douloureuse ne l'a pas abattue. Grâce au soutien de l'OIM, Trecy a pu bénéficier d'un fonds qui lui a permis de lancer une affaire et de se réintégrer dans sa communauté. À l’occasion de la Journée internationale des migrants célébrée le 18 décembre 2024, Trecy a partagé son histoire avec 7SUR7.CD, non seulement pour témoigner des défis qu'elle a affrontés, mais aussi pour inspirer d'autres à croire en leur capacité de rebondir malgré l'adversité. Dans cet entretien, Trecy nous raconte son parcours, ses luttes et sa résilience face aux obstacles.
7SUR7.CD : Bonjour Madame.
Trecy : Bonjour Monsieur le journaliste.
7SUR7.CD : Vous vous étiez rendue en Tunisie pour poursuivre vos études. À quel moment avez-vous eu l’idée de traverser la mer pour vous rendre en Italie ?
Trecy : J’avais quitté la RDC en 2021 pour continuer mes études en Tunisie. Une fois arrivée là-bas, les choses ne se sont pas passées comme prévu. Je n’avais personne pour me soutenir. Ensuite, mon visa d’études a expiré et je me suis retrouvée avec des dettes à cause des pénalités accumulées. De plus, je suis tombée enceinte. Je me suis dit que je ne pouvais pas rentrer au pays avec un enfant dans les bras alors que je devrais rapporter un diplôme.
7SUR7.CD : C’est donc pour cette raison que vous avez entrepris les démarches pour traverser la mer vers l’Italie ?
Trecy : Effectivement, c’est à ce moment-là que l’idée de traverser la mer pour rejoindre l’Europe m’est venue. Étant dans une situation illégale, la mer semblait être le seul moyen de quitter la Tunisie.
7SUR7.CD : combien avez-vous payé et à qui ?
Trecy : J’ai payé 1500 euros à un passeur pour tenter la traversée. Lors de ma première tentative, nous avons été interceptés par la garde maritime tunisienne et ramenés sur la côte au milieu de la nuit. Pour la deuxième tentative, il y avait tellement de monde que je n’ai pas pu embarquer, car nous étions trop nombreux. Quelques heures plus tard, j'ai appris que l’embarcation avait fait naufrage.
7SUR7.CD : Que s'est-il passé après cette deuxième tentative ?
Trecy : Après cette deuxième tentative, le passeur a disparu avec mon argent. Je suis alors retournée à Tunis, où j'ai donné naissance à ma fille. Par la suite, j'ai trouvé un emploi comme plongeuse dans un restaurant. C’est là que j'ai appris que l’OIM pouvait m'aider à retourner au pays. J'y suis donc allée pour exposer ma situation. Quelques semaines après, on m’a appelée pour organiser mon rapatriement avec mon enfant.
7SUR7.CD : Comment se passe votre intégration à Kinshasa ?
Trecy : À mon arrivée à Kinshasa, l’OIM m’a demandé de soumettre un projet que je pouvais réaliser pour devenir autonome. Je dois avouer que l’attente était longue et j'avais peur qu’ils ne tiennent pas leur promesse. Mais un jour, j’ai été étonnée de recevoir leur appel me demandant de passer récupérer l’argent du projet que j’avais soumis. Vu le désespoir dans lequel j’étais, franchement, je ne croyais pas que je pouvais m’épanouir de nouveau. Gloire à Dieu, car tout se passe très bien.
7/7 : Quel conseil donneriez-vous à d’autres jeunes qui ont le projet de tenter la même aventure que vous ?
Trecy : C’est bien de vouloir aller étudier à l’étranger ou de voyager tout court quand on a les moyens. Mais tenter d’immigrer en Europe en traversant la mer, c’est vraiment trop dangereux. Des amis avec lesquels j’ai vécu en Tunisie, qui avaient réussi à monter dans l’embarcation qui devait nous amener à Lampedusa, en Italie, ne sont jamais arrivés à destination. Ils sont tous morts. La plupart des personnes qui tentent cette route sont des gens qui ont perdu l’espoir dans leur pays. Les moyens de migrer légalement existent. Il suffit seulement de chercher la bonne information et de bien préparer son dossier. La procédure prend du temps, mais ça en vaut la peine.
Selon un rapport publié le jeudi 26 décembre par l'ONG espagnole Caminando Fronteras, plus de 10 400 migrants sont morts ou ont disparu en mer en tentant de rejoindre l’Espagne en 2024. Ces migrants étaient originaires d'au moins 28 pays, majoritairement africains.
Propos recueillis par Bienfait Luganywa