Elections provinciales UDPS : chronique d’une débâcle annoncée

Samedi 15 août 2015 - 10:32

Le mardi 21 avril, depuis Goma où il tient meeting, Félix Antoine Tshisekedi, secrétaire national de l’UDPS aux relations extérieures, jette un pavé dans la marre. «L’UDPS participera bel et bien aux élections provinciales, mais pose des conditions pour la présidentielle de l’année prochaine», déclare-t-il à une foule en perte de repère. Le lendemain mardi 22 avril, c’est du siège même de l’UDPS, 10ème rue Limeté, que vient la contradiction. Bruno TshibalaNzhenze, Secrétaire général adjoint et porte-parole du parti, après concertation avec son patron, le SG Bruno MavunguPhuati, dément catégoriquement les propos du fils-Tshisekedi. Propos qui, selon lui, n’engagent que leur auteur. A Limeté, cette énième contradiction qui illustre, encore une fois, la confusion dans laquelle nage la direction politique de l’UDPS, a le mérite de montrer qui dirige réellement ce parti. Quelques jours plus tard, l’UDPS/Tshisekedi dépose ses candidatures aux élections provinciales sans tambours ni trompettes. En catimini, sans en informer ses combattants. Bruno Mavungu a été obligé de signer des procurations autorisant les présidents fédéraux d’engager le parti dans le dépôt des candidatures. Mais ces élections vont démontrer à l’opinion nationale et internationale que l’UDPS n’est plus que l’ombre d’elle-même, et que ce parti a disparu de la majorité des provinces congolaises.

Après le pugilat à distance entre le duo Mavungu-Tshibala d’un côté et Félix Tshisekedi de l’autre, les choses ont continué leur bonhomme de chemin, selon la ligne de ceux qui détiennent réellement les clés de la maison UDPS : le parti a déposé ses candidatures aux élections provinciales. Mais comment faire, étant donné que la date de clôture des dépôts des candidatures était fixée au 25 avril, c’est-à-dire dans moins de deux semaines? Nul problème : la CENI va miraculeusement prolonger les délais de 20, puis de 25 jours, le temps de permettre à l’UDPS de rentrer dans le jeu.

Participation clandestine

Sauf que, à ce jour, il s’agit d’une participation clandestine, c’est le moins que l’on puisse dire. Dans les parlements-débout, ces bastions des «combattants» férus de la ligne dure, ils sont encore nombreux à vouloir vous casser les côtes si jamais vous osez leur dire que leur parti a présenté ses listes aux provinciales. Et pour cause : pour avoir baigné dans une énième contradiction, l’UDPS ne sait comment s’expliquer devant sa propre base. En effet, ce parti a affirmé maintes fois ne pas reconnaître l’Assemblée nationale actuelle. Etienne Tshisekedi avait même annoncé avoir annulé les élections législatives, alors que, même s’il avait été reconnu comme le président légal et légitime investi de l’imperium, il n’en aurait toujours pas le droit. Or, c’est cette Assemblée nationale qui a désigné les membres de la CENI. A l’époque – c’est tout à son honneur – le Groupe parlementaire UDPS et Alliés, qui regroupe les élus qui ont décidé, malgré tout, de siéger, proposa le poste de rapporteur de la centrale électorale à Félix Tshisekedi, dans l’espoir que la personnalité de ce dernier puisse apporter l’équilibre nécessaire à cette structure. Mais l’UDPS officielle rejeta l’offre, rappelant avec force qu’elle ne reconnaissait pas la CENI. Contre mauvaise fortune, le Groupe UDPS et Alliés jeta son dévolu sur le député kanangais Jean-Pierre Kalamba. Aujourd’hui, c’est devant cette même CENI qu’elle ne reconnaît pas que l’UDPS est allée, sur la pointe des pieds, déposer les listes de ses candidats. Il va falloir donner des explications aux combattants, avant qu’ils ne hurlent de fureur lorsqu’ils verront le logo de leur partiorner les affiches de leurs camarades pendant la campagne électorale.

Bérézina garantie

Mais c’est une UDPS en lambeaux qui va concourir aux provinciales. Tous les thuriféraires de la ligne familiale du parti découvrent la triste réalité : le parti est réduit à la portion congrue. Il n’existe plus que dans la capitale ainsi que dans les provinces issues des anciens Kasaï occidental et Kasaï oriental. Même là, il n’est présent que dans les aires Luba. A titre d’exemple : l’UDPS n’a aligné aucun candidat dans la province Tetela du Sankuru. Dans son bastion du Kongo central, c’est douloureusement qu’il a pu aligner 22 candidats sur 32 sièges à pourvoir, n’alignant aucun candidat dans les territoires de Lukula (3 sièges), Luozi (1 siège), Songololo (2 sièges) et Tshela (3 sièges), se faisant devancer par le MLC (28 candidats) et l’intraitable UNC (29 candidats). Partout ailleurs, c’est l’hécatombe. Colorez là où se trouve l’UDPS et vos cartes resteront désespérément vierges. Dans le Nord-Kivu, sur 44 sièges à pourvoir, l’UDPS ne concourt que pour un total de 7, avec 5 candidats à Goma, et 2 à Nyiragongo. Aucun candidat à Masisi, Rutshurun Walikale, Lubero, Beni-Oicha, et les villes de BUtembo et de Beni. C’est la fin d’un parti si prompt à lancer des fatwas et à chasser de ses rangs des cadres à la moindre suspicion, et qui se rend aujourd’hui compte qu’il est incapable de mobiliser des candidats valables dans la majorité des provinces. Comment gagner des élections, remporter des postes de gouverneurs de provinces et des strapontins de sénateurs lorsqu’on n’a même pas de candidats ? Dans l’ex-Equateur, c’est la bérézina garantie car, avec presque zéro candidat, le match n’aura même pas lieu. Cette Equateur où la jeune plateforme UDES, qui regroupe des anciens de l’UDPS proches de Samy Badibanga aligne des listes entières dans le Sud-Ubangi. Face – ou à côté – de l’UDPS, d’autres partis de l’opposition montrent leurs capacités. Le cas de l’UNC de Vital Kamerhe – plus déchaîné que jamais – et du MLC de Jean-Pierre Bemba. Décidément, à l’issue des élections provinciales, si finalement elles ont lieu un jour, le parti tshisekediste va perdre de sa superbe devant ses deux concurrents de l’opposition qui vont certainement le devancer.

Diagnostic sans complaisance

Comment en est-on arrivé à cette déliquescence généralisée au sein de la fille aînée de l’opposition ? Pour mettre fin aux luttes des clans qui battaient le plein dans le parti à l’époque, le congrès de 2010 concentra tous les pouvoirs entre les mains d’Etienne Tshisekedi. Mais la faiblesse de ce dernier pour des raisons de santé entraîna la léthargie du parti tout entier. Conscient du danger, les fédérations extérieures de l’UDPS – les grands financiers du parti – organisèrent un conclave à Bruxelles du 28 février au 2 mars 2014 sur le thème «l’UDPS face aux élections en RDC : un aperçu général des élections présidentielles et législatives de 2011 et les échéances électorales à venir».Sous la direction de Félix Tshisekedi, le conclave se livra à un diagnostic sans complaisance de la situation de l’UDPS. Notamment : «l’UDPS est allé aux élections de novembre 2011 sans organisation ni préparation tant au sommet qu’à la base du Parti». «Une certaine léthargie a gagné les structures de gouvernance qui font penser à l’inactivité du parti». «Après trois décennies d’existence, l’UDPS est toujours confrontée à la problématique de communication, tant sur le plan interne et externe.Conséquence : il y a souvent une sorte de confusion dans l’interprétation, la collaboration et la mise en œuvre des décisions prises par la hiérarchie». «La longueur de la quête de l’impérium est devenue en quelque sorte paralysante pour les Cadres et les membres de l’UDPS». «Beaucoup de cadres n’ont pas les compétences requises aux postes auxquels ils sont nommés de telle sorte que certains sont inexistants politiquement devant l’ampleur des tâches, souvent stratégiques, qui leur sont confiées». «L’inexistence d’une organisation comptable au sein du parti qui se tient selon les règles de l’art. Le plan comptable est presque inexistant. Le manque de culture budgétaire. La trésorerie est mal gérée. Le parti ne promeut pas la culture bancaire». Etc.

Pour faire face à cette situation désastreuse, le conclave fit d’ambitieuses recommandations qui, si elles étaient appliquées, auraient transformé l’UDPS en un parti moderne, organisé et combatif. C’est notamment : «Mettre en place des personnes compétentes aux postes clés du Parti à l’intérieur comme à l’extérieur du pays».«Mise en place d’une politique de recrutement des membres».«Redynamiser les structures du parti à travers toute l’étendue de la RDC».
«Évaluation de certaines attributions qui ont été attachées au président, entre autre, celle de nommer et de révoquer les cadres du Parti durant une période de trois ans»…

Par la suite, d’autres intellectuels proches de l’UDPS ont été mis à contribution pour étudier d’autres pistes. Ils proposèrent d’abord la réintégration officielle des députés nationaux qui siègent à l’Assemblée nationale et, ensuite, la création d’un directoire à quatre comme ce fut dans les années 90 au début de la transition. On aurait ainsi, pour le groupe Kongo (Bandundu-Kongo central) : le député de Matadi José Nzau Vola, le représentant en Afrique du Sud Willy Vangu ou le député de Kutu Claude Kiringa. Pour le groupe Lingalophone, Albert Moleka faisait l’unanimité. Pour le groupe Swahili (ex-Kivu et Katanga), on aurait eu le choix entre Valentin Mubake, le député de Fizi (Sud-Kivu) Dr Ambatobe ou le député de Lubumbashi Fabien Mutomb. Enfin, Felix Tshisekedi pour le groupe Luba. Publiée par Congo News, la proposition fut très appréciée des observateurs. Mais de Limeté, il n’y eut aucune suite à toutes ces propositions. Tous ces efforts tombèrent à l’eau simplement parce que Mme Marthe Kasalu, épouse d’Etienne Tshisekedi et Raspoutine en jupon de l’UDPS, a décidé de prendre possession du parti pour y pistonner son fils. La démarche a consisté à écarter toutes les intelligences de l’UDPS traités de «Mubakistes» tels que Claude Kiringa, représentant au Canada ; Léonard Mpoyi, représentant honoraire en Norvège ;  Pierre Mbuyi, représentant au Bénélux ; Valentin Mubake, conseiller politique d’Etienne Tshisekedi ; Albert Moleka, directeur de cabinet du même Etienne Tshisekedi ; le Dr Mpuila Tshipamba, égérie du parti pendant des longues années etc.

Petite boutique familiale

Depuis lors, sans ses députés qui constituent l’aile sociologique du parti, sans ses intelligences intérieures et extérieures, sans ses financiers, reposant exclusivement sur les épaules d’Etienne Tshisekedi malade, soutenu uniquement par des parlementaires-débout snobinards et coupés de la réalité populaire, prêchant dans le désert un dialogue dont nul ne veut et qui n’intéresse nullement le peuple, le parti est aux abois et multiplie des bourdes. Comme lorsqu’il a essayé de décourager les manifestations anti-glissement de janvier dernier projetées par l’opposition (UNC, ECIDE, MLC et Groupe parlementaire UDPS et Alliés) qui ont pourtant connu un grand succès à travers le pays, et qui, pour la première fois, ont contraintle pouvoir Kabila à faire marche arrière sur son projet. L’UDPS est réduite à une petite boutique familiale tenue en réalité par Mme Marthe Kasalu et son fils Félix Tshisekedi. Elle est devenue un parti qui nage dans des discours contradictoires qui font désordre, et qui présente des candidats aux élections provinciales à l’insu de sa base.Elle est incapable d’aligner des candidats sur l’ensemble du territoire national. Ces élections démontreront ce qui reste de la gloire passée de cette UDPS qui fit trembler la dictature de Mobutu. Félix Tshisekedi croyait pouvoir remplacer son père. C’est à une douloureuse descente de marche du parti qu’il va assister.

MULOPWE wa ku DEMBA

Nombre de candidats comparé de 4 grands partis dans 7 provinces de l’Est et de l’Ouest du Congo

 
Nbre sièges
UDPS
PPRD
UNC
MLC

ITURI
 
 
 
 
 

Aru
7
0
7
7
6

Irumu
6
3
6
6
3

Djugu
9
0
7
9
9

Mahagi
8
0
8
8
0

Mambasa
3
0
3
3
3

Total
33
3
31
33
21

HAUT-UELE
 
 
 
 
 

Dungu
2
0
2
2
2

Isiro
5
4
5
5
5

Niangara
1
0
1
0
1

Faradje
4
0
4
0
0

Wamba
6
0
5
6
1

Watsa
4
0
4
2
2

Total
22
4
21
15
11

MANIEMA
 
 
 
 
 

Kabambare
3
0
3
3
0

Kailo
1
0
1
0
0

Kasongo
6
0
6
6
4

Kibombo
1
0
1
1
0

Kindu
3
3
3
3
0

Lubutu
2
0
2
2
0

Pangi
4
0
4
3
0

Punia
2
0
2
2
0

Total
22
3
22
20
4

NORD-UBANGI
 
 
 
 
 

Bosobolo
4
0
4
0
4

Businga
7
0
7
5
7

Gbadolite
3
0
3
0
3

Mobayi Mbongo
3
0
3
0
3

Yakoma
5
0
5
3
5

Total
22
0
22
8
22

TSHUAPA
 
 
 
 
 

Befale
2
0
2
0
2

Boende
5
0
5
5
5

Bokungu
4
0
4
0
4

Djolu
4
0
4
3
4

Ikela
5
0
5
5
5

Monkoto
2
0
2
2
2

Total
22
0
22
15
22

SUD-UBANGI
 
 
 
 
 

Budjala
6
0
6
5
0

Gemena
10
0
10
10
0

Kungu
6
0
6
4
6

Libenge
3
0
3
3
3

Zongo
2
0
2
2
2

Total
27
0
27
24
11

TSHOPO
 
 
 
 
 

Bafwasende
2
0
2
0
2

Banalia
2
0
2
2
2

Basoko
3
3
3
3
3

Isangi
5
5
5
5
5

Kisangani
8
8
8
8
8

Opala
2
0
2
0
2

Ubundu
3
3
3
3
2

Total
25
19
25
21
24

 

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