Le Projet d’Application des Droits Civils et Politiques (PAD-CIPO) de l’Institut de Recherche en Droits Humains (IRDH) a procédé à une recherche webographique des avantages et inconvénients du vote électronique auquel le Président Joseph Kabila a fait allusion, lors de son discours à la nation du 14 décembre 2015. [1]
L’IRDH se fonde essentiellement sur l’étude comparative du vote électronique [2] publiée le 13 juin 2014, par Elections Canada, [3] l’organe canadien de gestion des élections, qui dénombre des difficultés auxquelles sont confrontés les pays qui expérimentent le vote électronique.
C’est quoi le vote électronique?
En pratique, le vote électronique consiste à (i) voter à distance par un ordinateur connecté à l’internet, (ii) voter par borne Internet (là où existe un terminal Internet comme un centre commercial ou un supermarché), (iii) voter par Internet sur ordinateur d’un bureau de vote, (iv) voter par Internet sur ordinateur d’une circonscription ou (y) voter par un téléphone cellulaire connecté à Internet.
Conditions de faisabilité
Cette option ne devient pratique et accessible que (i) pour les électeurs ayant un ordinateur ou un téléphone cellulaire, et (ii) l’outil informatique doit avoir une connexion Internet. Ce qui suppose deux autres conditions sous- entendues : (i) l’énergie électrique permanente et (ii) savoir manipuler l’outil informatique.
Méthode de vote électronique la plus répandue
La méthode de vote électronique largement utilisée est le vote par Internet dans un bureau de vote, Il est d’application dans les pays où la population maitrise l’outil informatique et le problème de l’électricité est résolu. A ce sujet, l’étude est illustrée par les cas de l’Australie, la Belgique, le Brésil, le Canada, la Finlande, la France, l’Allemagne, l’Inde, l’Irlande, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, l’Espagne, la Suisse, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
Avantages du vote électronique
Outre les avantages liés à la simplification du processus électoral, l’assurance d’une plus grande confidentialité aux personnes vivant avec handicap, ainsi que l’obtention des résultats électoraux plus rapides et plus fiables. Les inconvénients et risques paraissent plus nombreux.
Inconvénients du vote électronique
Les inconvénients sont liés notamment à : (i) la sécurité du vote. Les menaces de virus informatiques et d’attaques de systèmes orchestrées par des pirates inquiètent le plus. La fraude et la coercition (ou achat de votes) font que chaque vote comptabilisé ne reflète plus l’opinion de l’électeur. (ii) Les pannes d’électricité. La distribution de l’énergie électrique doit être permanente. (iii) Les problèmes de connexion Internet, ainsi que les fermetures ou les pannes de serveur. La connexion Internet moins rapide et couteuse rend le vote électronique impossible. (iv) L’éducation électorale demande beaucoup de temps et d’argent, afin de s’assurer que le public est au courant de l’existence du vote électronique et qu’il comprend comment l’utiliser.
Outre les coûts initiaux, très élevés, liés à l’acquisition des appareils et des bornes électroniques, l’étude illustre des préoccupations majeures que rencontrent les pays, cités ci-haut, ayant expérimenté le vote électronique. C’est notamment (i) l’accès limité à l’internet ou la compréhension limitée de certains électeurs, (ii) le vol de trousses de vote ou de cartes d’identité, (iii) la fraude ou l’utilisation, à l’insu de l’électeur, de sa carte d’identité électronique et de ses renseignements personnels, (iv) la difficulté à vérifier l’identité de l’électeur, (v) les pressions sur l’électeur afin qu’il vote d’une certaine façon s’il est en présence d’autres personnes, (vi) le piratage ou virus modifiant les résultats des élections, (vii) des problèmes techniques, erreurs de programmation ou défaillances du serveur, et (viii) des erreurs sur la liste électorale donnant lieu à l’envoi de cartes d’électeurs aux mauvais destinataires.
Par ailleurs, le plus grand problème vient de la privatisation de l’administration électorale à une firme. L’octroi de contrats à des entreprises privées pour la portion électronique des élections mine la confiance du public envers le gouvernement et le processus électoral.
Recommandation
A propos de l’option à lever entre le bulletin à papier et le vote électronique, les deux modalités prévues à l’article 47 de la Loi électorale, [4] l’analyse de l’IRDH conclut que le vote au moyen d’un bulletin à papier est l’unique modalité applicable à la RDC.
En conclusion, le Président de la République, Joseph Kabila, ferait mieux de considérer les difficultés liées à l’usage du vote électronique qui sont très prononcées en RDC et rendent impossible cette option. Par conséquent, il convient d’orienter les efforts et les moyens financiers existants vers le vote avec bulletin à papier, afin de répondre aux délais constitutionnels pour les élections essentielles de 2016 (les présidentielles et législatives).
Pour l’IRDH
Maître Tshiswaka
Masoka Hubert