Guerre de télé-distributeurs en RDC

Jeudi 3 septembre 2015 - 10:51

Dans l’affaire Canal+ contre Bluesat, l’Etat s’emmêle les pinceaux
Ça n’est plus de la concurrence, faute de respect des règles du jeu, du régulateur, mais une guerre des télé-distributeurs avec tous ses corollaires qui gronde sur l’espace audiovisuel de la RDC. La correspondance de l’ADG de SGT/Bluesat, Ibrahim Darwich, adressée, le 26 aout 2015, notamment au Chef de l’Etat et au Premier ministre en est un signe prémonitoire. Extrait. «Au niveau du CSAC, c’est là où le bât blesse…on se demande bien par quelle magie, on peut nous condamner sans nous avoir entendu ni opposé les titres qu’auraient déposés le plaignant justifiant les droits revendiqués ».

L’Assemblée plénière du CSAC, Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la communication a adressé, le 21 août 2015, une lettre –référencée 546/CSAC/AP/SEC/ND/08/2015-de mise en demeure et une nouvelle invitation aux télé-distributeurs SGT/Bluesat et Mediasat en vue de présenter, le 28 août 2015, leurs moyens de défense face aux accusations répétitives du télé-distributeur Canal plus sur le piratage auquel se livreraient SGT/Bleusat et Mediasat sur certaines chaînes de son bouquet. Lors de sa plénière du 20 août, un haut conseiller a, en effet, estimé qu’ à la suite d’un monitoring réalisé entre le 7 et le 15 août 2015, SGT/Bluesat et Mediasat ont piraté des chaînes diffusées par Canal + RTL9 ci-après, AB, M.MANGAS, AB MOTEURS, TREK, SCIENCE ET VIE, GULI, CANAL J, TIJI et MCM. Une conclusion trop hâtive et fondée sur le manque de maîtrise du dossier de la part du CSAC. Bleusat est, en effet, lié à l’opérateur AB SAT sis 132, avenue du président Wilson, Paris, par un contrat de distribution des chaînes citées par le monitoring du CSAC. Le contrat Bluesat et AB SAT porte, en fait, sur 14 chaînes pour lesquelles le télé-distributeur r-dcongolais est obligé de payer quelque 140.000 euros l’an. Pour ce qui est de chaînes MCM, Canal J et Guly, Bluesat met quiconque au défi de prouver qu’elle les diffuse ou reprend leurs programmes. Dans sa lettre au ministre des Médias, Lambert Mende, et dont ses collègues de PT&NTIC Thomas Luhaka et de Justice Alexis Thambwe ont reçu copie-, l’ADG de Bluesat conclut à un acharnement sur sa société. Un acharnement, note-il, qui provient de certains individus ou sociétés non autrement identifiés. Des plaintes contre Bluesat enregistrées sous le RI 9382/PG/KAS, avaient déjà été déposées au parquet général près de la cour d’appel de Kinshasa/Gombe, par Bein Sport, Thema, Lagardère et MTV base. Mais le 31 juillet 2015, le parquet classe ce dossier sans suite pour doute. Il nous revient d’ailleurs que Bluesat pourrait à son tour porter plainte pour diffamation et procès téméraire et vexatoire contre Thema dont le télé-distributeur r-dcongolais ne diffuse même pas les programmes. Pour autant, Ibrahim Darwich veut des garanties de l’Etat r-dcongolais sur l’impartialité des institutions publiques. «Nous avons cru en cela et nous nous sommes donné à fond pour apporter notre pierre dans le macrocosme économique de notre pays», écrit-il aux autorités de la RDC. Bluesat, il sied de le rappeler, a un capital de 3 millions de dollars. Pour Ibrahim Darwich, Bluesat est convoquée, « tel un mouton à l’abattoir » au CSAC. Ça vaut quoi une accusation sans aucune preuve? D’où vient qu’on adresse une lettre de mise en demeure à une personne physique ou morale qui n’a même été entendue au préalable, s’interroge-t-on à Bluesat. «Pourtant le conseiller juridique de l’institution [CSAC], nous a promis de nous inviter afin de nous entendre au sujet d’une plainte qu’aurait déposée un de nos concurrents. Promesses malheureusement pas tenue », déplore l’ADG de Bluesat dans sa correspondance dont 7sur7.cd a reçu une copie. Ibrahim Darwich n’y va pas par le dos de la cuillère, «le CSAC prend fait et cause pour le plaignant que d’ailleurs nous n’arrivons pas à bien identifié».
Dans une correspondance datée du 24 juin 2015 adressée au président Tito Ndombi du CSAC, le DG de Canal +RDC Sarl , Jean-Claude Tshipama, se plaint, en effet que « depuis quelques mois, les intérêts de Canal + en RDC sont menacés à cause du piratage massif orchestrés par deux nouveaux opérateurs de télévision payante, SGT Sarl opérant sous le nom commercial de Bleusat et la société Mediasat ». «Concernant Bleusat en particulier, celle-ci édite un certain nombre des chaînes en propre où sont généralement présents des contenus pirates provenant notamment de major compagnie américaine qui ont déjà cédées des droits exclusifs à d’autres opérateurs », fonce M. Tshipama. Le DG Canal+ RDC poursuit que Canal+ et les autres éditeurs concernés dont le belN Sport, Fox, Turner, Viacom, France Télévision, Do ou encore Thema ont déjà envoyé des mises en demeure aux sociétés précitées, mais sans succès. « C’est pourquoi, poursuit le DG Tshipama dans sa lettre, nous sollicitons aujourd’hui le soutien du président du CSAC afin de faire cesser les agissements illicites de Bleusat et Mediasat».
Lors de la plénière du CSAC du 20 août 2015, le dossier Canal+ contre Bluesat et Mediasat a, en effet, fait l'objet d'un houleux débat. Des accusations à peine voilées ont même été portées contre le président du CSAC. Le CSAC s’est donc retrouvé dans une situation embarrassante. « Nous aurions pu sanctionner par défaut… », a regretté un haut conseiller du CSAC lors de la plénière du 20 août dernier. Selon des sources bien renseignées, CSAC devrait blanchir Bluesat de toutes les accusations portées contre elle. Cette affaire illustre toutefois un certain manque de collaboration entre le ministère des Médias et le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la Communication, commente cet expert. La crédibilité du CSAC, on se rappelle, a été quelque peu écornée dans l’affaire d’attribution des fréquences au télé- distributeur chinois Startimes. Son tout premier président, Bahala a dû payer de son poste. L’affaire Bahala contre CSAC est depuis pendante à la Cour suprême de justice. Le service « Enquête » de 7sur7.cd poursuit ses investigations sur la guerre des télé-distributeurs en RDC.
POLD LEVI