DANS SA MERCURIALE 2015 LE PGR PLANCHE SUR LE DÉGUERPISSEMENT

Mardi 20 octobre 2015 - 06:03

Connu pour sa fibre sociale, le Procureur général de la République a coutume de puiser ses mercuriales dans l’océan des sujets d’actualité et d’extrême sensibilité. Paix sociale oblige. Pour la rentrée judiciaire 2015, Flory Kabange Numbi n’a pas dérogé à la tradition. Le premier des magistrats du ministère public a axé sa communication sur le déguerpissement en droit positif Congolais. Sujet majeur traité de façon magistrale par le

DU DEGUERPISSEMENT EN DROIT POSITIF CONGOLAIS
Mercuriale prononcée Par Flory KABANGE NUMBI Procureur Général de la République


INTRODUCTION

Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat,
Avec l’expression de mes hommages les plus déférents
Conformément aux articles 223 de la Constitution et 64 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire ( ), le Procureur Général de la République prononce une mercuriale à l’occasion de l’audience solennelle et publique de la rentrée judiciaire de la Cour Suprême de Justice tenue chaque année, à la fin des vacances judiciaires. C’est à cet exercice légal que je me soumets volontiers.
Votre présence personnelle à cette cérémonie, en dépit de vos multiples tâches, témoigne indubitablement une fois de plus que le bon fonctionnement du Pouvoir Judiciaire demeure au cœur de vos préoccupations. Elle traduit aussi la confiance que vous placez en ses animateurs.
Au nom de tous les Magistrats du Ministère Public et des agents de l’ordre judiciaire des Parquets ainsi qu’au mien propre, je vous prie d’accepter mes remerciements les plus respectueux.
- Honorable Président de l’Assemblée Nationale, 
- Honorable Président du Sénat,
- Excellence Monsieur le Premier Ministre,
- Monsieur le Président de la Cour Constitutionnelle, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature et Honoré Collègue,
- Monsieur le Procureur Général près cette Cour et Honoré Collègue,
- Monsieur le Premier Président de la Cour Suprême de Justice et Honoré Collègue, 
- Monsieur le Premier Président de la Haute Cour Militaire et Honoré Collègue,
Image retirée.  Monsieur l’Auditeur Général des Forces Armées de la République Démocratique du Congo et Honoré Collègue,
Image retirée. Honorables Députés,
Image retirée. Honorables Sénateurs,
- Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement,
Image retirée.  Messieurs les Membres de la Cour Constitutionnelle,
Image retirée.  Mesdames et Messieurs les Hauts Magistrats du Parquet Général près la Cour Constitutionnelle, de la Cour Suprême de Justice, du Parquet Général de la République, de la Haute Cour Militaire et de l’Auditorat Général,
Image retirée.  Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs des Missions Diplomatiques ainsi que les Représentants des Organismes internationaux,
Image retirée.  Monsieur le Président de la Commission Electorale Nationale indépendante,
Image retirée.  Monsieur le Président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication,
Image retirée.  Monsieur le Président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme,
Image retirée.  Monsieur le Président du Conseil Economique et Social,
Image retirée.  Monsieur le Président de la Cour des comptes,
Image retirée.  Monsieur le Procureur Général près cette Cour,
Image retirée.  Mesdames et Messieurs les Magistrats,
Image retirée.  Monsieur le Bâtonnier National,
Image retirée.  Monsieur le Président de l’Assemblée Provinciale de la Ville Province de Kinshasa,
Image retirée.  Monsieur le Gouverneur de la Ville Province de Kinshasa,
Image retirée.  Mesdames et Messieurs les Officiers Généraux et Supérieurs des Forces Armées de la République Démocratique du Congo et de la Police Nationale Congolaise,
Image retirée.  Monsieur le Bourgmestre de la Commune de la Gombe,
Image retirée.  Messieurs les Bâtonniers des Ordres des Avocats,
Image retirée.  Distingués Invités,
Image retirée.  Mesdames et Messieurs,
Votre présence en ce lieu est l’expression de l’intérêt que vous portez au Pouvoir Judiciaire. A vous tous, j’adresse mes profonds remerciements.

Dans ma mercuriale de l’année dernière, j’ai traité de la valeur juridique du classement décidé par le Parquet. Cette fois-ci, j’ai jugé opportun de vous entretenir sur un thème d’actualité et d’une extrême sensibilité. Il s’agit du déguerpissement opéré par différents acteurs sur des bases diverses. Le thème ainsi retenu est : Du déguerpissement en Droit Positif Congolais.
Il s’observe que dans la plupart de nos juridictions, les conflits fonciers viennent largement en tête des affaires traitées. Ces conflits fonciers, dans les milieux urbains ou ruraux, conduisent à des déguerpissements qui n’emportent pas toujours l’assentiment de tous.
La paix sociale est ainsi mise à rude épreuve. Aussi, la perspective de la sécurisation des justiciables requiert dans le chef des magistrats et de leurs auxiliaires, le strict respect de la législation en la matière.
En effet, de nombreux comportements en marge de la loi sont constatés en matière foncière, notamment l’occupation illégale ou l’accaparement de terrains de l’Etat, leur vente illégale ,la prolifération des titres frauduleux, les constructions illégales ou anarchiques.
Il y a lieu dès lors de se poser opportunément les questions ci-après : par qui, sous quelles conditions et comment le déguerpissement est-il ordonné en droit congolais ? Décidé par des autorités autres que le juge, demeure-t-il valable ? Et si les cours et tribunaux sont seuls compétents, quel doit être le caractère des jugements sur base desquels cette mesure est exécutée ?
Ces questionnements résument les préoccupations de maints justiciables, victimes de déguerpissements abusifs. La réponse à leur réserver découlera du seul respect des textes légaux et réglementaires y afférents.
L’intérêt de ce thème vise essentiellement à éclairer l’opinion sur les avantages d’un déguerpissement légal et ordonné en faveur de ceux-là qui ont été injustement troublés dans la jouissance de leurs droits fonciers et immobiliers d’une part, et sur la nécessité de sanctionner sans complaisance ceux qui s’illustrent par des comportements répréhensibles d’autre part et de ce fait se posent en agents vecteurs sournois, d’une réelle pathologie vicieuse à large impact collectif.
Ce double objectif est assurément de nature à sauvegarder et à ramener la paix sociale et l’intimité de la vie familiale.
La charpente de ma mercuriale se présente comme suit : le premier chapitre préciserales notions générales sur le déguerpissement et les modes d’occupation en matière foncière et immobilière. Dans le second chapitre, j’aborderaile déguerpissement proprement dit d’abord en droit positif congolais, ensuite pour traiter de manière compendieusedu déguerpissement en droit comparé. Enfin, je terminerai mon propos par une conclusion.

CHAPITRE I. NOTIONS GENERALES
Ce chapitre est consacré à la présentation des concepts qui faciliteront la compréhension de la suite de mon exposé. Il portera sur les notions générales sur le déguerpissement et sur les modes d’occupation en matière foncière et immobilière.

SECTION I
 : Le déguerpissement
§1 Définition et nature juridique
I. Définition
La loi congolaise ne définit pas ce qu’il convient d’appeler déguerpissement.
Pourtant, ce terme est couramment utilisé devant le prétoire. On parle volontiers des actions en déguerpissement, tout comme le juge ordonne le déguerpissement des personnes de certains lieux. Il est compris dans le sens du terme expulsionusité en droit français et belge.

Expulsion, c’est l’action d’expulser. Le dictionnaire Larousse définit ce terme comme étant " la procédure qui a pour but de faire libérer des locaux occupés sans droit ni titre ou sans droit au maintien dans les lieux( ).
Dans le même sens, Gérard Cornu le définit comme " l’action de faire sortir une personne, en vertu d’un titre exécutoire et au besoin par la force, d’un lieu où elle se trouve sans droit "( ).

II. Nature juridique
En ce qu’il consiste à permettre au titulaire du droit immobilier spolié de le recouvrer, le déguerpissement est un droit réel. Il peut en disposer librement, le transférer par acte juridique ou le transmettre à ses héritiers.
Même si l’action en déguerpissement est générée par une infraction, l’action civile visant à réparer le préjudice directement causé est une faculté individuelle. La personne lésée peut renoncer à son action civile ou transiger, se désister ou acquiescer.
§2. Formes de déguerpissement.
Le déguerpissement revêt deux formes : le déguerpissement par voie judiciaire et le déguerpissement par voie administrative.
I. Le déguerpissement par voie judiciaire.
Le déguerpissement est dit judiciaire lorsqu’il est l’œuvre d’un juge et qu’il résulte d’une contestation née entre parties. C’est le cas soit de la saisine d’une juridiction civile par l’action en déguerpissement notamment pour inexécution ou exécution fautive d’un contrat de bail, soit dans le cadre de l’exécution d’une saisie immobilière ou d’une saisie-exécution, soit enfin en vertu d’une décision de justice consécutive à l’occupation illégale de terre.
Ce type de déguerpissement obéit à un certain nombre de conditions de fond et de forme dont la méconnaissance conduit à l’illégalité. Il suppose essentiellement l’existence d’un jugement exécutoire.
Le jugement stricto sensu peut être défini comme l’acte du juge par lequel il tranche le litige qui lui est soumis. Quant à la force exécutoire, elle est acquise lorsque la décision qu’il renferme dans son dispositif peut être immédiatement et définitivement appliquée, en d’autres termes lorsqu’aucune voie de recours permettant de suspendre l’exécution du jugement ne peut plus être exercée soit parce que la partie succombante a acquiescé, soit encore que les délais pour ce faire sont forclos soit enfin qu’aucun recours ne peut plus en suspendre l’exécution.

II. Le déguerpissement par voie administrative
C’est le déguerpissement ordonné par une autorité administrative lorsqu’elle fait usage du double privilège du préalable et d’exécution d’office.
Le privilège du préalable consiste dans la possibilité dont dispose l’administration de prendre des décisions exécutoires. Elle est dispensée de s’adresser à un juge avant de réaliser ses droits.
Le privilège d’exécution d’office consiste dans la faculté qu’a l’administration, lorsqu’elle a pris une décision exécutoire, d’en réaliser elle-même par la contrainte, en mettant la force publique en mouvement contre le particulier récalcitrant.( )
Le site web Wikipédia définit ce déguerpissement comme l’opération par laquelle il est fait obligation pour motif d’utilité publique à des occupants d’une terre du domaine public de l’Etat de l’évacuer même s’ils ont cultivé ou construit. Il sert de ce fait à mettre fin à une situation d’occupation illégale d’un terrain.
Cette forme de déguerpissement s’applique, par extension, à des bâtiments construits sur des terrains non constructibles (non aedificandi) ou au statut foncier ambigu.
Néanmoins, bien que procédant d’un ordre donné par l’autorité administrative, les occupants ne touchent pas de juste et préalable indemnité. Le fonds occupé fait partie du domaine public de l’Etat et les occupants sont dans une situation d’illégalité.
Cette forme de déguerpissement s’apparente à l’expropriation pour cause d’utilité publique en ce qu’elle est ordonnée d’office par l’autorité administrative.

III. L’expropriation pour cause d’utilité publique
L’expropriation pour cause d’utilité publique est une opération administrative par laquelle l’administration oblige un particulier à lui céder la propriété d’un immeuble dans un but d’utilité publique et moyennant une indemnité préalable et équitable. ( )
La décision d’expropriation pour cause d’utilité publique est ordonnée par l’autorité administrative à l’encontre d’une personne morale ou physique qui occupe les lieux en vertu d’un titre et droits réguliers, laquelle reçoit en compensation une juste et préalable indemnité au prorata de la valeur vénale du bien concerné.
Ainsi qu’on peut le constater, l’expropriation pour cause d’utilité publique et le déguerpissement produisent les mêmes effets, à savoir la dépossession et l’évacuation à la hâte des lieux occupés. Il se trouve cependant que les circonstances qui les occasionnent et les organes qui les ordonnent divergent.

SECTION II : DES MODES D’OCCUPATION EN MATIERE FONCIERE ET IMMOBILIERE.
Gérard Cornu définit l’occupation comme le fait d’occuper un lieu en vertu d’un titre ou sans droit.( ) 
Elle exprime le fait pour une personne physique ou morale de prendre possession d’un bien immobilier vacant ou non et de se comporter comme propriétaire ou alors ayant droit à le devenir avec ou sans titre.
Le droit d’occupation autrefois constaté par le livret de logeur n’existe plus( ). Il est aujourd’hui consacré par plusieurs autres titres notamment le contrat de location, les contrats de concession perpétuelle ou ordinaire.
Ainsi, telle que recadrée, l’occupation peut tout autant résulter d’un contrat que d’une situation de fait.

§ 1. Occupation résultant d’un contrat
Comme dit plus haut, l’occupation suppose un bien sur lequel elle se réalise. 
L’article 1er alinéa 1 de la loi 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés telle que modifiée par la loi 80-008 du 18 juillet 1980 dispose que les biens ou droits patrimoniaux sont de trois sortes : les droits de créance ou d’obligation, les droits réels et les droits intellectuels.
On peut inférer, à la lumière de cet alinéa, qu’il y a identité entre biens et droits patrimoniaux au point que l’on peut employer indifféremment le terme biens pour désigner les droits patrimoniaux et inversement.
Seule la catégorie des droits réels retiendra mon attention au motif évident que l’occupation n’est envisageable que dans le cadre bien compris des biens immobiliers.
A cet égard, si la doctrine définit les droits réels comme ceux qui donnent sur la chose un droit direct et immédiat comparativement aux droits personnels qui eux, n’atteignent la chose que par l’intermédiaire d’une personne, débitrice de l’obligation( ), la loi sus-évoquée en donne une énumération plutôt exhaustive.
Ceci procède de son article 1 alinéa 2 qui dispose que les seuls droits réels sont : la propriété, la concession perpétuelle, les droits d’emphytéose, de superficie, d’usufruit, d’usage et d’habitation, les servitudes foncières, le gage, les privilèges et l’hypothèque.
Tous les droits ainsi énumérés, en dehors de la concession perpétuelle et de la propriété sont des concessions ordinaires.( ) 
Au regard des articles 2,3 et 4 de la loi 73-021 du 20-7-1973 telle que modifiée à ce jour susvisée, ces droits peuvent être meubles ou immeubles suivant l’objet sur lequel ils portent.
Si les concessions perpétuelles et ordinaires sont exclusivement des droits immobiliers, la propriété, l’usufruit et l’usage sont, quant à eux, mixtes d’autant qu’ils peuvent porter indifféremment sur un immeuble ou sur un meuble.
Il s’ensuit qu’entant que concessions, les droits réels sont en même temps des contrats dont découle l’occupation. Ces contrats peuvent être conclus soit entre les personnes de droit public et les personnes privées soit entre les personnes privées uniquement.

I. Les contrats entre les personnes de droit public et les personnes privées
Dans le système juridique congolais, le sol est la propriété exclusive, inaliénable et imprescriptible de l’Etat( ).
Le patrimoine foncier de l’Etat comprend un domaine public et un domaine privé. 
Seuls les biens du domaine privé de l’Etat sont dans le commerce et peuvent être l’objet d’appropriation et des contrats avec les tiers. 
Les biens du domaine public sont inconcessibles tant qu’ils ne sont pas régulièrement désaffectés.( )
Il est important de noter que ce domaine comprend toutes les terres qui sont affectées à un usage ou à un service public ( ).
Le principe dans ce domaine est que les terres ne sont pas concessibles sauf si elles sont régulièrement désaffectées.
Il en va de même des biens du domaine public des autres personnes de droit public.
L’article56 alinéa 1 de la même loi dispose que toutes les autres terres (en dehors de celles citées plus haut) constituent le domaine privé foncier de l’Etat .Et en tant que telles, ces terres peuvent faire l’objet d’une concession perpétuelle, d’une concession ordinaire et d’une servitude foncière selon qu’il s’agit d’une terre rurale ou urbaine, à usage résidentiel, commercial, industriel, agricole ou d’élevage.
A côté du patrimoine foncier dont l’Etat est l’unique propriétaire, celui-ci peut avoir un patrimoine immobilier dont le régime porte sur les immeubles par incorporation ; ce régime porte aussi sur les immeubles par destination ainsi que les droits de créance tendant à acquérir ou à recouvrer un droit réel sur lesdits immeubles.( )
Le patrimoine immobilier de l’Etat comprend aussi un domaine public et un domaine privé.( ).La loi précitée dispose que le domaine immobilier public de l’Etat est constitué de tous les immeubles qui sont affectés à un usage ou à un service public.
A cet égard, ces immeubles ne sont ni cessibles ni susceptibles de location, tant qu’ils ne sont pas régulièrement désaffectés.
Ils sont, de ce fait, hors commerce et, sont ainsi, régis par les dispositions particulières aux biens affectés à un usage ou à un service public.( ).
En conséquence, il y a lieu de noter que les immeubles du domaine immobilier public de l’Etat ne peuvent faire l’objet d’occupation par un particulier en vertu d’un contrat qu’en cas de désaffectation dudit immeuble, laquelle (désaffectation) a vocation de le faire passer du domaine public au domaine immobilier privé de l’Etat.
Il ressort de l’article 211 de la loi ci- haut référencée que tous les autres immeubles en l’occurrence ceux qui ne sont pas affectés à un usage ou à un service public ou qui sont désaffectés, font partie du domaine immobilier privé de l’Etat, et par conséquent sont dans le commerce.

II. Les contrats entre les personnes privées
Le contrat entre personnes privées est un autre mode d’acquisition de la propriété immobilière. Il est évident que dans ce contexte, il n’est pas question d’examiner toutes les conditions de formation des contrats et de leurs effets autres que le transfert de la propriété, l’étude des autres questions relevant des obligations. D’où l’examen du seul contrat translatif de propriété. En effet, un contrat translatif est celui qui a pour effet de faire passer un droit(surtout de propriété) d’un titulaire à un autre.( ).
S’agissant du droit de propriété immobilière, ce contrat devra être consensuel, solennel et authentique. C’est donc ce contrat qui sert de base à l’établissement ou à l’enregistrement des droits et/ou des charges réelles sur le certificat d’enregistrement au nom du nouveau propriétaire. ( ).

§ 2. Occupation résultant d’une situation de fait
Dans le paragraphe précédent, j’ai démontré que l’occupation peut résulter des contrats qui pourraient intervenir d’une part entre les personnes de droit public et privées quant aux biens du domaine privé de celles-là et d’autre part des contrats conclus entre les personnes privées.
Cependant, il n’est pas rare de rencontrer des personnes dont le comportement demeure marginal. Elles créent des situations d’occupations de fait par ce qu’elles sont sans titre ni droit. Lesdites situations peuvent également être la résultante d’une infraction.

I. Occupation sans titre ni droit

L’occupation ne peut tirer sa justification que sur des droits constatés par un titre, tel que dit précédemment.
La conséquence de cette vision est que le droit de jouissance d’un fonds, n’est légalement établi que par un certificat d’enregistrement du titre reconnu et concédé par l’Etat.( ).
Il en est ainsi des personnes qui occupent sans titre des immeubles achevés ou inachevés de l’Etat ou des personnes privées. Il peut d’une part s’agir de personnes qui se sont installées ou introduites sur un terrain ou dans des locaux sans autorisation de quiconque et d’autre part de celles qui ont bénéficié au départ d’une autorisation d’occuper ces lieux mais sans que cette autorisation ne leur donne ensuite le droit de s’y maintenir contre le gré du propriétaire. On peut, dans les deux cas, parler d’occupants sans droit ni titre.

II. Occupation résultant d’une infraction
L’occupation d’un fonds peut être consécutive à une infraction à la loi foncière ou encore aux infractions au code pénal ordinaire. 
La loi n° 73/021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés telle que modifiée par la loi 80/008 du 18 juillet 1980, en ses articles 204 à 207, érige en infraction le fait :
1. de construire ou de réalise n’importe quelle autre entreprise sur une terre concédée en vertu d’un contrat frappé de nullité ( ).
Est nul dispose l’article 204 de la même loi :
1° tout contrat de concession conclu en violation des dispositions impératives de la présente loi ;
2° tout contrat contraire aux impositions impératives d’ordre urbanistique.
Il importe donc de conclure que tout celui qui construit sur une terre obtenue en vertu d’un contrat nul, l’occupe sur base d’une infraction ; quand bien même il aurait obtenu un certificat d’enregistrement, ce dernier est nul et de nul effet.

2. d’user ou de jouir d’une terre quelconque qui ne trouve pas son titre dans la loi ou un contrat. ().
Tel est le cas des personnes qui occupent d’elles-mêmes notamment le lit des cours d’eaux, qui construisent à proximité des cimetières, de chemin de fer, dans les espaces réservés, ainsi que dans les zones interdites et dans les zones militaires, etc. ( ).
L’occupation d’un fonds peut aussi résulter des infractions au droit commun telles que le faux et usage de faux, les menaces d’attentat, les atteintes aux droits garantis aux particuliers, la violation de domicile, etc.

CHAPITRE II : DU DEGUERPISSEMENT
Ce chapitre consacré au déguerpissement s’articule en deux sections : la première est relative au déguerpissement en droit positif congolais et la seconde en droit comparé, en l’occurrence les droits belge et français.
Section I : Du déguerpissement en droit positif congolais
Après avoir passé en revue les différents modes d’occupation d’un fonds ou d’un immeuble, force est de constater malheureusement que certaines personnes ne justifiant d’aucun titre, peuvent en arriver à causer de graves troubles de jouissance au préjudice des titulaires des droits réels immobiliers, pourtant leur reconnus par la loi.
Ces derniers se voient dans l’obligation de faire cesser ces troubles et de faire respecter leurs droits. Ils ont alors la possibilité ou la latitude de saisir la juridiction compétente par une action en déguerpissement.
Celui-ci est la conséquence judiciaire d’une décision du juge, saisi au préalable sur requête de toute personne physique ou morale, titulaire d’un droit de propriété immobilière dont la jouissance est perturbée et qui en poursuit le respect et la restauration.
En outre, certaines personnes de droit public disposent de prérogatives de puissance publique qui leur permettent de procéder aux déguerpissements sans recourir à la justice.
Il sera distingué dans cette section deux sortes de déguerpissement, à savoir le déguerpissement judiciaire et le déguerpissement administratif. A cela, il faudra ajouter l’expropriation pour cause d’utilité publique qui s’apparente au déguerpissement administratif mais qui contient des spécificités caractéristiques qui font ressortir des différences de fond.

§ I : Déguerpissement par voie judiciaire.
Toute personne physique ou morale de droit privé comme de droit public, titulaire d’un droit de propriété qui se sent lésée dispose du pouvoir de saisir la justice pour obtenir le déguerpissement de l’occupant irrégulier.
Les prétentions de cette dernière peuvent résulter de la violation de certains contrats, notamment le bail à loyer, la vente, l’hypothèque, le cautionnement, et l’échange. De ces contrats, seul le bail à loyer est soumis à la formalité préalable de congé ou préavis avant la saisine de la juridiction compétente, s’il n’a pas été conclu sans durée fixe. ( )
Elles peuvent aussi avoir pour cause des faits infractionnels ou certaines situations de fait ( ).
J’examinerai le déguerpissement sous le double angle de la compétence juridictionnelle et de l’exécution du jugement qui le prononce.

I. Des juridictions compétentes
En matière de déguerpissement, la compétence revient au tribunal de grande instance du lieu de la situation de l’immeuble conflictuel en application des articles 112 et 136 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement, et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire.
Le tribunal de commerce est aussi compétent lorsque le litige concerne les contestations relatives aux engagements et transactions entre commerçants. ( ).

II. De l’exécution des jugements de déguerpissement
L’article 105 alinéa 1 du code de procédure civile dispose que nul jugement ni acte ne peut être mis à exécution que sur expédition. Il s’agit de la délivrance par le greffier de la copie conforme du jugement à la partie qui a gagné le procès aux fins d’être signifiée à la partie succombante. Cette expédition ne peut être obtenue que moyennant paiement des frais de justice et du droit proportionnel.
C’est ce qui ressort de l’article 157 alinéa 1 du même code qui interdit au greffier de délivrer, si ce n’est qu’au Ministère public, grosse, expédition, extrait ou copie du jugement, avant que le droit n’ait été payé même si au moment où le document est demandé, la condamnation n’a pas encore acquis force de la chose jugée.
Mais en cas d’indigence constatée par le juge ou par le président de la juridiction qui a rendu le jugement, un de ces documents peut être délivré en débet : mention de la délivrance en débet est faite au pied du document délivré. Dans le même cas, le paiement préalable du droit proportionnel n’est pas une condition de la délivrance du document à signifier, conformément à l’article 158 du même code.
Mais il importe de signaler que l’attribution de la propriété d’un immeuble ou l’attribution de droits fonciers par jugement ne donne pas lieu au paiement de droits proportionnels, sauf si le jugement condamne au paiement d’intérêts moratoires ou judiciaires ( ).
Après cette signification, l’exécution peut être volontaire ou forcée.
L’exécution volontaire est celle qui résulte de l’accord des parties qui, après signification de la décision du juge, négocient les suites à donner à son œuvre.
L’exécution forcée est celle qui se pratique après que la partie qui a gagné le procès n’arrive pas à obtenir satisfaction à l’amiable et se voit contrainte à recourir aux autorités publiques pour obtenir les droits constatés ou reconnus par le juge.
Dans ce cas, l’huissier de justice fait et adresse à la partie à déguerpir un commandement. Il s’agit d’une mise en demeure donnée à la partie succombante dans laquelle il rappelle à celle-ci qu’elle ne s’est pas exécutée depuis qu’elle a reçu signification du jugement et lui demande de libérer les lieux, faute de quoi elle y sera contrainte de force. Si à la fin, il ne s’exécute pas, l’huissier se présente sur les lieux. Il lui fait verbalement un itératif commandement c’est-à-dire lui rappelle le commandement déjà reçu. Après tout il dresse le procès-verbal d’expulsion.
A la fin de l’opération, il dresse le procès-verbal de remise des clés et pouvoir d’occuper le lieu pour la partie qui avait gagné le procès.
En cas de résistance, il établit le procès-verbal de résistance qui permettra au greffier de solliciter la réquisition de force publique auprès du Procureur de la République.
Cependant en droit de l’OHADA, le greffier ne sollicite pas la réquisition de force auprès du Procureur de la République, mais s’adresse directement au Commandant de la police et cela en vertu de l’article 29 alinéa 2 de l’acte uniforme du 10 avril 1998 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui dispose que la formule exécutoire vaut réquisition de la force publique ( ).
Avec les éléments de la police mis à sa disposition par le Commandant, l’huissier va expulser le récalcitrant. Il est à noter que dans la pratique cette opération d’expulsion ne peut pas se dérouler le dimanche ni les jours fériés. Elle ne peut commencer avant la levée du soleil ni se poursuivre après le coucher du soleil.

§ 2. Du déguerpissement par voie administrative
C’est l’opération par laquelle l’Etat entend se rendre maître des biens immeuble de son domaine public en délogeant par la force publique toute personne physique ou morale qui s’y est installé sans titre ni droit ou en violation de la loi mettant ainsi fin à une situation d’occupation illégale.
L’administration agit ainsi en vertu des privilèges de puissance publique qui consistent dans l’usage du privilège du préalable et d’exécution d’office ( ).
Dans la pratique, l’administration accorde un délai aux occupants irréguliers avant de mettre en exécution sa décision.

§3. De l’expropriation pour cause d’utilité publique
Malgré le caractère sacré de la propriété privée telle que cela résulte de l’article 34 de la constitution, toute personne peut se voir privée par l’administration de tout ou partie de sa propriété si un intérêt public impérieux le commande. Il peut s’agir de la construction d’une route, d’un chemin de fer, d’un canal, des bâtiments ou d’aménagement des espaces, etc
L’expropriation peut porter sur tous les droits réels immobiliers. Elle est soumise à la procédure prévue par la loi n° 77/001 du 22 février 1977. Cette procédure comprend deux phases : une première dite administrative et une seconde relative à l’indemnisation préalable.
La première comporte une enquête préalable et la déclaration d’utilité publique. Celle-ci est faite par voie d’ordonnance du Président de la République ou par arrêté du Ministre des Affaires Foncières selon le cas.
La deuxième phase comprend deux opérations distinctes : l’expertise du bien et l’indemnisation.
Le juge administratif intervient en cas d’excès de pouvoir lorsque la décision administrative de déclaration d’utilité publique est attaquée en annulation.
Quant au juge du droit commun, il intervient pour déterminer le montant de l’indemnisation en cas de désaccord sur la proposition de l’administration.
Il vient d’être relevé que le droit positif congolais connaît trois modes de déguerpissement : par voie judiciaire, par voie administrative, et par expropriation pour cause d’utilité publique. Cependant, il s’observe qu’il ya des déguerpissements ordonnés par les autorités municipales en cas de conflits de bail ou encore par certains magistrats du Parquet sur base des réquisitions d’information. 
A titre illustratif, dans la ville province de Kinshasa, le Gouverneur a pris l’arrêté n° SC/0182 B-U/IR/CM/99 en date du 12 octobre 1999 pour réglementer les baux à loyer dans sa juridiction. Dans d’autres provinces, bien que de telles dispositions n’aient pas été prises, les autorités municipales ne procèdent pas moins aux déguerpissements en cette matière. 
En son article 11, ledit arrêté donne pouvoir au service d’habitat des communes de déguerpir le locataire récalcitrant, insolvable et de mauvaise foi après l’épuisement de la procédure de préavis prévue en son article 10.Ce type de déguerpissement concerne autant les domiciles ou résidences que tout autre lieu locatif, notamment les commerces, les industries…
Cet arrêté pêche par son inconstitutionnalité dans la mesure où il viole le prescrit de l’article 151 de la constitution interdisant au pouvoir exécutif de statuer sur les différends ; cette compétence relève des seules juridictions. 
En ce qui concerne les déguerpissements initiés par les magistrats des parquets, je voudrais rappeler au préalable l’essence même de la réquisition d’information. Celle-ci est un acte de l’officier du Ministère public par lequel il charge un officier de police judiciaire d’accomplir certains devoirs d’enquête dans le cadre d’une instruction ou d’une information judiciaire. Lorsqu’un officier du ministère public charge un officier de police judiciaire de procéder à un déguerpissement, il ne le charge pas d’un devoir d’enquête mais il lui ordonne d’exécuter sa décision illégale et abusive par laquelle il tranche un conflit. Ceci ne rentre pas dans ses attributions. C’est la raison de la prise, en date du 26 août 2009,de ma circulaire n°001 du 26 août 2009 portant interdiction du recours aux réquisitions d’informations aux fins de déguerpissement des personnes.
Après avoir parcouru le déguerpissement en droit congolais, comportant le déguerpissement par voie judiciaire, par voie administrative et par expropriation pour cause d’utilité publique, je m’en vais jeter un coup d’œil sur la matière telle qu’envisagée en droit comparé : en droits belge et français, avec lesquels nous partageons le même système juridique romano-germanique.

Section II : le déguerpissement en droit comparé.
§1. En droit belge.
Le terme consacré par le droit belge est " l’expulsion "( )en lieu et place de " déguerpissement ", tel que retenu dans notre pays.

1. L’expulsion judiciaire.
Le présent paragraphe sera essentiellement consacré à l’expulsion judiciaire. J’ouvrirai également une fenêtre sur le cas des expulsions des masses.
Cette procédure d’expulsion judiciaire comporte deux phases : la phase préjuridictionnelle et la phase juridictionnelle.
L’opération s’y rapportant intéresse plusieurs types de contrats, en l’occurrence le bail, la vente, l’hypothèque, le nantissement, l’échange …. Je ne voudrais circonscrire mon propos qu’à la décision judiciaire d’expulsion fondée sur la non-exécution ou exécution fautive d’un contrat de bail. 
a) La phase préjuridictionnelle.
L’initiative d’activer la procédure revient au bailleur. Elle se déroule suivant les étapes ci-après : l’impayé de loyer qui équivaut à un constat d’insolvabilité du preneur, l’envoi d’un courrier de rappel, le commandement de payer et éventuellement l’application de la clause résolutoire, dans l’hypothèse où elle est prévue dans le contrat.
Cette dernière peut conduire à l’expulsion du preneur ou locataire si, endéans deux mois, il n’apure pas la dette avant la phase juridictionnelle.
b) La phase juridictionnelle.
C’est l’huissier qui assigne le locataire à comparaître. Il est tenu de remettre une copie de l’assignation au Préfet pour solliciter l’expulsion du locataire.
Le juge saisi, a des pouvoirs importants dans la mesure où il peut suspendre les effets de la clause résolutoire pour prolonger le bail en accordant au locataire une échéance de deux ans pour payer sa dette, tout comme il peut refuser de lui accorder une échéance quelconque et résilier le contrat en prenant la décision d’expulsion.
c) L’exécution de la décision d’expulsion.
Pour l’expulsion du locataire, le bailleur doit par voie d’huissier, préalablement signifier un commandement de quitter les lieux qui est valable pour deux mois.
A l’expiration de ce délai, et si le locataire demeure sur les lieux, l’huissier s’y présente pour l’inviter courtoisement à s’exécuter. En cas de refus, l’huissier dresse un procès-verbal rapportant les difficultés rencontrées. Ceci permet au bailleur de solliciter auprès du préfet, seule autorité compétente, l’autorisation d’utiliser la force publique. Ce dernier sollicite le concours de la police ou de la gendarmerie.

2. Cas des expulsions des masses.

Les expulsions des masses relèvent de la compétence des autorités administratives (Préfets, maires) et concernent généralement des gens de voyage, les squatteurs, les exploitants " sauvages " des fonds d’autrui, dans le cadre des travaux d’assainissement ou d’aménagement.
L’expulsion des masses peut s’analyser dans deux hypothèses : le cas du parc public et le logement social qui sont soumis au régime général en matière de bail pour tout ce qui n’est pas expressément pris en charge par les règlementations régionales.
Cela veut tout simplement dire que pour tout ce qui n’est pas réglé par le régime de location sociale ou par ses arrêtés d’exécution, c’est le droit commun qui reste d’application, tel que repris ci-dessus en rapport avec l’expulsion judiciaire.
Il est à noter que la Cour Européenne des Droits de l’Homme a pris position et maintient la pression sur les juges en vue de l’application du principe " Pas d’expulsion sans relogement ". En d’autres termes, elle soutient une modalisation de la mesure d’expulsion subordonnée à un relogement effectif.

§ 2. En droit français.
Concernant l’exécution d’une décision d’expulsion, les principes en la matière sont semblables à ceux qui régissent le droit belge. Dans le même ordre d’idées, le droit français connait aussi les expulsions des masses dont la procédure rejoint aussi celle du droit belge, ainsi que nous venons de le voir ci-haut.
Dans ce paragraphe, j’entends focaliser mon attention sur l’opération d’expropriation pour cause d’utilité publique, telle qu’organisée en droit français.
Elle y est définie comme une opération administrative par laquelle l’Etat oblige un particulier à lui céder la propriété d’un immeuble dans un but d’utilité publique et moyennant une indemnité juste et préalable ( ).
Quant à sa procédure, elle comporte deux phases : une phase administrative pour décider l’expropriation et une phase judiciaire, pour prononcer le transfert de propriété et fixer l’indemnité.

1. Phase administrative.
L’expropriation ne peut être prononcée qu’autant qu’elle aura été précédée d’une déclaration d’utilité publique intervenue à la suite d’une enquête.
2. Phase judiciaire
Elle a deux objectifs : le transfert de propriété et la fixation de l’indemnité. Ces deux objectifs relèvent du même organe qu’est le juge de l’expropriation.
Celui-ci est désigné pour chaque département, parmi les magistrats du siège appartenant à un tribunal de grande instance. D’une part, il prononce le transfert de la propriété et rend à cet effet une ordonnance d’expropriation. Il statue en premier et dernier ressort. D’autre part, il fixe l’indemnité à charge d’appel.

Le juge de l’expropriation ne peut être saisi que par le préfet à l’exclusion de toute autorité administrative. Sa mission est d’une nature plus administrative que contentieuse. Il n’y a en effet, pas de litige à résoudre.
Il en découle que l’ordonnance prononçant le transfert de propriété est rendue sans débats contradictoires et sans que le Ministère Public ait à intervenir( ).

Conclusion
Ma mercuriale de ce jour, a porté sur le thème : " Du déguerpissement en droit positif congolais ".
Dans un premier chapitre, consacré aux notions générales, je me suis employé à préciser les concepts " déguerpissement " et " occupation ". J’en ai défini la nature juridique, avant de me pencher sur ses deux formes, à savoir le déguerpissement judiciaire et le déguerpissement administratif.
Dans le souci, d’une approche plus globale sur la question, j’ai jeté un regard sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, en dégageant ses similitudes avec le déguerpissement administratif tout en en soulignant les différences fondamentales.
Les modes d’occupation en matière foncière et immobilière ont également retenu mon attention. A ce propos, j’ai distingué l’occupation résultant d’un contrat, soit entre les personnes de droit public et les personnes privées, soit entre les personnes privées et l’occupation résultant d’une situation de fait. L’occupation procédant d’une infraction à la loi a également été évoquée.
Dans un second chapitre, j’ai focalisé ma réflexion sur le déguerpissement proprement dit, en abordant le sujet, d’abord au regard du droit congolais. A cet effet, j’ai eu à relever que le déguerpissement judiciaire trouve son fondement dans une décision judiciaire, alors que le déguerpissement administratif est le fait de la volonté et de la décision de l’autorité administrative.
Enfin, je me suis permis une incursion en droit comparé. J’y ai visité opportunément la matière, en vue d’y appréhender dans quelques-uns de ses aspects, la conception, l’aménagement, l’organisation et la procédure en droit français et belge.
L’expulsion judiciaire en droit belge présente de fortes similitudes avec le déguerpissement judiciaire, tel qu’organisé en droit congolais. Toutefois, et contrairement à ce qui se passe chez nous, il importe de souligner les rôles majeurs y joués par le juge en phase exécutoire qui peut suspendre les effets de la clause exécutoire insérée dans un contrat entre parties, et par le préfet, seule autorité compétente à autoriser l’utilisation de la force publique.
En droit français, il a été épinglé le caractère déterminant, incontournable et exclusif de l’intervention du juge de l’expropriation dans la procédure de l’expropriation pour cause d’utilité publique qui prononce le transfert de la propriété et fixe l’indemnité en faveur de l’exproprié, alors que ces prérogatives sont reconnues chez nous à l’autorité administrative.
Les cas des expulsions des masses ne sont pas formellement organisés dans notre pays. En France et en Belgique, où l’existence légale de la procédure en la matière est effective, il y est de plus en plus perçu, en toile de fond à l’occasion des décisions judiciaires s’y rapportant, une tendance au respect du principe " Pas d’expulsion sans relogement ", sous l’influence humanisante de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. 
Le congolais demeure profondément attaché à la terre. Il voudrait en jouir durablement et se l’approprier en vue d’y marquer de manière indélébile son identité pour lui-même, sa famille et sa descendance. Cette entreprise, tout à fait légitime en soi, ne saurait cependant pas se réaliser dans l’anarchie.
En cette période historique du réveil de toute une nation, de prise de conscience collective de tout un peuple et à ce moment précis où la politique de la Révolution de la Modernité, telle que prônée par le Président de la République, Chef de l’Etat, est en passe d’atteindre sa vitesse de croisière, spécialement au niveau des infrastructures, l’Etat doit s’en donner plus que jamais, les moyens.
Un défi majeur néanmoins, se situe à ce niveau. Il est impératif de concilier harmonieusement les prérogatives de l’administration et les garanties dues à la propriété privée. Dans cette perspective, le maître mot demeure inéluctablement le respect de la loi, tant par l’Etat, à travers ses organes et préposés que par les particuliers, notamment en honorant les engagements contractuels auxquels ils ont librement souscrit.
L’Officier du Ministère Public, organe de la loi, qui a précisément reçu la mission d’en assurer le respect, ne lésinera pas sur les moyens pour y parvenir. En cette matière d’une si haute sensibilité, ayant trait au déguerpissement, l’ordre public et la sécurité judiciaire doivent rigoureusement être protégés et le cas échéant, promptement rétablis.
Il y va de l’intérêt de tous.
Pour le Président de la République, je requiers qu’il plaise à la Cour Suprême de Justice de déclarer qu’elle reprend ses travaux. Je vous remercie.