Avec la fin imminente du second et dernier mandat de Joseph Kabila, la tension monte déjà dans les états-majors politiques, comme en témoignent la manifestation prévue dès janvier pour rendre hommage aux victimes des répressions du 19, 20 et 21 janvier 2015 et une marche pacifique de l’Eglise Catholique en vue en Février.
L’année 2016 qui commence dans quelques jours s’annonce politiquement très difficile pour la République Démocratique du Congo, au regard des enjeux importants auxquels ce pays doit faire face, avec notamment l’imminence de la fin du second et dernier mandat de Joseph Kabila et l’organisation attendue des élections présidentielles et législatives.
Face à ces échéances et malgré le Dialogue convoqué par le pouvoir, la tension ne cesse de monter au sein de l’Opposition et de la Société civile pour faire échec à toute tentative de violer la Constitution pour maintenir au pouvoir l’actuel Chef d’Etat. Pour preuve, une manifestation de grande envergure est envisagée dès janvier 2016 en mémoire des victimes des répressions sanglantes du 19, 20 et 21 janvier 2015.
La Coalition « Mon Vote doit compter » et initiée par FIDH regroupant plusieurs Organisations telles que, Anges du ciel, ACAJ (Association congolaise pour l’accès à la justice), ANMDH (Les amis de Nelson Mandela pour la défense des droits humains), ASADHO (Association africaine des droits de l’Homme), CDH (Comité pour les droits de l’Homme), GL (Groupe Lotus), JUSTICIA Asb1, LE (Ligue des Électeurs), LICOF (Ligue contre la corruption et la fraude), OCDH (Observatoire congolais des droits de l’Homme), OSD (Œuvres sociales pour le développement),Toges noires, VSV (Voix des sans voix), NSCC (Nouvelle Société Civile Congolaise), dit avoir répertorié 42 morts lors de ces manifestations violemment réprimées par le pouvoir.
Dans son rapport, Human Right Watch a fait état de 36 tués et documenté au moins 21 cas dans lesquels des civils ont été tués par balles par les forces de sécurité lors de ces manifestations ayant paralysé la ville de Kinshasa, les 19, 20 et 21 janvier.
Cette répression sanglante des manifestants contre la loi Boshab a été suivie de plusieurs arrestations arbitraires dans la capitale et provinces. Le cas de Jean Claude Muyambo, président national de SCODE.
Il faut signaler aussi l’arrestation et la détention jusqu’à ce jour de Christopher Ngoy, militant des droits humains qui avait été impliqué dans la mobilisation de la population pour la réussite de ces manifestations.
À Goma, les autorités ont arrêté au moins 26 personnes, dont plusieurs dirigeants en vue de l’opposition, lors des manifestations le 19 janvier. Douze d’entre elles ont été remises en liberté ro1isoire le 21janvier et trois autres ont été transférées devant un tribunal pour enfants.
C’est pourquoi, une manifestation est prévue à l’occasion du 1er anniversaire de ces manifestations pour rendre hommage aux victimes de cette répression et exiger la libération de ceux qui sont en détention comme Christopher Ngoyi Mutamba.
Effets « Front citoyen 2016 »
À moins d’une année de la fin du second et dernier mandat de Joseph Kabila, des partis d’opposition et des associations de la société civile viennent aussi de lancer “ un Front citoyen 2016 “, toujours dans le but de barrer la route à un troisième mandat à Joseph Kabila. Ce dernier, pendant ce temps appelle au dialogue et va jusqu’à proposer un « processus électoral authentiquement congolais, avec des “ modalités de vote peu coûteuses » !
Mais les principaux regroupements de l’Opposition boudent ce nouveau forum. Depuis le 19 décembre, ils se sont même associés avec d’autres associations de la société civile et des personnalités publiques pour lancer le Front citoyen 2016. Un “rassemblement inclusif de citoyens (...) qui [s’engage] à militer pour le strict respect de la Constitution “.
On y trouve plusieurs poids lourds de l’opposition congolaise comme Moïse Katumbi, dernier gouverneur de l’ex-Katanga, Vital Kamerhe, ancien président de l’Assemblée nationale, Félix Tshisekedi, fils de l’opposant historique Étienne Tshisekedi, Éve Bazaiba, secrétaire générale du Mouvement de libération du Congo (MLC, parti de Jean-Pierre Bemba), Martin Fayulu, leader des Forces acquises au changement (FAC). Mais aussi des représentants d’ONG des droits humains (Asadho et Amis de Nelson Mandela, VSV de Chebeya, Ligue des Electeurs, Nouvelle Société civile Congolaise notamment) et de mouvements citoyens, Lutte pour le changement (Lucha) et Filimbi qui joue un rôle de relais du regroupement en Europe.
D’après certaines sources, les discussions sont en cours pour convaincre les frondeurs du “ G7” (groupe de frondeurs éjectés de la majorité) à adhérer à cette nouvelle plateforme socio-politique.
Le Front citoyen 2016 voit le dialogue convoqué par Kabila comme une manœuvre pour s’éterniser au pouvoir et violer ainsi la Constitution.
C’est pourquoi cette nouvelle plate-forme compte organiser dès le début de l’année 2016 des actions de grandes envergures pour appeler Joseph Kabila à respecter les règles de jeu en se conformant à la Constitution.
Débloquer le processus électoral
« Nous n’avons pas constitué un front anti- dialogue, mais un front pour des élections démocratiques et l’alternance dans les délais constitutionnels “, souligne Yangu Kiakwama, porte-parole du collectif Filimbi.
A en croire ce militant pro- démocratie en exil, le Front citoyen 2016 ne se préoccupe pas de la tenue, ou non, du dialogue proposé par Kabila.” Pour nous, l’essentiel réside dans l’organisation des scrutins constitutionnellement obligatoires: les législatives et la présidentielle avant la fin de l’année 2016 “, martèle-t-il.
C’est pourquoi le front ‘citoyen 2016 exige que le processus électoral soit débloqué : un nouveau calendrier électoral consensuel doit être publié parla Ceni - qui doit faire son travail - au plus tard le 31janvier 2016 et la mise à jour du fichier électoral doit commercer au plus le 10 février “, rappelle Yangu Kiakwama.
Reconnaissant une « conjonction de vue » avec la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), même si cette dernière n’a pas adhéré à la plateforme, le Front citoyen 2016 a « fait sien l’appel lancé par la Cenco » notamment en ce qui concerne « la marche pacifique de tous les chrétiens, le 16 janvier 2016, pour consolider la démocratie ».
Notons qu’en 1992, une manifestation similaire, organisée 24 ans jour pour jour pour réclamer la réouverture de la Conférence nationale souveraine (CNS), avait été violemment réprimée par le régime de Mobutu.
Il y a crainte que la manifestation visant à rendre hommage aux victimes de répressions du 19, 20 et 21 janvier 2015 et la marche pacifique de l’Eglise catholique prévue le 16 février 2016 soient réprimées par le régime de Kinshasa.
L’Eglise Catholique très déterminée
Dans un message intitulé “Faudra-t-il encore que le sang coule en RDCongo?” lancé il y a une semaine, la Conférence Épiscopale Nationale du Congo se dit inquiète et préoccupée par la situation du pays, une année avant les échéances électorales de novembre 2016.
Tout en reconnaissant les efforts consentis par le gouvernement pour la démocratisation du pays, les évêques catholiques se disent “peinés que l’approche des échéances électorales amènent son lot de restriction des libertés individuelles, la croissance de répressions”.
Les évêques ont annoncé une initiative articulée en 4 actions :
- Une neuvaine de prière à partir du décembre. Dans toutes les paroisses les chrétiens vont prier pour la paix dans le pays
- L’organisation, le 16 février 2016, 24ème anniversaire de la marche historique organisée par l’église en 1992, d’une nouvelle marche pacifique “pour plus de démocratie dan notre pays”.
- L’organisation dans les paroisses et les mouvements d’action catholique, tous les premiers samedis du mois, d’une prière spéciale pour la justice et la paix.
- Célébration d’un culte œcuménique pour la paix pendant la semaine de prière pour l’unité des Chrétiens du 18 au 25 Janvier 2016.
Comme on le voit, l’année 2016 s’annonce déjà politiquement très difficile pour la République Démocratique du Congo qui aborde un virage à risques. Mais, tout devra être mis en œuvre avec le concours de la communauté internationale, pour éviter que le pays bascule dans les violences à l’instar de ce qui se passe au Burundi, suite l’entêtement de Pierre Nkurunziza de s’accrocher au pouvoir contre la volonté de son peuple.
Par GODE KALONJI