2015, une année où les débats sur les Constitutions vont s'inviter sur le continent africain. Après la chute de Blaise Compaoré au Burkina Faso, les présidences à vie ont pris du plomb dans l'aile. Mais les présidents qui comptaient comme lui prolonger leur séjour à la tête de l'Etat vont-ils pour autant changer de projet ? Zoom sur une année 2015 où l'avenir de plusieurs chefs d'Etat va se jouer.
Blaise Compaoré risque de se souvenir longtemps de l'article 37. C'est en voulant modifier ce paragraphe de la Constitution qui limitait le nombre de mandats à deux que l'ancien président burkinabé a été poussé vers la sortie sous la pression de la rue, après 27 ans passés au sommet de l'Etat. Cette sortie peu glorieuse a relancé le débat sur ces présidents qui ont du mal à quitter le pouvoir. «Respecter la Constitution quand on aspire à diriger un pays est fondamental», insiste l'ancien ministre burkinabé des Affaires étrangères Ablassé Ouedraogo. Lors de la lecture de la nouvelle charte de transition du pays le 16 novembre, il a plaidé pour que soit inscrite dans la charte de l'Union africaine une clause sur la limitation des mandats. «Si cette clause existait, le Burkina ne serait pas passé par là où il est passé», ajoute le diplomate. Pour Ablassé Ouedraogo le Burkina Faso fera «tâche d'huile». «Nous considérons que le monde a changé, l'Afrique a changé, les Africains ont changé, et les gouvernants africains doivent changer».
La tentation du maintien au pouvoir
Plusieurs dirigeants africains seront à la croisée des chemins en 2015 et devront choisir entre se maintenir à tout prix, quitte à affronter une frange de la population qui réclame l'alternance ou préparer leur succession et passer la main. Ce débat est déjà d'actualité en République Démocratique du Congo où théoriquement Joseph Kabila ne peut pas se représenter en 2016. Au Burundi aussi la question est déjà sur la table, puisque Pierre Nkurunziza est soupçonné de vouloir se présenter une nouvelle fois cette année alors que la loi fondamentale n'autorise que deux mandats.
Au Congo Brazzaville, Denis Sassou Nguesso est lui également confronté à l'article 57 de sa Constitution qui l'empêche de se représenter en 2016. Si le président congolais n'a rien dit de ses intentions officiellement, son parti le PCT appelle depuis le 31 décembre dernier ouvertement à l'adoption d'une nouvelle loi fondamentale. Ce qui ne fait que révéler au grand jour la position du chef de l'Etat estime l'opposition. Roch Euloge Nzobo le coordonateur national du Cercle des droits de l'homme et de développement estime lui que cette annonce est un mauvais cadeau de Noël. «L'alternance est un principe clé de la démocratie, rappelle t-il. Il ne faut pas qu'on nous vante les théories du président indispensable qu'on ne peut pas remplacer. Ce n'est pas possible». «Si la Constitution prévoit qu'une personne ne peut être élue que deux fois, et que c'est fini, alors on doit s'arrêter là», insiste Roch Euloge Nzobo.
Le Togo ne limite pas les mandats du chef de l'Etat
Au Togo, la Constitution ne limite pas les mandats, et c'est justement ce que réclame l'opposition, en vain alors que le chef de l'Etat s'était engagé il y a plusieurs années déjà à des réformes politiques. Maître Yawovi Agboyibor a été Premier ministre de Faure Gnassingbé et a présidé à ce titre le dialogue national de 2006 où cet engagement avait été pris notamment par le parti au pouvoir, bien avant les événements du Burkina Faso.« C'est une obligation que cet engagement devienne une réalité, personne ne peut s'y dérober», dit aujourd'hui l'ancien chef de gouvernement. Mais le compte à rebours du scrutin prévu en mars a déjà été lancé et certains opposants craignent qu'aucune réforme ne puisse avoir lieu à temps. Faure Gnassingbé a certes proposé mercredi 31 décembre dans ses voeux à la Nation qu'une commission réfléchisse dans un bref délai à une réforme en profondeur sur l'ancrage de la démocratie togolaise mais pour l'ANC, (alliance nationale pour le changement) le parti de Jean Pierre Fabre, le chef de l'Etat ne cherche qu'à gagner du temps.