Baisse des recettes de la téléphonie mobile en RDC : ARPTC et opérateurs conviennent d’une commission des tarifs « plancher » et plafond »

Vendredi 21 novembre 2014 - 07:38

L’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications du Congo (ARPTC) et les opérateurs de la téléphonie mobile ont convenu de la mise en place d’une commission des tarifs « plancher » et « plafond » pour des solutions à la « baisse très sensible des recettes des sociétés du secteur ».

« Les opérateurs de la téléphonie mobile et les responsables de l’ARPTC se sont réunis mardi 18 novembre 2014 à Kinshasa pour trouver des solutions à la baisse continue des recettes des sociétés du secteur de la téléphonie cellulaire qui risque de décourager les investisseurs. Ils ont décidé de la mise en place d’une commission chargée de résoudre l’épineuse question des tarifs +plancher+ et +plafond+ », a expliqué jeudi une source proche du dossier dans un entretien à Lepotentielonline.com.

Actuellement, les 8 sociétés de téléphonie mobile opérant en RDC sont Vodacom, Airtel, Tigo, CCT, Supercell, Africell, Orange et Yozma Timeturns.

RDC : 15 millions d’abonnées aux réseaux de téléphonie cellulaire

Sur un marché de 45 millions d’utilisateurs potentiels en RDC, seuls 15 millions de Congolais possèdent une carte SIM, soit un taux de pénétration que les opérateurs de téléphonie mobile cherchent à augmenter.

« Il reste encore un très grand potentiel. Pour ça, il faudrait également que l’économie de la RDC démarre tous les secteurs. Que la richesse se crée pour que tous les Congolais et les Congolaises puissent avoir un accès plus facile et plus aisé, et économiquement plus intéressant à la téléphonie mobile. C’est encore un enjeu très important, un défi pour tous les opérateurs de télécommunications », selon le directeur général d’Orange en RDC, Jean-Léon Bonnechère.

Il pense qu’« une fois que le nombre d’abonnés aux réseaux téléphoniques aura augmenté, chaque opérateur mobile pourra se développer en fonction de ses investissements et de la qualité de son réseau ».

Orange comptait 2,3 millions d’abonnés soit 10% du marché de télécommunication en RDC à ses débuts, il y a deux ans. En mi avril à Kinshasa, le président délégué général du Groupe Orange, Stéphane Richard, avait parlé d’un accroissement annuel de 20 % de son chiffre d’affaires.

L’ARPTC a fixé les prix des appels en septembre 2013

L’ARPTC, plusieurs fois interpellée sur les prix des produits de télécommunications, est accusée d’« ignorance persistante des recommandations internationales et des décisions des tribunaux ».

« Un appel entre deux réseaux de téléphonie mobile en République démocratique du Congo, qui coûtait 0,037 dollar américain pour la période de 2013 à 2014, vaut 0,034 dollar pour celle de 2014-2015 et coûtera 0,031 dollar pour l’année financière suivante. Ces prix sont fixés à l’avance par l’ARPTC », rappelle-t-on.

En effet, c’est le 25 septembre 2013 que l’ARPTC avait fixé une tarification de base pour les appels téléphoniques pour trois ans, au motif que cette décision, en vigueur le 1er octobre de la même année, « vise à maintenir la concurrence loyale entre les différents opérateurs ».

Elle avait décidé que, « pour la période allant d’octobre 2013 à septembre 2014, le tarif hors taxe ne peut pas figurer en deçà de 0,10 dollar américain la minute d’appel pour les appels intra réseau et 0,037 dollar pour l’interconnexion ».

Pour s’aligner sur ce nouveau tarif, certaines entreprises de télécommunication avaient revu le prix des communications à la hausse.

Réactions divergentes des opérateurs de téléphonie mobile

Réajustant les prix des appels pour se conformer à la décision de l’ARPTC, Vodacom avait notifié ces abonnés par SMS sur les réajustements à la hausse du coût de ces appels qui passaient de 0,0018 USD à 0,0022 USD par seconde.

« Nous allons nous conformer à la décision de l’ARPTC parce que c’est le régulateur. La guerre entre les opérateurs ne peut pas se situer au niveau des prix mais au niveau des services et de leurs qualités », avait déclaré, de son côté, le directeur juridique d’Airtel, John Aluku.

Cependant, la décision de l’autorité de régulation n’avait pas fait l’unanimité. C’est le cas d’Africell, le « dernier venu » à l’époque dans le paysage des télécom en RDC, qui avait estimé que « cette décision, prise avec le concours d’un consultant international, viole les lois de la République ».

« Nous ne sommes pas dans un pays communiste où l’Etat fixe les prix. Nous sommes dans une économie libérale. Selon le rapport de cette école, Africell a 2% du marché national. Donc avec 2 %, on n’est pas assujetti à la modélisation des coûts. Nous disons qu’il y a l’article 28 de la Constitution qui nous demande de résister (à tout ordre manifestement illégal) au profit des lois de la République et de notre cahier de charges», avait réagi l’administrateur délégué d’Africell, Me Mbayo.

En fait, la nouvelle grille tarifaire de l’ARPTC se basait sur une étude commandée à la firme sénégalais ESMT sur les coûts de chaque opérateur.

« Ce consultant n’a pas compétence requise pour une telle étude. Déjà, c’est récusable qu’on ait amené une école de formation qui décerne des diplômes pour faire un travail de consulting qui n’est pas dans ses attributions», s’était insurgé Me Mbayo.

Il dénonçait, notamment, la présence, parmi les experts de cette firme, d’un ancien employé d’ Airtel (alors Celtel), dont un proche parent était suspecté être « encore employé » dans cette entreprise concurrente.

Dans l’entendement d’Africell, « cette nouvelle tarification élimine toute possibilité du consommateur de choisir son opérateur en fonction de son pouvoir d’achat ».

L’ARPTC au banc des accusés

L’affaire avait été portée devant la Haute Cour de Kinshasa en 2013 pour contraindre le régulateur à « cesser toute ingérence dans la fixation des coûts des produits de télécommunications ».

« Réglementer les principes de tarification ne signifie en aucune façon fixer des prix. Le régulateur a le devoir de mettre en place des mécanismes techniques et commerciaux qui serviront d’appui aux opérateurs », avqit déclaré la Haute Cour de Kinshasa.

Malheureusement, ont déploré plus tard les opérateurs de la téléphonie mobile, « l’ARPTC a continué d’ignorer la décision du tribunal et insiste pour que ces prix soient respectés et ses instructions sur l’interconnexion suivies ».

Non respect du prix « plancher »

En février 2014, le non respect du prix « plancher » à appliquer dans le secteur des télécommunications avait amené Orange/RDC et Africell S.A à recourir à l’arbitrage de l’ARPTC.

Dans une correspondance adressée au président du Collège des conseillers de l’ARPTC, le directeur général d’Orange avait accusé Africell d’être « l’unique opérateur implanté en RDC qui foule aux pieds le prix +plancher+ tel que fixé par la décision n°068/ARPTC/CLG/2013, portant encadrement des tarifs de détail voix applicables par les exploitants des réseaux et services des télécommunications ouverts au public en RDC ».

«Compte tenu de l’épineuse question relative au respect du prix plancher fixé par le régulateur qui présente le cœur des préoccupations des opérateurs du secteur des télécommunications depuis un mois, Orange RDC a décidé de recourir aux services d’un agent assermenté du pouvoir judiciaire afin qu’il dresse un procès-verbal de constat des prix pratiqués par l’opérateur Africell», avait affirmé Jean-Léon Bonnechère.

«A titre de rappel, à ce jour, Orange RDC, Vodacom, Airtel et Tigo appliquent le prix plancher tel que fixé par l’ARPTC. Seul Africell continue de violer impunément la réglementation en la matière », avait-il précisé.

Un responsable d’Africel avait vivement réagi :« C e sont des affirmations gratuites car, les utilisateurs et abonnés à tous ces réseaux sont certainement mieux placés pour apprécier leurs trivialités. Les abonnés de tous ces opérateurs paient moins que ce que Bonnechère affirme. Il suffit de prêter attention à la publicité des opérateurs des télécoms qui inondent les médias locaux pour se rendre compte des offres hors norme qu’ils proposent, une flagrance avérée ».

Des experts interrogés par la presse à ce sujet avaient relevé qu’« en République démocratique du Congo, aucun opérateur des télécoms n’applique le fameux prix +plancher+ ».

Certains avaient fait remarquer que, « sur le terrain, tous les opérateurs des télécoms opérant en RDC appliquent des tarifs qui sont de très loin inférieurs à ceux appliqués par l’opérateur incriminé ».

Le prix d’un appel à la minute est passé du simple au double en 2010

En décembre 2010, l'ARPTC avait interdit l'application par les compagnies de la téléphonie mobile des tarifs promotionnels, en doublant le prix d’un appel à la minute.

Ainsi, un appel téléphonique de Vodacom à Vodacom était passé de 100 à 200 francs congolais la minute tandis que celui de Zain (aujourd’hui Airtel) montait de 150 FC à 100 FC.

Tigo, dont les appels intraréseau coûtaient 100 FC pour 3 minutes, avait également réajusté sa grille dans le sens de la hausse, en gardant le même prix tout en réduisant au tiers le temps initial.

La situation était naturellement loin d’arranger la clientèle de ces sociétés, en commençant par les tenanciers des cabines publique qui redoutaient un manque à gagner à l’approche des festivités de fin d’année.

« Ce changement a un impact sur le social, on ne sait plus parler librement en temps réel. On a maintenant des difficultés alors qu’on était habitué à causer pendant longtemps », avait commenté un Kinois.

Les prix « plafond » sur les services réglementés du monopole

Aux termes de la régulation des prix plafonds, les prix des services de monopole sont sujets à un maximum qu’ils ne peuvent pas dépasser (maximum indexé sur l’inflation et l’accroissement prévu de la productivité).

Les experts soutiennent que « la régulation relative aux prix plafonds comporte un certain nombre d’avantages poussant notamment l’entreprise de télécommunications à être plus efficace. Elle décourage également la pratique consistant à déplacer les coûts de l’activité concurrentielle vers l’activité de monopole ».

« Car, expliquent-ils, si le prix du service du monopole a un plafond ne pouvant pas être dépassé, il n’existe aucune incitation à déplacer les coûts du service concurrentiel vers le service de monopole ».

A leur avis, « dans un contexte marqué par un changement rapide, un marché concurrentiel tirera profit du potentiel qu’offre le secteur des télécommunications pour répondre aux besoins économiques et sociaux de tous les citoyen ».