
Après trois jours de travaux à Kinshasa, des organisations de la société civile provenant de divers pays africains, notamment la RDC, le Kenya, la Guinée Conakry, le Ghana, le Togo, le Nigeria, la Côte d'Ivoire, le Mozambique, le Congo-Brazzaville, le Cameroun, le Niger, l'Ouganda, le Sénégal, l'Afrique du Sud, Madagascar, la Namibie, ainsi que du Brésil et de Cuba, ont convenu le vendredi 27 juin de créer un mouvement africain dédié à la défense des communautés locales face aux grands projets énergétiques jugés « destructeurs » pour l'environnement.
Ces organisations reconnaissent l'importance de l'accès à l'électricité pour les communautés, mais soulignent que cela « ne peut ni ne doit pas déstabiliser l’équilibre naturel des ressources et la subsistance des communautés locales et peuples autochtones ». Elles plaident pour un développement énergétique « plus responsable et durable », basé sur des infrastructures de petite taille dont la construction et l'entretien sont peu coûteux.
Pour ces organisations, le développement de méga-barrages tels que Grand Inga entraîne des conséquences néfastes sur les plans financier, humain et environnemental. La construction de tels projets requiert des ressources considérables que les États africains ne possèdent pas, privant ainsi les populations d'un accès à l'électricité. De plus, ces projets nécessitent souvent la délocalisation des communautés et la destruction des écosystèmes, privant les populations de leurs terres agricoles. D’où l'importance de politiques énergétiques favorisant des projets moins coûteux et facilement réalisables même par les entités publiques décentralisées.
« Nous reconnaissons aussi que les impacts négatifs des méga-barrages sont observés sur les droits humains, spécialement en ce qui concerne le genre. Les femmes, en plus d'être exclues des processus d’indemnisation et de compensation, sont particulièrement touchées par la perte de terres fertiles, les difficultés d'accès à l’eau et les moyens de subsistance traditionnels », indique le communiqué final du forum.
Les organisations estiment qu'il est essentiel que les communautés locales aient leur mot à dire dans le développement des infrastructures énergétiques, notamment à travers le processus de Consentement libre, informé et préalable (CLIP).
« Nous voulons que les États reconnaissent les droits légitimes des communautés à la base, qu’ils leur laissent choisir elles-mêmes comment obtenir de l’énergie. Qu’elles soient toujours consultées afin que les décisions prises par les États correspondent réellement à leurs besoins », a déclaré Diallo Mamadou Lamarana, coordonnateur de programmes et projets d’Action Mines Guinée.
C’est dans ce cadre qu’il a été décidé de mettre en place un mouvement chargé de défendre les droits des communautés locales, avec des antennes en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud.
« Nous avons décidé de créer un grand mouvement africain pour lutter pour le respect des droits des communautés locales face aux projets énergétiques en Afrique. Ce mouvement, qui se veut fort, s'opposera à toutes les fausses solutions énergétiques. Il travaillera davantage pour garantir que les communautés soient invitées à la table des discussions afin de décider elles-mêmes ce qui leur semble le mieux », a ajouté Emmanuel Musuyu, secrétaire exécutif de CORAP.
Notons que les recommandations issues de ce forum constituent la « position africaine », selon les organisations. Elles vont servir de plaidoyer auprès des États africains ainsi que des institutions impliquées dans le développement de grands barrages et d'autres infrastructures en Afrique, dont la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l'Union africaine et l'Union européenne.
Il sied de rappeler que cette rencontre a été organisée sur initiative de la Coalition des organisations de la société civile pour le suivi des réformes et de l’action publique (CORAP), en collaboration avec MAR du Brésil, Justiça Ambiental (JA) du Mozambique, International Rivers d’Afrique du Sud, BioVision Africa (BiVA) de l’Ouganda, avec le soutien de 11th Hour Project, de Thousand Currents et de SynchroniCity Earth.
Bienfait Luganywa