Des Japonais abandonnent leurs enfants métis

Vendredi 17 juin 2016 - 06:26
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A Kasumbalesa, une petite cité du Sud-Est de la RDC, à la frontière avec la Zambie, le flot des camions transportant des minerais est incessant. C’est dans cette petite ville poussiéreuse que vivent une cinquantaine de métis nés d’unions entre des Japonais et des mères congolaises dans les années 70 et début 80.

D'après Poly Muzalia, correspondant BBC en RDC, les enfants nés de ces unions ont été abandonnés par leurs pères. Certains d’entre eux auraient même été assassinés à leur naissance, d’après des témoignages concordants.

Image retirée.Image copyrightImage captionShibata aimerait retrouver la trace de son pèreAvec ses yeux bridés, sa peau cuivrée et ses cheveux lisses, Shibata a 40 ans. Cet enseignant est le fruit de l’union d’un ingénieur japonais et d’une paysanne congolaise. Plus que tout, il aimerait retrouver la trace de son père.

"Nous voulons que nos pères puissent nous reconnaître, qu'ils puissent reconnaître qu'ils ont abandonné des enfants en RDC. Mon père est retourné au Japon, il m'a laissé tout bébé. Alors si je le voyais ce serait vraiment un sentiment de joie. Je serais très content".

Nana, 39 ans, est aussi métis. Contrairement à Shibata, cette mère de deux enfants est très remontée contre son géniteur.

"Moi si je voyais mon père, je lui dirais tu nous as abandonnés. Un véritable parent se serait occupé de ses enfants, nous aurait scolarisés comme les autres enfants avec qui nous avons grandi. Je lui dirais tu es méchant, tu es un assassin. Tu nous as abandonnés avec notre mère qui n’avait pas étudié et qui n’avait pas les moyens de nous élever".

Comment expliquer l’abandon systématique de ces enfants par leurs pères japonais ? La plupart des mamans interrogées évoquent le racisme, indique notre correspondant.

"A l'époque des Japonais"

La mère de Shibata explique que son fils a survécu grâce au fait qu’elle évitait de l’emmener à l’hôpital de la Sodimico. Aujourd’hui, cette entreprise minière est en faillite, son hôpital aussi.

Yvonne, une infirmière de l'établissement, témoigne: "Avant, à l'époque des Japonais, des Canadiens, il y avait beaucoup plus de médicaments. Aujourd'hui les malades viennent avec leurs produits, et puis nous avons une pharmacie ici où on peut acheter quelque chose si on a besoin".

"Aujourd'hui plus personne ne s'occupe de l'hôpital, confirme-t-elle, la société est en faillite".

Les autorités de cet hôpital n’ont pas souhaité répondre aux questions de notre correspondant.

Sans illusions

Image retirée.Image copyrightImage captionSagara fabrique du charbon de bois pour survivreCette communauté métis ne se fait plus guère d’illusions. Sagara, 34 ans, fabrique du charbon de bois pour survivre. Il sait qu’il ne pourra jamais aller vivre au pays de son père.

"Je suis habitué avec le climat congolais. Au Japon peut-être que ce serait difficile de vivre. Mais je suis en train de souffrir, alors peut-être le gouvernement japonais peut nous aider un peu, nous faciliter la vie, les miens et moi, ici au Congo".

Plaider la cause de ces oubliés du Katonga, c’est le cheval de bataille de Moise Chokwe, avocat et député élu de Kasumbalesa. Il nous confie que malgré ses efforts, il n’a jamais reçu de réponse, ni des autorités congolaises, et encore moins de l’ambassade japonaise à Kinshasa.

"Le gouvernement congolais doit assumer ses responsabilités et aider ces enfants, ces rescapés-là, à obtenir des dédommagements, et le gouvernement japonais doit le prendre en compte".

L’ambassade du Japon n’a pas répondu à la demande d’interview de la BBC, tout comme les autorités congolaises.

Image retirée.Image copyrightImage captionUne petite-fille de la 2ème génération, dont le père métis est marié à une Congolaise