Les habitants de Beni, dans l'est de la République démocratique du Congo, ont observé lundi une opération "ville morte" pour dénoncer l'inefficacité de l'armée et des autorités après un énième massacre de civils dans la région, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.
"Nous avons décrété une [opération] ville morte [...] jusqu'à nouvel ordre. Nous demandons aux autorités de procéder au changement du commandement des opérations Sukola 1 qui ont failli à leur mission de sécuriser les populations" du territoire de Beni, a déclaré à l'AFP Gilbert Kambale, un des dirigeants de la Société civile de Beni, une ONG locale, joint par téléphone de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu.
L'opération Sukola 1 a été lancée par l'armée congolaise début 2014 contre les rebelles ougandais musulmans des Forces démocratiques alliées (ADF), installés dans l'est du Congo depuis 1995. Elle est dirigée par un proche du président congolais Joseph Kabila, le général Muhindo Akili "Mundos". Les miliciens des ADF sont soupçonnés d'avoir tué plus de 300 civils dans une série de massacres commis depuis octobre dans la région de Beni et dont le dernier a coûté la vie à sept personnes vendredi.
"Nous avons suivi le mot d'ordre de la Société civile et nous n'avons pas ouvert la boutique aujourd'hui", a affirmé à l'AFP Jonas Makembe, propriétaire d'un magasin de vêtements à Beni, importante place commerciale à 250 km au nord de Goma, qui compte environ 500.000 habitants.
"Les autorités n'assurent pas notre sécurité", s'est indigné ce trentenaire, "on nous tue et ils font comme si de rien n'était".
"Il n'y a pas de travail aujourd'hui [...] les enfants n'ont pas étudié. Nous réclamons que les autorités assurent notre sécurité", a également déclaré Robert Matabishi, conducteur de taxi moto.
"Je comprends l'inquiétude de notre population, mais la solution ne sera pas trouvée comme par un coup de baguette magique", a déclaré à l'AFP, le maire par intérim de Beni, Mme Angèle Nyirabitaro invitant les habitants à "faire confiance" aux autorités.
La sécurité dans le nord du Nord-Kivu, où se trouve Beni, s'est fortement dégradée depuis le début du mois. Le 5 mai deux Casques bleus de la Mission de l'ONU au Congo (Monusco) et deux civils ont été tués dans une embuscade; la veille un hélicoptère de l'ONU avait été obligé d'atterrir en urgence après avoir essuyé des tirs.
En décembre, une opération conjointe de l'armée congolaise et de la Monusco avait contribué à ramener le calme dans la zone mais les massacres de civils n'ont pas jamais totalement cessé. Cette opération a fait les frais de la brouille entre la Monusco et les autorités de Kinshasa, qui n'entretiennent pratiquement plus de coopération militaire depuis quelques mois.