Samedi soir à Kinshasa, en République démocratique du Congo, une vingtaine de garçons et filles albinos se sont rassemblés pour un défilé unique, retransmis sur une chaîne de télévision nationale à l’initiative du réalisateur Yan Mambo. Le but ? Mettre en avant une forme de beauté atypique pour endiguer les discriminations.
« À la fin, [il faut que] les gens aient envie d’épouser un albinos et d’avoir un enfant albinos » explique le réalisateur Yan Mambo, organisateur du défilé d'une vingtaine de filles et garçons albinos samedi dans la capitale de la République démocratique du Congo, dans une interview au Monde. L’albinisme est une particularité génétique qui se caractérise par le déficit de mélanine dans l’iris, la peau, les poils et les cheveux. Pour ceux qui sont atteints de cette anomalie, défiler sur les podiums est un moyen d’affirmer qu’il n’existe pas de canon de beauté unique.
L’organisation du défilé a coûté 5 000 dollars, une somme plutôt modeste si l’on considère les retombées de cet évènement, diffusé sur une chaîne nationale, et la force du message. « Je ne défile pas seulement pour moi, mais pour tous les albinos. Nous, on est fiers. Je veux dire à mes amis qui sont timides, qui se méprisent même, qu’eux aussi sont beaux et que, demain eux aussi défileront ! », s'enorgueillit Aristote Kasani, 17 ans, dans le film.
L’acteur Serge Kanyinda s’est également invité au défilé. Il avait notamment joué dans Rebelles de Kim Nguyen, film nommé aux Oscars en 2013. L’occasion pour le jeune homme âgé de 23 ans d’affirmer haut et fort que l’on peut être atypique tout en étant « normal ».
Pour ces mannequins d’un jour habillés par la marque Bitshilux Mode de Fifi Bashala, l’exercice est réussi. Avec plus ou moins de stress. Pour Bertina Saya, 24 ans, les cheveux roses et l’allure assurée, marcher avec fierté n’a pas été un problème. Celle qui a toujours été appuyée et encouragée par ses parents et ses amis s’est sentie dans son élément. Elle espère devenir un jour modèle.
Fièrement « Ndundu »
Yan Mambo, juriste qui a décidé de poursuivre son rêve dans le cinéma et lui-même albinos, n’en est pas à son coup d’essai. La campagne de sensibilisation « Plus de couleurs » en juin dernier proposait à deux personnes, de couleur noire, blanche, métissée ou albinos, de se faire prendre en photo ensemble. Elle s’était terminée par le festival « Fièrement Ndundu » (albinos en lingala, la langue parlée en République démocratique du Congo) à base de conférences, de séances de formation et d’une marche. Une manière d’éduquer et d’expliquer que la différence est une force plutôt qu’une faiblesse.
La situation inquiétante des albinos
Si les albinos subissent ségrégation et mise à l’écart en RDC, dans d’autres pays d’Afrique, ils sont les victimes de massacres. Les attaques sont particulièrement violentes en Tanzanie et au Burundi. Entre 2000 et 2013, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a recensé 200 attaques dans 15 pays d’Afrique, où les albinos sont victimes de mutilations ou de crimes rituels car on les considère porteurs de malédiction.
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