En parcourant la feuille de route sur les objectifs assignés au dialogue, il est écrit ce qui suit, je cite: « Le dialogue proprement dit a pour but principal la réunion des parties prenantes congolaises, afin de réfléchir, d’échanger et de débattre en toute liberté et sans contraintes, des voies et moyens de l’organisation des élections crédibles, transparentes, apaisées et inclusives en République Démocratique du Congo, dans le respect de la Constitution et
conformément aux autres textes et instruments nationaux et internationaux pertinents ».
Ce qui frappe dans cette citation est que toutes les parties prenantes congolaises au dialogue s’engagent à réfléchir à échanger et à débattre des voies et moyens de l’organisation des élections dans le respect de la Constitution.
• Comme tout le monde prend l’engagement de respecter et de faire
respecter la Constitution, je trouve important de rappeler au peuple
congolais et aux participants au dialogue, les principaux principes
qui se dégagent de la Constitution du 18 Février 2006 en matière de
l’organisation des élections crédibles, transparentes, apaisées et
inclusives dans notre pays. Pour moi, ces principaux principes sont
les suivants:
1. L’acquisition d’un mandat et d’une légitimité politique s’obtient
du seul peuple, à l’issue d’une élection libre, pluraliste,
démocratique, transparente et crédible;
2. Le mandat et la légitimité ainsi obtenus du peuple ont une durée de
cinq ans;
3. Les élections en vue de renouveler les mandats politiques doivent
être convoquées et organisées avant l’expiration de la durée de cinq
ans. C’est dire que le recours à une pratique appelée « GLISSEMENT»
d’un mandat politique, .permettant à un opérateur politique de
continuer à exercer les fonctions issues de son ancien mandat arrivé à
expiration, n’est ni prévue ni autorisée par la Constitution.
4. Les animateurs au sein des institutions politiques sont rééligibles
plusieurs fois, sauf pour le Président de la République élu lui aussi
pour un mandat de cinq ans, mais renouvelable une seule fois (article
70 alinéa 1).
Concernant le Président de la République, son élection est soumise à
un certain nombre des dispositions contenues dans la Constitution. Ces
dispositions constitutionnelles sont les suivantes:
a. Le scrutin pour l’élection du Président de la République doit être
convoqué par la Commission Electorale Nationale Indépendante,
quatre-vingt-dix jours avant l’expiration du mandat du Président en
exercice. (Article 73)
b. Le Président de la République élu entre en fonction dans les dix
jours qui suivent la proclamation des résultats définitifs de
l’élection présidentielle. (Article 74 alinéa 1). Avant son entrée en
fonction, le Président de la République prête, devant la Cour
Constitutionnelle le serment dont la formulation est fixée par
l’article 74 alinéa 2.
c. A la fin de son mandant, le Président de la République reste en
fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu
(Article 70 alinéa 2). A ce sujet, j’émets le commentaire suivant:
(Malgré que son mandat soit arrivé à l’expiration, l’ancien Président
de la République en place ne peut pas abandonner son poste et s’en
aller. Il doit rester en fonction jusqu’à ce que son successeur déjà
élu et déjà assermenté devant la Cour Constitutionnelle, vienne le
rejoindre pour procéder à la remise et reprise. Il faut donc accepter
que le Président de la République actuellement en fonction garde
toutes les prérogatives constitutionnelles liées à son statut jusqu’à
la fin de son mandat intervenant le 19 décembre 2016 dans l’attente
d’un successeur avec qu’il fera la remise-reprise.
* QUE VA-T-IL SE PASSER SI LA CENI N’ORGANISE PAS DES ELECTIONS AVANT
LA FIN DE CETTE ANNEE ELECTORALE 2016?
La réponse à cette question est qu’en l’absence des élections dans le
délai constitutionnel, il n’y aura à la fin de cette législature, ni
un nouveau Président de la République élu, ni des députés nationaux
élus, ni des députés provinciaux élus, ni de nouveaux sénateurs élus,
ni des nouveaux gouverneurs de provinces élus. Toutes les institutions
et tous les animateurs actuellement en place seront dépourvus de toute
légitimité issue du peuple, qui d’ailleurs sera en droit de ne plus se
reconnaître en eux.
Cette absence des élections déclenchera une CONTESTATION GENERALISEE
DE LEGITIMITE des anciennes institutions et de leurs anciens
animateurs. Pareille contestation de la légitimité des institutions et
de leurs animateurs va rapidement provoquer une grave crise politique
susceptible non seulement de mettre en péril l’existence même de
l’Etat, l’intégrité territoriale et la paix chèrement acquise après
des multiples guerres meurtrières, mais aussi de faire de la
République Démocratique du Congo un terrain attractif de choix pour
des nombreuses forces armées négatives qui aujourd’hui sèment la mort
et la désolation dans le monde .
• QUE FAIRE FACE A UN TEL AVENIR SOMBRE POUR NOTRE PAYS?
La démarche pour empêcher que la République Démocratique du Congo
sombre dans un profond abîme d’où elle pourra difficilement sortir ne
consiste pas à un partage équitable et équilibré entre les acteurs
politiques dépourvus de toute légitimité, au mépris du peuple qu’on a
empêché de se choisir souverainement ses dirigeants.
La démarche la plus efficace pour prévenir les guerres civiles, les
émeutes et les massacres des populations innocentes est le DIALOGUE,
la rencontre entre les délégués de toutes les forces vives de la.
Nation dans un climat apaisé, pour examiner les conséquences négatives
du vide politique et institutionnel créé par la non organisation des
élections prévues par la Constitution et pour trouver une SOLUTION
POLITIQUE NEGOCIEE, susceptible de garantir au peuple meurtri une
gestion pacifique de son pays, même en l’absence des élections. Cette
solution politique négociée consistera en l’adoption consensuelle d’un
SCHEMA EXTRA CONSTITUTIONNEL permettant la mise ,en place des
structures intermédiaires avec leurs animateurs pour gérer le pays
pendant la période intermédiaire qui va de la fin de la deuxième
législature actuelle à l’organisation prochaine des élections à
l’issue desquelles le peuple pourra enfin mettre en place des
nouvelles institutions et leurs animateurs. Pendant cette période
intermédiaire, certaines dispositions particulières devraient être
adoptées, mais elles ne pourront heurter les grandes options
démocratiques contenues dans la Constitution.
* Ces structures devant gérer le pays pendant la période intermédiaire
de douze mois seraient les suivantes:
1. Une Assemblée législative intermédiaire
Cette Assemblée législative comporterait les délégués au dialogue, les
anciens députés nationaux de la deuxième législature, de la troisième
République et les anciens sénateurs et serait compétente pour
légiférer pendant la période intermédiaire. Toutes les décisions de
cette Assemblée seraient prise par consensus;
II. Une deuxième structure de cette période intermédiaire sera le
Président de la République. Celui-ci serait consensuellement choisi
par les membres de l’Assemblée législative sur proposition de la
majorité présidentielle actuelle;
III. Une troisième structure de cette même période serait le
Gouvernement intérimaire dont le Premier Ministre serait
consensuellement choisi par cette même Assemblée législative, sur
proposition de l’Opposition politique actuelle.
Dans ces désignations consensuelles, l’on devra veiller à ce que les
dirigeants des futures structures intermédiaires n’aient pas une même
coloration politique et une même origine géopolitique.
Le Premier Ministre, dans la formation du Gouvernement intermédiaire,
devrait veiller à ce que chacune des 26 provinces y soit représentée.
En attendant la mise en place de nouvelles institutions provinciales
et leurs animateurs, les provinces actuelles seraient dirigées,
pendant la période intermédiaire, par des hauts fonctionnaires de
l’administration publique désignés par le Gouvernement. Il serait
souhaitable que ces hauts fonctionnaires ne soient pas originaires des
provinces qu’ils auront à administrer.
• 1. Les délégués au dialogue devraient convenir que toute procédure
visant à : Opérer la révision de la Constitution du 18 février 2006
soit strictement interdite avant la fin de la législation actuelle et
pendant la future période intermédiaire;
2. Ils devraient également reconnaître que les recommandations issues
du dialogue ne soient mises en application qu’après le 19 décembre
2016 du fait que le Président de la République en fonction exerce
avant cette date, la plénitude des prérogatives lui reconnues par la
Constitution comme Président déclaré élu le 19 décembre 2011 ;
3. L’alternance politique ne s’effectue pas à l’issue des
conciliabules entre les acteurs politiques, mais elle s’opère par le
peuple souverain à l’issue des élections libres, démocratiques et
apaisées;
4. La responsabilité sur les massacres des millions des compatriotes
au cours des guerres et des émeutes qui se sont déroulées à l’Est du
pays n’étant pas encore établie, je demande aux acteurs politiques de
tous bords de s’abstenir d’ajouter d’autres massacres des populations
innocentes en recourant à la violence comme mode d’accession au
pouvoir et à la répression aveugle et disproportionnée comme mode de
préservation du pouvoir;
5. Vu la modicité des ressources financières dans le pays et la
nécessité de consacrer la majorité de ces ressources à l’organisation
des élections, je propose que les membres de l’Assemblée législative
intermédiaire ne reçoivent pas une indemnité mensuelle, mais
uniquement les tickets aller-retour pour leurs réunions et un per diem
pendant la durée de ces réunions;
6. Mes prises de position n’ont pas pour but l’obtention d’une
quelconque rétribution. Mon but est de sauver du chaos qui le menace,
mon pays que j’ai toujours servi avec loyauté et efficacité dans
toutes les fonctions que j’ai eu à exercer pendant mes cinquante-trois
années de carrière politique.
Que Dieu et nos ancêtres veillent sur notre beau et grand pays.
« Une Nation, Un Congo»
Fait à Kinshasa, le 1er septembre 2016
N’SINGA UDJUU ONGWAKEBI UNTUBE
Premier Ministre honoraire
Président du Conseil Judiciaire
honoraire