Pierre Kwenders, une étoile congolaise brille au Canada
Il lance son premier album métissant hip-hop, jazz et rumba congolaise, donnant ainsi un mélange des genres détonnant. Lui, c’est un jeune homme nommé José Louis Modabi, qui se fait appeler Pierre Kwenders en hommage à son grand-père.
Son allure patricienne est renforcée par un style néo impérial. Dans son accoutrement, l’on reconnait des références empruntées à Napoléon comme à Mobutu Sese Seko. Quitte à glisser dans son premier album la voix métallique de ce dernier, annonçant le multipartisme dans son discours du 24 avril 1990.
L’artiste récuse néanmoins toute interprétation politique. « Je considère que c’est l’un des plus beaux discours qu’il ait donnés, mais je ne suis pas dans une démarche d’instrumentalisation politique. Je puise dans l’Histoire, à des fins artistiques », précise le chanteur de 29 ans.
S’il n’est en rien nostalgique de Mobutu, José Louis Modabi n’est pas non plus à la tête d’un empire, comme pourrait le laisser croire le titre de son premier album panachant hip-hop expérimental, électro minimaliste, jazz, rumba congolaise et musique traditionnelle. Ce natif du quartier kinois de Salongo a rejoint sa mère à Montréal à l’âge de 16 ans, et avant de se muer en Pierre Kwenders, il s’est d’abord initié au chant dans une église de Montréal. C’est par la foi qu’il s’est découvert une voix. Puis, dans le monde profane, il a fait la rencontre du groupe de rap électro Radio Radio, avec qui il a commencé à collaborer.
Ambassadeur d’une nouvelle génération de Bantous
Pour le « Dernier Empereur bantou », son album est un cocktail vivifiant et subtilement dosé de onze titres chantés en français, en anglais, en lingala et en tshiluba. On y croise les rappeurs canadiens de The Posterz et de Radio Radio ainsi que le Belge d’origine congolaise Baloji.
De quoi dérouter la presse canadienne, qui le range sous l’appellation incongrue de « World 2.0 » et irrite l’artiste, allergique au « fourre-tout de la musique du monde ». Lorsqu’on lui demande de décrire cet album enregistré entre Montréal, Nouvelle-Écosse et Washington DC, il marque un silence et sourit : « Moi-même, je suis incapable de caractériser ma musique ! ».
Son style et ses influences détonnent dans le paysage musical de Montréal. Celui qui se veut un « bantou du XXIe siècle » écoute toujours ceux qui l’ont bercé et qui continuent de l’inspirer tous les jours : les mélodies raffinées de Tabu Ley Rochereau et de Franco, la voix de Papa Wemba et les rythmes de Quartier Latin, l’orchestre du célèbre Koffi Olomidé. « J’ai grandi en écoutant ces légendes. Plus qu’un empereur bantou, je me sens ambassadeur d’une nouvelle génération de Bantous et un passeur culturel fier de faire découvrir cette musique», souligne-t-il avec un accent québéco-congolais.
Il regrette d’ailleurs qu’on ne parle pas assez de l’époque glorieuse de l’Afrique précoloniale. « On nous apprend l’Empire romain, l’Empire Ottoman, mais quid des empires africains d’autrefois ? » Sans fausse modestie, Kwenders s’enorgueillit de venir combler ce vide et appelle à l’unité des Bantous éparpillés sur la planète pour qu’ils rejoignent son « empire ouvert à tous et sans frontières ».
(Onassis Mutombo)