CADA appelle Mme Bintou Keita à relire et à respecter la Charte de l’ONU
Il y a peu, Mme Bintou Keita, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies en République Démocratique du Congo et Chef de la MONUSCO (Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en République Démocratique du Congo) a défrayé la chronique en déclarant via son compte tweeter ce qui suit :
« Le processus électoral doit être inclusif. Aucun Congolais ne pourrait être exclu sur base de son origine, de celle de ses parents ou de son conjoint».
Ce tweet a fait et continue à faire couler beaucoup d’encre et de salive. Il a même enflammé plusieurs plateformes sur la toile. Ceci du fait que cette déclaration remet en question la notion de la souveraineté d’Etat et constitue ni plus ni moinsune atteinte inadmissible à celle-ci. Et la question que d’aucuns se posent est celle de savoir si la MONUSCO a pour mandat d’interférer dans le processus législatif d’un Etat souverain qu’est la RDC.
Pour répondre à cette préoccupation, nous avons consulté la Charte de l’ONU et, par devers elle, le mandat dévolu à la MONUSCO.
En effet, la MONUSCO a remplacé le 1er juillet 2010 la MONUC (Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo) en application de la résolution 1925 (2010) du Conseil de sécurité du 28 mai 2010. Ce changement était indicateur de la nouvelle phase dans laquelle le pays entrait.
La nouvelle Mission onusienne s’est donc vue autorisée à utiliser tous les moyens nécessaires pour s’acquitter de son mandat, notamment assurer la protection des civils, du personnel humanitaire et du personnel chargé de défendre les Droits de l’Homme des personnes se trouvant sous la menace imminente de violences physiques et appuyer le Gouvernement de la RDC dans ses efforts de stabilisation et de consolidation de la paix. Bref, cette nouvelle mission se résume en la protection des civils et la consolidation de la paix en RDC.
Il va sans dire que le processus législatif entamé en RDC ne constitue aucunement une situation d’urgence pouvant justifier moralement un devoir d’ingérence par la MONUSCO dans les affaires d’un Etat. L’on ne peut donc parler de «l’ingérence humanitaire» au nom d’une morale de l’urgence et de la solidarité internationale.
L’ingérence humanitaire se justifierait si jamais il y avait violation massive des Droits de l’Homme en ce qu’elle prône la possibilité d’envoyer des secours humanitaires ou des forces armées internationales pour venir en aide à des populations victimes des catastrophes naturelles ou de violations des Droits de l’Homme sans nécessairement l’assentiment de l’Etat concerné. L’objectif est de porter secours, assister, aider et protéger les populations en danger. Cependant, la MONUSCO, au lieu d’être vue comme une mission de maintien de paix, est perçue de plus en plus par beaucoup deCongolais comme une mission, de surcroît, très couteuse et budgétivore, qui a échoué de ramener la paix en RDC. Certaines instances internationales en appellent même à la révisitation de son mandat afin de la rendre souple et robuste. Le Gouvernement congolais s’est prononcé, quant à lui, sur la réévaluation de sa mission.
L’inefficacité de la MONUSCO a conduit à un sentiment de rejet et les mouvements citoyens à l’Est du pays ont décrété des manifestations de plusieurs ordres à Goma et ailleurs pour exprimer leur dépit et exiger son départ. Et ces derniers temps, ces rassemblements ont été émaillés de violences, causant mort d’homme parmi les populations, voire dans les rangs des troupes onusiennes. La MONUSCO, qui n’est plus en phase avec les populations de l’Est, est même accusée de complice de la guerre en RDC sur fond de pillages des ressources naturelles congolaises.
Pour mémoire, la RDC est, depuis 1960, un État souverain.C’est-à-dire une entité politique qui possède un pouvoir suprême reconnu à l'État de faire ses lois et de les mettre en pratique. Sa souveraineté implique ainsi l'exclusivité de ses compétences législatives, exécutives et judiciaires.
C’est dans ce cadre que la RDC peut conclure des ententes, des traités, conventions, des accords et/ou être inséré dans des ensembles plus vastes, tout en gardant cependant sa souveraineté. Ceci d’autant qu’elle a le pouvoir suprême de s'en détacher ou s'en dissocier librement en acceptant évidemment les conséquences économiques ou financières qui peuvent en découler.
C’est aussi en tant qu’Etat souverain que la RDC a le droit de faire ses lois et les mettre en pratique.
Dans la résolution 2625 de l’ONU, le sens du principe de non-ingérence est le suivant :
«Aucun Etat ni groupe d'Etat n'a le droit d'intervenir, directement ou indirectement, pour quelque motif que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d'un autre Etat».
Par ailleurs, il est énoncé à l’intention des Etats dans la Charte de l’Organisation des Nations Unies (ONU), plus précisément en son article 7.2, «qu’aucune disposition de la Charte n’autorise aux Nations unies d’intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État».
Ce souci de protection de l’intimité de l’État dans l’exercice de sa souveraineté se trouve également renforcé fondamentalement par la Résolution 2131 de l’ONU sur «l’inadmissibilité de l’intervention dans les affaires intérieures de l’État et la protection de leur indépendance et de leur souveraineté».
En conséquence, non seulement l’intervention armée, mais aussi toute autre forme d’ingérence ou toute menace, dirigées contre la personnalité d’un État ou contre ses éléments politiques, économiques et culturels, sont condamnées par cesdispositions de l’ONU.
Ainsi donc, les projets, propositions et les lois en RDC pour le verrouillage de l’accès à la Présidence de la République et aux fonctions de souveraineté et sur l’irrévocabilité de la nationalité congolaise d’origine en RDC ou pour toute autre raison relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un État. Aucun Etat ni groupe d'Etat n'a le droit d'intervenir, directement ou indirectement, pour quelque motif que ce soit, dans les affaires intérieures ou extérieures d'un autre Etat.
C’est pourquoi CADA (Congo Action pour la Diplomatie Agissante) en appelle à Mme Bintou Keita, Cheffe de la MONUSCO, de relire et de respecter la Charte des Nations unies qu’elle représente en RDC. Il n’est plus besoin de rappeler que ce souci de préserver l’intimité de l’État face à l’immixtion des tiers se justifie par le principe selon lequel celui-ci (L’Etat) dispose seul des pouvoirs opérationnels sur son territoire.