Des pleurs des prévenus soumis aux tortures atroces et des cris stridents de douleur à la suite des contusions et des blessures non pansées : tel est le quotidien des riverains du sous-commissariat de Makala à Kimbanseke. Dans ce poste de la police territoriale de la ville de Kinshasa devenu tristement célèbre, un élève-mécanicien des motos, garde de son séjour en ce lieu, des cauchemars qu’il ne souhaiterait plus revivre dans sa vie.
Son calvaire de quatre jours a débuté le samedi 17 septembre 2015. Bienvenu Makiona se trouvait au garage où il suivait attentivement quelques dépannages de motocyclettes. Lui et ses collègues verront surgir soudainement près de douze hommes armés et en tenue civile que deux voitures banalisées venaient de débarquer. Immédiatement, les intrus ont fait irruption dans cet établissement avec pour mission, arrêter le chef du garage, Hugo Diambanzulua. Ce dernier s’est présenté en même temps qu’il a demandé à ses interlocuteurs d’en faire autant.
Pour toute présentation, le sous-commissaire principal Kiala qui conduisait cette équipe, et qui s’est cru offensé, a piqué une colère, menaçant de faire des malheurs. Alors que pour toute arrestation ou toute autre mesure privative de liberté, il faut que tout prévenu sache pourquoi et par qui il est appréhendé. Et les policiers sont tenus de décliner leurs identités, en dévoilant l’objet de leur mission censée être régulière et respectueuse des droits de l’homme. Ce sont là les méthodes de travail en usage dans toute police de proximité qui devraient trancher net dans notre pays, avec les antivaleurs d’antan.
Menaces, le chef du garage a dépêché son élève Bienvenu Makiona pour alerter le commandant sous-commissariat de Kimbanseke cimetière, afin d’identifier ces éléments. Le jeune homme saute sur une moto et des minutes plus tard, voilà que débarquent quatre policiers en tenue.
Présentation sommaire des policiers : le sous-commissaire principal Kiala et se hommes dévoilent leur unité, exhibant un bulletin de service prétendument signé par le commissaire provincial de la police et une réquisition d’information signée par l’auditeur militaire supérieur de la Gombe. Que pour une même mission, il y ait deux documents de travail, cela n’a pas intrigué les éléments du sous-commissariat de Kimbanseke cimetière qui ont rebroussé chemin.
La nuit tombe sur Kimbanseke, ce samedi 17 septembre 2015. Les deux voitures avec à bord les éléments de Makala se lancent ensuite à la recherche de Bienvenu Makiona qu’ils trouveront sur une moto.
Preuves de cruauté : les traces des cordes et des blessures
Le motocycliste et son passager prennent aussitôt la fuite quand les gars sortent de deux voitures, armes braquées vers le ciel, prêts à tirer sur des innocents. Bienvenu Makiona rattrapé et rasé, s’écroule. Et c’est le calvaire qui commence avec des coups de crosse des armes, des coups de pieds et de poings. Il a le temps d’entendre que c’est lui qui est allé alerter le sous-commissariat de Kimbanseke cimetière. Pour ce crime de lèse-majesté, le chef d’équipe va lui lancer une brique sur la tête. Blessé au crâne, la victime saigne. Les témoins sidérés poussent quelques grognements de protestation. Ce n’est pas tout. Car, les éléments de Makala vont s’acharner sur le pauvre Bienvenu Makiona. Une seconde brique est sur le point de fendre sa tête, quand certains agents empêchent leur commandant de commettre l’irréparable. Quel crime a commis ce prévenu qui est jeté dans le coffre de la voiture où il suffoque et transpire à grosses gouttes ?
Au sous-commissariat de Makala, l’accueil du prévenu a commencé avec un cérémonial de tortures sous un hangar. Bras ligotés comme des fagots de bois, les pleurs de Makiona ne suscitent aucune compassion de ses bourreaux. La bastonnade va durer une trentaine de minutes.
C’est dans cette posture de bras ligotés que le prévenu va passer une première nuit à Makala. Dimanche, le supplice est allégé. Lundi, ses parents négocient sa libération à hauteur de 200.000 FC. Bienvenu Makiona sort de l’enfer, le corps très endolori, des blessures sur les bras et la tête.
Sa moto ne lui sera restituée que moyennant paiement d’espèces sonnantes et trébuchantes auprès du chef d’équipe dont l’intransigeance ne connait pas de limite.
J.R.T.