
Le territoire de Rutshuru, déjà meurtri par des années d'insécurité et de déplacements massifs, est désormais confronté à un autre fléau insidieux qui étrangle la population, la cherté grandissante de la vie.
Au cœur de cette spirale inflationniste se trouve une instabilité alarmante du taux de change, transformant le quotidien des habitants en un véritable parcours du combattant. Alors que les agriculteurs peinent à accéder à leurs champs et que les circuits commerciaux sont régulièrement perturbés par les groupes armés, c'est l'économie locale qui subit de plein fouet les soubresauts de la monnaie nationale face aux devises étrangères, notamment le dollar américain, déplore un notable local.
Les biens de première nécessité, denrées alimentaires, carburant, produits manufacturés sont majoritairement importés ou dépendent de chaînes d'approvisionnement complexes, dont les coûts sont libellés en devises étrangères.
"Chaque matin, on se lève sans savoir à quel prix on va acheter le pain ou l'huile", témoigne madame Zawadi, vendeuse au marché de Rutshuru-Centre.
"Le taux change parfois plusieurs fois dans la journée. Quand le dollar monte, tout monte avec lui, mais nos revenus restent les mêmes", dit une autre vendeuse.
Cette volatilité rend toute planification économique impossible pour les ménages, poussant de plus en plus de familles dans une précarité extrême. Les salaires et les revenus des petites activités commerciales, souvent payés en francs congolais, perdent leur pouvoir d'achat à une vitesse vertigineuse.
Les commerçants sont, eux aussi, pris au piège. Contraints d'acheter leurs marchandises en dollars ou à des prix fluctuants, ils répercutent ces variations sur le prix de vente final, contribuant ainsi à alimenter la spirale inflationniste.
"Si je n'augmente pas mes prix, je perds de l'argent. Mais je vois la détresse dans les yeux de mes clients", explique un grossiste local.
Cette instabilité monétaire s'ajoute aux autres défis structurels de Rutshuru notamment l'insécurité qui entrave la production agricole, le manque d'infrastructures routières adéquates et le faible accès aux services de base. Elle fragilise davantage une population déjà à bout de souffle, qui voit ses maigres épargnes s'évaporer et son accès aux produits essentiels se restreindre.
Alphonse Muderwa