C'est bien connu et c'est Antoine de Saint-Exupéry qui l'a dit : « Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m 'enrichis ». Pourtant, au regard de la réalité, cette maxime ne semble pas souvent évidente à considérer, comme a su s'en rendre compte Stéphanie Claverie qui vient de publier l'ouvrage-témoignage « Une famille en noir et blanc ».
L'auteur, qui est en attente d'une proposition d'adoption d'un enfant, insiste d'abord auprès des services sociaux : « Tout sauf black ». Ensuite, lorsqu'on leur présente quand même un bébé noir, Pascal son époux s'exclame : « Qu'il est moche ! ».
Tu es noir, mais ça ne se voit plus sur la photo
Seulement voilà, Pascal et Stéphanie Claverie vont se surprendre en devenant les parents de ce même enfant noir qu'ils ne voulaient pas voir auparavant. C'est avec son cœur que Stéphanie Claverie raconte cette très belle histoire d'amour, à son fils chéri d'abord et ensuite au lecteur.
La maman n'y va pas par quatre chemins et fait le récit de cette particulière destinée, de sa genèse à son apogée. On se rend compte que les préjugés tenaces et le racisme peuvent céder face à l'amour et à la connaissance véritable de l'autre.
Et cela, dans notre société qui se proclame multiraciale et que les autorités présentent comme « une richesse, une chance, que sais-je encore, mais dans la vraie vie, la différence est d'abord un handicap ».
Le lecteur découvre également le processus d'adoption en France. Sur quoi se fonde l’État pour proposer à tel couple un enfant et pas à tel autre ? Stéphanie a une idée précise concernant son cas.
Sur son parcours, les déconvenues n'ont pas manqué. Après plusieurs années d'attente, le premier échec eut lieu au Portugal. Le second surviendra quelques années plus tard.
Alors qu'ils sont sur le point de prendre l'avion pour Riga en Lettonie, le rapport médical de l'enfant qui leur est proposé là-bas tombe : « Des problèmes neurologiques graves empêcheraient cet enfant de marcher correctement et engendreraient des handicaps qu'il était difficile de prévoir ». Pour eux, c'est une nouvelle douche froide.
Qu’est-ce que t’en as à faire de la couleur ?
La mère de famille qui se disait : « J'ai presque honte : pas capable de donner la vie, et même capable d'avoir un enfant comme nous l'espérions », submergée par l'amour pour son fils, avoue désormais à ce dernier :
« Nous n'avons plus vu que tu étais noir et nous, blancs. Cette histoire de couleurs n'avait aucun sens, aucune réalité ».
Dans ce récit, on voit à quel point l’État veille sur les pupilles de la nation et ne laisse pas les enfants être adoptés par le premier couple qui se présente. Les contrôles sont drastiques et l’État ne veut pas se tromper.
Bien que certains regards et des réflexions peuvent parfois déranger les parents, tous les jours ne se ressemblent pas. « On voudrait adopter le même », s'entendra dire Stéphanie par un couple.
En fait, c'est avec une sincérité maternelle remarquable que Stéphanie Claverie relate à son fils l'histoire de son accouchement qu'elle nous offre. Reconnaissant que les réticences et tout ce qui se fonde sur la peur de l'autre ont bel et bien existé, elle pense que le plus important est que tout cela « ait fondu pour laisser l'amour émerger ».
Cette adoption lui a permis de mettre fin à dix années d'attente interminable, angoissantes, décourageantes ; « dix années de grossesse ». Mais aussi de faire entrer définitivement des couleurs dans sa vie avec l'arrivée de son fils chéri auquel elle souhaite un avenir d'égalité et de tolérance.