Indemnisation des victimes de la guerre de Kisangani : sur plus de 105 millions reçus, FRIVAO n’a versé que moins de 3 millions, soit 1,89 % (enquête CREFDL)

Jeudi 25 septembre 2025 - 10:23
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Le Centre de Recherche en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL Asbl) a publié, ce jeudi 25 septembre 2025 les résultats d’une enquête sur la gestion de 194.999.940 USD du Fonds spécial de Répartition et d’Indemnisation en Faveur des Victimes des Activités illicites de l’Ouganda en RDC ou de leurs ayants droit (FRIVAO), encaissés de janvier 2022 à décembre 2024 dans le compte 01024845401-28 USD MIN JUSTICE V/C FRIVAO, ouvert à la Rawbank.

Selon cette étude, de janvier 2022 à décembre 2024, le FRIVAO a reçu un virement de 194,9 millions de dollars américains en provenance de l’Ouganda, dont 105.135.000 USD étaient destinés à financer les indemnisations des victimes de la guerre de Kisangani.

Sur ce montant, le FRIVAO n’a versé, jusqu’au 8 octobre 2024, que 2.088.136 USD aux victimes, soit 1,98 %. Cela démontre qu’un total de 103.046.864 USD n’a pas encore été payé aux bénéficiaires.

Des fonds affectés dans 10 comptes

L’enquête du CREFDL révèle que ces fonds ont transité par au moins 10 comptes bancaires ouverts à la Rawbank, dont 7 avaient pour mandataire direct le ministre de la Justice. Pourtant, le décret portant création du FRIVAO ne le désigne pas comme ordonnateur des dépenses.

Elle note également qu’en plus du virement de 822.797 USD destinés aux frais de fonctionnement du FRIVAO, des intérêts de 731.835,59 USD générés par ce dépôt ont été transférés au compte de fonctionnement du fonds pour couvrir notamment des rémunérations.

En date du 4 avril 2024, un montant de 172.800 USD a été payé comme acompte sur frais d’installation des membres du Conseil d’Administration et de la Coordination, prélevé sur les fonds destinés aux indemnisations.

Des retraits en cash au profit du ministre de la Justice

« Ces fonds ont aussi servi à payer le per diem des consultants et experts, à l’achat de véhicules pour le secrétariat général du ministère de la Justice. Pire encore, l’argent des victimes a même servi à financer les activités d’un bureau de change dénommé CLIC CHANGE SARL à hauteur de 4,2 millions USD », souligne le rapport.

L’enquête mentionne également des retraits en espèce en faveur du ministre de la Justice. Elle indique que, le 18 septembre 2023, par courrier du 11 septembre 2023 (réf.n°2154/RKM245/AKK/CAB/ME/MIN/J&GS/2023), le ministre avait ordonné au coordinateur du FRIVAO de transférer 2.648.750 USD, soit 5 % du montant de 52 millions USD destinés à la réparation des dommages causés aux victimes.

Le 28 septembre 2023, sur base du chèque n°725206, un retrait en espèces de 1.500.000 USD a été effectué.

Au-delà de ces révélations, le CREFDL dénonce une grande opacité dans la gestion du FRIVAO. Il note qu’aucune loi de finances ni aucun rapport de reddition des comptes ne retrace l’encaissement de ces montants dans le compte de l’État. De plus, le FRIVAO, en tant qu’organisme public, n’apparaît pas dans les documents budgétaires votés par le Parlement et promulgués par le président de la République, en violation des articles 77, 83 et 86 de la Loi relative aux finances publiques ainsi que de l’article 126 de la Constitution.

Judith Suminwa appelée à dissoudre le FRIVAO

« Ce fait constitue une violation des articles 21 à 24 de la Loi n°08/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales applicables aux établissements publics », rappelle l’étude.

Pour mettre fin à cette situation, le CREFDL recommande à la Première ministre de dissoudre le FRIVAO et de confier la mission d’indemnisation des victimes soit à la Commission de Gestion des Biens Saisis et Confisqués (COGEBISCO), soit au Fonds de Lutte Contre le Crime Organisé (FOLUCCO), qui disposent déjà de lignes de crédits dans la loi de finances annuelle.

Le CREFDL demande à la justice d’ouvrir une enquête sur tous les gestionnaires des comptes bancaires liés à ces fonds depuis le premier encaissement jusqu’à ce jour ; de suspendre l’opération de paiement en cours des victimes de la guerre de Kisangani ; de réaliser une évaluation à mi-parcours afin d’en tirer les leçons et d’ordonner la restitution des biens indûment acquis par les gestionnaires du fonds pour les vendre aux enchères.

Enfin, cette organisation de la société civile recommande à la Cour des comptes de publier son rapport d’audit sur la gestion du FRIVAO, afin de renforcer la redevabilité des décideurs.

ODN