Attendu depuis le 18 avril 2016, date du dépôt de la requête de plus de 250 députés de la Majorité Présidentielle, appuyés par une cinquantaine de leurs collègues de l’opposition, l’arrêt de la Cour Constitutionnelle relatif à l’interprétation des articles 70, 103 et 105 de la Constitution a été finalement rendu public hier mercredi 11 mai 2016. Siégeant sous la direction de son président, Benoît Luamba, cette très haute juridiction a donné raison aux requérants en ces termes : « Suivant le principe de la continuité de l’Etat et pour éviter le vide à la tête de l’Etat, le président actuel reste en fonction jusqu’à l’installation du nouveau président élu ».
En d’autres termes, si l’élection présidentielle n’est pas organisée le 27 novembre 2016, selon le calendrier publié par la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante), le Chef de l’Etat actuel, Joseph Kabila, est assuré de rester à son poste au-delà de la fin constitutionnelle de son mandat, prévue le 20 décembre 2016. Bien plus, il est autorisé « à expédier les affaires courantes », pour une durée indéterminée, jusqu’à l’investiture de son successeur. Ainsi, le « glissement » que l’on redoutait tant vient de trouver une couverture « légale » au niveau de la Cour Constitutionnelle.
Cette décision judiciaire s’apparente à un « passage en force » de la Majorité Présidentielle, qui était en conflit avec plusieurs forces politiques de l’Opposition ainsi que plusieurs organisations de la Société, qui avaient une autre lecture de l’article 70 de la Constitution, dont voici le rappel du libellé : « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ».
Dans l’entendement de nombreux opposants, d’activistes de la société
civile et d’experts du droit constitutionnel, cette disposition ne
pouvait être d’application que dans l’hypothèse où l’élection
présidentielle est effectivement organisée dans le délai
constitutionnel et où le pays se trouve dans une période de « petite
transition » en attendant la passation de témoin entre l’ancien et le
nouveau Chef de l’Etat.
Selon la même tendance, dès lors que l’élection présidentielle n’est
pas organisée dans le délai constitutionnel, la défaillance du pouvoir
en place ou du « pouvoir organisateur des élections » devrait être
sanctionnée par la déclaration de « vacance du pouvoir » au sommet de
l’Etat. Dans ce cas de figure, recours devrait être fait à l’article
75 pour l’expédition des affaires courantes : « En cas de vacance pour
cause de décès, de démission ou pour une autre cause d’empêchement
définitif, les fonctions de Président de la République, à l’exception
de celles mentionnées aux articles 78, 81 et 82 sont provisoirement
exercées par le Président du Sénat ».
Le dialogue hypothéqué ?
La conséquence prévisible de la position de la Cour Constitutionnelle
est que pour « glisser », la Majorité présidentielle n’a plus besoin
d’un dialogue, ni d’un référendum, encore moins d’un recensement
général de la population. Joseph Kabila est maintenant paré contre les
attaques de tous ceux qui seraient tentés de l’accuser de gouverner
hors mandat.
Au point mort depuis presqu’une année, le dialogue politique inclusif
dont il revendiquait l’initiative et qui se trouve bloqué, depuis
début avril, à l’étape du projet de mise en place de son Comité
préparatoire, est plus que jamais sans objet. Car à la solution
politique que recherchait la Majorité présidentielle pour régler la
crise de légitimité au sommet de l’Etat, dans la perspective de la non
tenue de l’élection présidentielle le 27 novembre 2016, la Cour
Constitutionnelle vient d’imposer une solution fort controversée
juridiquement.
Il reste à savoir quel discours la famille politique du Chef de
l’Etat va tenir aux partis politiques et organisations de la Société
civile acquis au dialogue pour les convaincre de la poursuite des
préparatifs de ce forum.
Nul n’ignore que la Majorité Présidentielle, une frange de
l’Opposition et de la Société Civile ont souscrit à l’idée du dialogue
en raison de son impact thérapeutique sur le processus électoral.
Les pro-dialogue se sont placés dans la logique du consensus
politique pour sauver la patrie en danger. Au regard du total appui de
la communauté internationale à ce forum, l’on espère que des actes de
nature à le contrarier vont être évités par ceux qui aiment réellement
le Congo. Sérieusement contestée dans l’opinion, la Ceni a besoin de
ce forum pour se crédibiliser et sauver la démocratie en péril.
Présent à Kinshasa depuis le dernier week-end, Edem Kodjo devait
sortir de son mutisme pour fixer les esprits. Kimp