RDC-Rwanda : « Aucun accord ne doit passer sous silence les massacres à grande échelle », insiste Denis Mukwege

Vendredi 20 juin 2025 - 10:06
Image
Image

Dans un communiqué rendu public jeudi 19 juin 2025, l'ancien candidat à la présidence de la République, Denis Mukwege Mukengere, se montre critique sur l’accord que la République démocratique du Congo et le Rwanda s’apprêtent à signer à Washington, sous la médiation des États-Unis et l’observation du Qatar.

Le prix Nobel de la paix estime qu'aucun accord ne doit passer sous silence les massacres à grande échelle qu'a subis la population civile congolaise.

« La paix ne peut se réduire à faire taire les armes, à obtenir un armistice et à faire du business, car pour être juste et durable, elle ne peut faire l'économie de la justice, du respect des droits humains et du droit international. Il est donc crucial de recourir à la justice transitionnelle pour prévenir la répétition des conflits et des violations graves des droits humains et du droit international humanitaire et instaurer une paix durable en RDC. La justice, la vérité et des réparations constituent des préconditions à la réconciliation et à la cohabitation pacifique au sein des pays des Grands Lacs africains. Aucun accord ne doit passer sous silence des massacres à grande échelle qu'a subis la population civile congolaise, les viols commis sur des centaines de milliers de femmes et les déplacements forcés de millions de personnes », a-t-il déclaré.

Saluant les efforts en faveur d'une paix durable, Denis Mukwege fustige, toutefois, la faiblesse du contenu de la déclaration du 18 juin, laquelle, selon lui, énumère de « manière vague » des principes universels, notamment le respect de l'intégrité territoriale et l'interdiction des hostilités.

« Nous saluons toutes les initiatives visant à une paix juste et durable pour mettre un terme à la souffrance inouïe de la population civile due à la guerre d’agression, d’occupation et de pillage des ressources naturelles que traverse la RDC. Pourtant, la déclaration conjointe faisant suite aux pourparlers qui se sont tenus cette semaine à Washington au niveau des équipes techniques des parties au conflit en présence de la sous-secrétaire d'État américaine aux Affaires politiques, est vague et se contente d’énumérer une série de dispositions sur le respect de l'intégrité territoriale et l'interdiction des hostilités ; le désengagement, le désarmement et l'intégration conditionnelle des groupes armés non étatiques ; la mise en place d'un mécanisme conjoint de coordination ; la facilitation du retour des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du pays, ainsi que l'accès humanitaire ; et un cadre d'intégration économique régionale », a-t-il indiqué.

Selon lui, dans l’état actuel, l’accord en genèse reviendrait à accorder une prime à l'agression, à légitimer le pillage des ressources naturelles congolaises et à contraindre la victime à aliéner « son patrimoine national en sacrifiant la justice en vue de garantir une paix précaire et fragile ».

Ainsi, le natif de Bukavu exhorte les acteurs impliqués à privilégier «une approche multilatérale» et à assortir les appels au cessez-le-feu ainsi qu'au retrait des forces d'occupation d'un « calendrier ferme et de sanctions fortes et coordonnées en cas de non-respect persistant de la résolution 2773 du Conseil de sécurité ».

Les experts gouvernementaux de la République démocratique du Congo et du Rwanda ont paraphé, mercredi 18 juin dernier , à Washington, le texte du futur accord de paix entre les deux pays en conflit armé. Il prévoit, entre autres, la fin des hostilités et le respect de l’intégrité territoriale de la RDC, dont l’Est du pays est en partie contrôlé par les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda.

Raphaël Kwazi