(Lematin.ch) Ce que fait Médecins sans Frontières au Liban.
L’an dernier, l’ONG a donné pas moins de 260 000 consultations concernant la santé primaire dans le pays. Elle s’adresse aux communautés vulnérables, comme les réfugiés syriens et palestiniens, ainsi que les Libanais, de plus en plus fragilisés.
L’organisation cible en particulier les enfants et les femmes (avec des soins pré- et postnataux). Les infections respiratoires ont également beaucoup augmenté parmi les populations réfugiées. C’est la conséquence de plusieurs facteurs: l’hiver rigoureux, les abris de fortune où il gèle parfois, un accès à l’eau et à l’hygiène limité, ou encore des carences alimentaires. Les programmes de MSF viennent en complément des structures existantes, bien souvent privatisées et saturées.
Une poignée de main ferme. Quelques paroles distillées en arabe, après un coup de fil en anglais. Dans son bureau de Médecins sans frontières (MSF), Christina Tschopp est comme un poisson dans l’eau. Pourtant, la coordinatrice de 33 ans qui a grandi à Commugny (VD), près de Coppet, est à des milliers de kilomètres de chez elle et de son ancien univers professionnel. Après avoir œuvré dans la gestion de fortune à UBS, à Genève, pendant dix ans, elle est arrivée en août dernier à Baalbek, ville à l’est du Liban connue autant pour ses vestiges romains que pour être le berceau du Hezbollah. Comment s’est-elle retrouvée à coordonner les projets d’une organisation humanitaire à un jet de pierre de la frontière syrienne, elle qui présente sa formation initiale comme un «classique suisse»? Une crise de la trentaine? «C’est une reconversion que j’ai construite avec les années. Il ne s’agit pas d’un coup de tête», répond l’intéressée, avec une énergie qui semble être sa marque de fabrique.
Elle débute par la RDC
Son changement radical de carrière commence en réalité six ans plus tôt. Elle commence en parallèle à son activité de banquière un bachelor à la Haute Ecole de gestion. Pas d’idée précise derrière la tête, mais l’envie de s’intéresser à d’autres champs de possibles. C’est pendant cette formation de quatre ans qu’elle rencontre des acteurs de l’humanitaire. «Je me suis rendue compte que ce domaine «matchait» avec mes valeurs», explique-t-elle, en tentant de réprimer les mots qui lui viennent d’abord dans sa langue de travail. A l’issue de son cursus, MSF lui propose une mission en République démocratique du Congo (RDC). Elle liquide son appartement et sa voiture. «Je n’avais plus que des sacs et des cartons», se remémore-t-elle, amusée. Elle part donc se consacrer à la maladie du sommeil, «100% mortelle si aucun traitement n’est pris à temps», précise-t-elle. Là, il n’y a plus aucun doute dans son esprit: «J’avais besoin de partir, de découvrir, de voir autre chose. Aider les autres, c’est aussi quelque chose de très valorisant pour soi. J’avais besoin de m’accomplir. Ce que je ne trouvais pas forcément dans la banque.» Ce premier «challenge» – terme que la jeune femme utilise souvent – lui permet de s’adapter à de nouvelles conditions de vie, à la chaleur, à la nourriture… Une fois rodée, elle partira pour le Soudan du Sud, puis l’Irak et encore une fois la RDC. Existe-t-il un fil rouge entre les missions qu’elle accepte? Elle réfléchit. A-t-elle déjà refusé une destination? Elle rit. «Non, je vais là où sont les besoins. Je n’ai pas de critères géographiques. J’ai envie de découvrir, tout en fortifiant mes compétences.»
«Voir, ce n’est pas pareil»
Aujourd’hui, depuis Baalbek, elle officie donc en tant que coordinatrice terrain pour toute la plaine de la Bekaa. Elle est responsable de la sécurité et de l’opérationnel des projets dans cette zone qui regroupe plus de 400 000 réfugiés syriens. Elle y a surtout découvert l’ampleur de la crise qui entame sa cinquième année. «Quand on en entend parler et quand on voit, ce n’est pas pareil. Voir ces gens qui vivent partout dans les champs, dans des conditions déplorables, ça me touche.» En avril, Christina Tschopp retrouvera la Suisse. Elle ne sait pas si elle fera de l’humanitaire toute sa vie. «Nous voyons beaucoup de choses», dit-elle simplement. Une chose est certaine, elle profitera de sa période de repos avant sa prochaine mission. «Quand maintenant j’entre à la Coop ou à la Migros, je me dis: «Waouh! C’est incroyable le choix qu’on a!» Je ne veux pas oublier d’où je viens et cette vie-là.» Quant à sa famille, elle a compris et soutenu sa réorientation, mais elle évite de regarder les informations qui parlent de son pays d’affectation (Le Matin)