En l’absence d’élections en 2016 : la Cour Constitutionnelle impose Joseph Kabila

Jeudi 12 mai 2016 - 09:43
Attendu depuis le 18 avril 2016, date du dépôt de la requête de plus de 250 députés de la Majorité Présidentielle, appuyés par une cinquantaine de leurs collègues de l’opposition, l’arrêt de la Cour Constitutionnelle relatif à l’interprétation des articles 70, 103 et 105 de la Constitution a été finalement rendu public hier mercredi 11 mai 2016. Siégeant sous la direction de son président, Benoît Luamba, cette très haute juridiction a donné raison aux requérants en ces termes : « Suivant le principe de la continuité de l’Etat et pour éviter le vide à la tête de l’Etat, le président actuel reste en fonction jusqu’à l’installation du nouveau président élu ». En d’autres termes, si l’élection présidentielle n’est pas organisée le 27 novembre 2016, selon le calendrier publié par la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante), le Chef de l’Etat actuel, Joseph Kabila, est assuré de rester à son poste au-delà de la fin constitutionnelle de son mandat, prévue le 20 décembre 2016. Bien plus, il est autorisé « à expédier les affaires courantes », pour une durée indéterminée, jusqu’à l’investiture de son successeur. Ainsi, le « glissement » que l’on redoutait tant vient de trouver une couverture « légale » au niveau de la Cour Constitutionnelle. Cette décision judiciaire s’apparente à un « passage en force » de la Majorité Présidentielle, qui était en conflit avec plusieurs forces politiques de l’Opposition ainsi que plusieurs organisations de la Société, qui avaient une autre lecture de l’article 70 de la Constitution, dont voici le rappel du libellé : « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ». Dans l’entendement de nombreux opposants, d’activistes de la société civile et d’experts du droit constitutionnel, cette disposition ne pouvait être d’application que dans l’hypothèse où l’élection présidentielle est effectivement organisée dans le délai constitutionnel et où le pays se trouve dans une période de « petite transition » en attendant la passation de témoin entre l’ancien et le nouveau Chef de l’Etat. Selon la même tendance, dès lors que l’élection présidentielle n’est pas organisée dans le délai constitutionnel, la défaillance du pouvoir en place ou du « pouvoir organisateur des élections » devrait être sanctionnée par la déclaration de « vacance du pouvoir » au sommet de l’Etat. Dans ce cas de figure, recours devrait être fait à l’article 75 pour l’expédition des affaires courantes : « En cas de vacance pour cause de décès, de démission ou pour une autre cause d’empêchement définitif, les fonctions de Président de la République, à l’exception de celles mentionnées aux articles 78, 81 et 82 sont provisoirement exercées par le Président du Sénat ». Le dialogue hypothéqué ? La conséquence prévisible de la position de la Cour Constitutionnelle est que pour « glisser », la Majorité présidentielle n’a plus besoin d’un dialogue, ni d’un référendum, encore moins d’un recensement général de la population. Joseph Kabila est maintenant paré contre les attaques de tous ceux qui seraient tentés de l’accuser de gouverner hors mandat. Au point mort depuis presqu’une année, le dialogue politique inclusif dont il revendiquait l’initiative et qui se trouve bloqué, depuis début avril, à l’étape du projet de mise en place de son Comité préparatoire, est plus que jamais sans objet. Car à la solution politique que recherchait la Majorité présidentielle pour régler la crise de légitimité au sommet de l’Etat, dans la perspective de la non tenue de l’élection présidentielle le 27 novembre 2016, la Cour Constitutionnelle vient d’imposer une solution fort controversée juridiquement. Il reste à savoir quel discours la famille politique du Chef de l’Etat va tenir aux partis politiques et organisations de la Société civile acquis au dialogue pour les convaincre de la poursuite des préparatifs de ce forum. Nul n’ignore que la Majorité Présidentielle, une frange de l’Opposition et de la Société Civile ont souscrit à l’idée du dialogue en raison de son impact thérapeutique sur le processus électoral. Les pro-dialogue se sont placés dans la logique du consensus politique pour sauver la patrie en danger. Au regard du total appui de la communauté internationale à ce forum, l’on espère que des actes de nature à le contrarier vont être évités par ceux qui aiment réellement le Congo. Sérieusement contestée dans l’opinion, la Ceni a besoin de ce forum pour se crédibiliser et sauver la démocratie en péril. Présent à Kinshasa depuis le dernier week-end, Edem Kodjo devait sortir de son mutisme pour fixer les esprits.                                   Kimp