Eclatement des partis politiques - Les doublures compromettent la crédibilité du dialogue

Mercredi 18 novembre 2015 - 06:02

Le dialogue politique, sur lequel la Majorité présidentielle (MP) a concentré toute son énergie, est mal parti. A l’instar des concertations nationales de 2013 qui ont raté leur objectif, le dialogue pourrait connaître  le même sort. Et pour cause ? La maladresse dont fait preuve la MP en dédoublant les partis politiques du G7. Sans le savoir, elle est en train de scier l’arbre sur lequel elle est juchée. Autrement dit, les doublures des partis politiques vont compromettre le dialogue.

Le Potentiel

«Qui trop embrasse, mal étreint », rappelle un vieil adage. Un autre souligne que : « Qui veut aller loin ménage sa monture ». Comme si l’histoire devait se répéter, la Majorité présidentielle, qui s’est totalement investie dans la tenue du dialogue politique, est en train de commettre les mêmes erreurs qui ont conduit à l’échec des concertations nationales en 2013.

L’opinion se souviendra qu’en 2013, le président de la République, initiateur des concertations nationales, avait promis de faire de ce forum, un lieu de convergence de vues entre différentes forces politiques et sociales de la RDC, en vue de déboucher sur un nouveau départ dans la gestion de l’Etat. L’objectif assigné à ces assises, forum d’échanges entre fils et filles de notre pays, dans un esprit républicain et de tolérance mutuelle, était, faisait-il remarquer, de «dégager les voies et moyens susceptibles de rétablir et de consolider la cohésion interne, afin d’assurer la victoire sur toutes les forces d’agression ; de renforcer l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national; de mettre fin au cycle infernal de violences, principalement dans le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et l’Ituri ; de conjurer toute velléité de s’associer aux tentatives exogènes de déstabilisation du pays et de planifier, ensemble, le développement socioéconomique de ce dernier, dans la paix et la concorde ».

Au bout d’un mois d’échanges, les concertations nationales se sont clôturées par l’adoption d’une centaine de résolutions et recommandations. Une seule sera mise en œuvre, à savoir la mise en place en décembre 2014, d’un gouvernement, dit de cohésion nationale.

Aujourd’hui, tous reconnaissent que les concertations ont raté leur cible. Dans les rangs de la Majorité, on estime que le dialogue promis par le chef de l’Etat devra corriger les erreurs accumulées lors des concertations nationales. Mais, à l’allure où vont les choses, les mêmes causes risquent de produire les mêmes effets. Pour plusieurs raisons d’ailleurs.

Dans les années 1990, la Conférence nationale souveraine a subi le même sort. Ce n’est qu’après avoir accumulé un grand nombre d’erreurs que le pouvoir mobutiste a fini par accepter le principe d’inclusivité, en convoquant finalement une Conférence nationale souveraine, élargie à toutes les forces sociales et politiques. Mais, que de temps perdu.

De prime abord, l’on est d’avis que les concertations nationales ont péché par l’exclusion. En excluant de gros calibres, tels que l’UDPS d’Etienne Tshisekedi, l’UNC de Vital Kamerhe, etc., ces assises avaient creusé leur propre tombe.

 

C’est mal parti

Comme frappée d’amnésie, la Majorité est en train de revenir sur les mêmes travers. Elle a perdu de vue les raisons qui ont conduit à un atterrissage en catastrophe des concertations nationales. Sans le savoir, la MP plante le décor d’un échec programmé du dialogue national.

En gérant avec légèreté la fronde de G7, la MP s’est fragilisée. Elle est dans une situation de panique générale. Comme un animal blessé, elle est conduite non plus par la raison, mais plutôt par son seul instinct de vengeance. Une vengeance aveugle qui lui a fait perdre tout le sang-froid. En engageant une confrontation directe avec les partis du G7, la MP perd les attributs qui pourraient amener les autres partenaires politiques ou sociaux à adhérer à son projet de dialogue politique.

Que gagne la MP en procédant au dédoublement des partis du G7 ? A première vue, en termes de dividendes politiques, elle est perdante sur toute la ligne. Partir au dialogue avec les doublures du G7, c’est condamner indirectement ce forum à l’échec. En s’affiliant à la MP, les dissidents du G7 se sont coupés d’une éventuelle base. Les bases qu’ils présentent en apparence ne relèvent que du virtuel. En réalité, les partis dissidents du G7 sont des formations politiques sans âme ; des coquilles vides qui ne sont pas à même d’apporter du souffle à la MP. 

Dès lors, comment croire ou adhérer à un dialogue conçu sur la base de la compromission et de la trahison ? La MP joue un double jeu qui finira par la desservir. Elle pense refaire l’unité par le dialogue, tout en travaillant concomitamment à la division et la scission dans l’espace politique national. Cette manœuvre saute aux yeux et ne peut être porteuse de résultat escompté en termes de glissement du processus électoral.

Décidément, la MP veut à la fois, une chose et son contraire.  C’est un bateau ivre qui navigue sans gouvernail. Sinon, rien ne saurait justifier les actes de maladresse par lesquels elle se distingue. Son choix a fait flop et va faire perdre toute la crédibilité au dialogue politique voulu par son autorité morale, Joseph Kabila Kabange.