Assurément l’UDPS restera dans les annales de la République comme un parti des rendez-vous manqués. Alors que tous les partis de l’Opposition ont dégagé un consensus pour boycotter le processus électoral, le conditionnant notamment à une enquête préalable sur le charnier de Maluku, l’UDPS, par la bouche de Félix Tshilombo Tshisekedi, vient d’annoncer qu’elle participera aux élections provinciales et locales. C’est à croire que l’UDPS n’a pas appris de ses erreurs récentes. En début de cette année, elle avait déjà manqué une occasion de se taire.
Tout le monde a en mémoire, qu’en janvier dernier, alors que toute l’opposition avait appelé le peuple à faire échec à la nouvelle loi électorale, l’UDPS contre toute attente, s’était désolidarisée de ce mouvement populaire. Sa position confortait celle du pouvoir. Qui d’ailleurs la faisait passer en boucle sur toutes les chaînes de son obédience pour démobiliser la population. Hélas pour l’UDPS, elle fut désavouée par le peuple qui descendit massivement dans la rue au prix de son sang. Le désaveu fut tellement cinglant qu’il consacra la rup¬ture entre ce parti historique et le peuple dont l’UDPS se croyait propriétaire. Au lieu d’apprendre de ses fiascos, l’UDPS, conduit, en l’absence d’Etienne Tshisekedi, par son actuel véritable patron, Félix Tshisekedi Tshilombo surnommé « maman a dit » par un article de Jeune Afrique, continue à s’entêter dans une démarche unilatéraliste pour se singulariser avec les autres forces poli¬tiques de l’Opposition. Alors que l’heure est à l’unité de l’Opposition où les principales formations ont décrété le boycott des élections municipales et locales tant qu’une enquête indépendante et internationale sur le charnier de Maluku ne sera pas diligentée.
Autre condi¬tion posée par l’opposition : la révision du calendrier
électoral. C’était sans compter avec l’UDPS qui a décidé de briser cette harmonie de l’Opposition. Félix Tshisekedi, en tournée au Nord-Kivu, a annoncé que l’UDPS participera aux élections provinciales et locales. Comme en janvier, les médias pro-pouvoir, ne se sont pas fait priés pour en faire un large écho. C’est à Goma que Félix Tshisekedi a fait cette annonce en début de semaine. Encore une fois l’UDPS s’isole des autres formations de l’opposition. Plus grave l’UDPS ne motive même pas sa participation à ces élections. Qu’a-t-elle à dire sur le climat délétère qui prévaut à la veille de ses élections : violations massives des droits humains, découpage territorial sans consensus, pas d’enrôlement des nouveaux majeurs, audit du fichier électoral, médias publics confisqués, médias privés fermés et opacité du budget de la Ceni (commis¬sion électorale nationale in¬dépendante). Mais à la présidentielle l’UDPS pose un préalable quand même ce¬lui de son fameux dialogue. C’est à ne rien y comprendre. La position de l’UDPS est en fait celle de Félix Tshisekedi, le nouveau potentat de l’UDPS qui impose sa volonté, a évidemment fait le bonheur du pouvoir. La position de Félix Tshisekedi n’est cependant pas partagée par tous les cadres de son parti. Le premier à s’être désolidarisé avec lui c’est Bruno Mavungu, le Secrétaire général de l’UDPS qui dit que les préalables posées par l’UDPS pour participer au processus électoral valent pour toutes les élections y compris les provinciales et les locales. Même si Félix Tshisekedi maintient sa position pro-pouvoir, mais avec quel parti ira-t-il à ses élections à lui. L’UDPS avec Etienne Tshisekedi à sa tête, n’a pas su aligner des candidatures à la députation nationale dans toutes les circonscriptions en 2011.
Sur les 500 postes à pourvoir, l’UDPS n’a atteint pénible¬ment que 380 candidatures. Fauchés et mal préparés ces candidats n’ont fait que de la figuration à cette compé¬tition. L’UDPS n’était pas un sésame qui ouvrait toutes les portes même à des illustres inconnus qui n’ont pas battu campagne. Une illusion qui s’est fracassée devant les réalités du terrain. L’UDPS d’aujourd’hui est encore mal organisée que celui de 2011. Ce parti est tout aussi dés¬argenté car personne ne veut contribuer à cause de l’absence d’une ligne poli¬tique claire mais aussi à cause d’une mauvaise gestion des finances. L’UDPS malgré tous les dons qu’elle a reçus au cours de son ex¬istence n’a toujours pas de siège social. C’est une des résidences d’Alexis Mutanda qui fait office de siège. L’une des faiblesses de l’UDPS c’est aussi son appareil adminis¬tratif. Le parti malgré qu’il a un leader charismatique (Etienne Tshisekedi), malgré qu’il a une base populaire solide, n’a pas su fabriquer une organisation forte pour capitaliser son avantage politique. Aujourd’hui cette situation s’est empirée avec la maladie de Tshisekedi, les querelles, et la personnalité clivante de Félix Tshilombo. Alors que sa maman, Marthe Kasalu, gère la disparition de son père à son profit, Félix Tshisekedi s’emploie à écart¬er ses rivaux pour s’assurer une succession paisible. A l’UDPS ce n’est plus le peu¬ple d’abord mais les enfants d’abord. Mais que fera-t-il du parti lui dont les posi¬tions s’emboitent parfaite¬ment avec celles du pouvoir. Il tient un discours le jour et un autre la nuit. Tenez, al¬ors qu’il condamnait la par¬ticipation des élus UDPS à l’Assemblée, lui-même con¬tinuait de percevoir en se¬cret les émoluments. Tout comme sa tante Eugénie Tshika. Le pouvoir continuait à lui verser ses émoluments alors qu’il ne siégeait pas au Parlement. Avec cette fa¬veur le pouvoir espérait que Félix Tshisekedi allait ac¬cepter de prendre le poste de l’UDPS au Bureau de la Ceni. Poste qu’il était prêt a accepté d’ailleurs. Après avoir fait planer le doute, Félix a finalement renoncé sous la pression de son père à occuper le poste que le ré¬gime lui proposait. Morale¬ment il n’avait pas le droit de toucher de l’argent pour un travail qu’il ne faisait pas. Il s’en est défendu en disant que l’argent perçu servirait à sa base. De l’enfumage pur et simple. Même son illustre père ne croit pas en lui. Une anecdote rapportée par les jeunes turcs Tshisekedistes réunis autour du sphinx en 2010 en dit long sur l’opinion qu’a le père du fils. A cette réunion, un jeune cadre de l’UDPS avait évoqué le nom de Félix pour l’associer à un travail, Tshisekedi l’arrêta net en disant que Félix est en boîte de nuit et qu’il ne fallait pas compter sur lui rapporte un témoin présent. Enfer¬mée dans son unilatéral¬isme, l’UDPS de Félix n’a rien appris du camouflet de jan¬vier. Elle devient l’allié sub¬jectif ou objectif du régime. Le peuple lui, a déjà compris de quel côté se trouvent ses intérêts. Elle les défendra avec ou sans l’UDPS. Car la peuple n’appartient à per¬sonne. La tournée de Félix Tshisekedi est là pour le dé¬montrer, il ne draine pas des foules. Félix multiplie en vain des tournées à Kinshasa et à l’intérieur mais la magie ne prend pas. Il n’est pas son père. La population n’est plus dupe. Elle a compris que personne ni aucun par¬ti n’est indispensable pour l’avènement du change¬ment. Surtout pas une per¬sonnalité qui se laisse ma¬nipuler par le régime comme Félix dont l’habitude est de fragiliser l’opposition par son unilatéralisme qui d’ailleurs a échoué à déraciner Mobu¬tu. Laurent Désiré Kabila l’a fait à sa place. A cette allure, l’histoire risque de se répé¬ter en 2016. Une alternance sans UDPS.
MATTHIEU KEPA