Coup de théâtre au Sénat : la loi Boshab votée en dix minutes !

Mercredi 12 août 2015 - 11:50

Alors que la décision de sa convocation signée par son président, Léon Kengo wa Dondo, fixait sa durée pour trente jours, soit du 11 août au 9 septembre 2015, la deuxième session extraordinaire du Sénat n’a vécu que l’espace d’une dizaine de minutes. Tout s’est passé tellement vite que le public venu assister à une séance plénière que d’aucuns qualifiaient de tous les dangers est resté sur sa soif.

Au finish, le projet de loi portant répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections municipales et locales a bénéficié d’un vote à la soviétique, soit 100 % des suffrages des participants. Sur les 77 sénateurs ayant pris part au vote, tous ont dit « oui » à la loi. On n’a enregistré aucun vote négatif et aucune abstention.

C’était quand même curieux de voir ceux qui s’étaient illustrés par l’école buissonnière lors de la séance de clôture de la première session extraordinaire, le vendredi 31 juillet 2015, après avoir dénoncé de nombreuses incohérences, des quotas des sièges qui ne correspondaient aux réalités démographiques des entités politico-administratives, voter positivement un texte qu’ils avaient vivement critiqué lors du débat général.

Le vote expéditif intervenu hier au Sénat a également surpris ceux qui croyaient que cette loi, qui fut d’abord rejetée à la chambre basse pour incohérences, avant d’être acceptée par les députés qui l’avaient retournée à son auteur pour enrichissement et correction, allait subir un toilettage minutieux et profond en vue de rétablir l’équité dans la répartition des sièges et restituer les vérités démographiques des circonscriptions électorales à travers le pays.

C’est la raison principale, comme l’a rappelé Léon Kengo, du rejet dans un premier temps de la loi par l’Assemblée nationale, en la renvoyant au gouvernement pour la révision de sa copie.

Pour rappel, les députés avaient fustigé les décrets portant création de nouvelles villes et communes, l’incorporation de quelques groupements et l’agrément de certains groupements de fait, l’attribution d’un siège minimal à certains groupements à nombre d’électeurs zéro, la répartition inéquitable des sièges entre les groupements à nombre d’électeurs élevé, la diminution sensible du nombre d’électeurs dans la plupart des territoires, le détachement de certaines localités de leurs territoires d’origines, la non prise en compte de nouveaux majeurs dans les scrutins à venir considérés comme « arriérés électoraux », la manière dont se déroulait l’opération de fiabilisation du fichier électoral par la CENI, etc.

Toutefois, il importe de signaler que les sénateurs de l’opposition n’étaient pas dans la salle. Renseignement pris, il est apparu qu’ils avaient résolu de boycotter cette énième session extraordinaire, la jugeant anticonstitutionnelle et sans objet. Quant au bureau du Sénat, il a affiché complet hier, avec ses sept membres présents.

Comme l’a dit Léon Kengo dans son discours d’ouverture, une fois l’ordre du jour épuisé, la session extraordinaire devait être clôturée. C’est ce qu’il a fait peu après le vote du texte venu du gouvernement, via l’Assemblée Nationale.

Après ce qui vient de se passer au Sénat, l’opinion nationale s’interroge au sujet des conséquences d’une loi qui attribue à certaines nombreuses circonscriptions électorales une taille démographique imaginaire, ce qui leur permet de glaner des sièges qu’elles ne méritent pas. A contrario, des groupements, secteurs, communes et territoires plus populeux que d’autres se retrouvent avec une faible représentation en termes des sièges, ce qui va se traduire par la surreprésentation d’entités peu peuplées au détriment de celles réellement habitées par un plus grand nombre de citoyens.

Le pays doit s’attendre à vivre un concert de protestations populaires à l’occasion des élections locales et municipales, lorsque de nombreux électeurs et candidats se rendront compte que leur groupement, secteur ou territoire apparait commun un « nain » administratif, alors qu’il pèse deux ou trois plus qu’un autre au plan démographique. Des citoyens du Congo profond accepteront-ils la disparition de leur entité de base de la carte électorale nationale au profit de certains groupements, secteurs et territoires reconnus fictifs ? Les architectes de la loi sur la répartition des sièges par circonscription électorale seront-ils en mesure de gérer les humeurs et frustrations populaires que pourrait susciter un texte mal ficelé ?

Dom