Kä Mana : « Les hommes font l’histoire en inventant les mythes et les mythes font les hommes en inventant l’histoire »

Mercredi 25 février 2015 - 08:09

Le professeur congolais Kä Mana vient de publier un nouvel ouvrage intitulé « (Re) découvrir les mythes, Développer le pouvoir créateur des sociétés africaines », publié par « Pole Institute ».

« Les hommes font l’Histoire en inventant les mythes. Les mythes font les hommes en inventant l’histoire. Ainsi naissent les récits-forces et les narrations-puissances qui sont les moteurs de la destinée humaine », affirme Kä Mana en ouvrant son nouveau livre consacré abondamment à « la révolution de l’imaginaire » pour changer l’Afrique et créer un « nouvel homme africain ».

Dans cette nouvelle publication faisant suite à une série d’une quarantaine d’ouvrages, il indique l’un des remèdes essentiels à même de guérir la crise de l’imaginaire, en l’occurrence « la (re)découverte des mythes et l’invention des nouveaux récits-forces pour booster le mental et l’esprit créateur dans la société ».

Vivre des grands rêves

Kä Mana est d’avis que « les grandes civilisations vivent des grands rêves, de fortes ambitions et des solides représentations d’elles-mêmes qu’elles diffusent dans ce qu’elles racontent concernant leur histoire ».

« Elles créent ainsi une conscience historique qu’elles nourrissent de valeurs et de vertus. En se racontant, elles s’inventent dans les conflits qui les constituent et qu’elles dépassent par le type d’homme et de personnalité dont elles proposent la figure aux jeunes générations », affirme-t-il.

C’est le cas, par exemple, des civilisations gréco-romaines que l’on ne peut pas comprendre sans lire « les narrations-puissances comme l’Iliade et l’Odyssée de Homère, sans invoquer les figures comme celles d’Ulysse, d’Œdipe, de Thésée, de Dédale, d’Achille, d’Hector, d’Antigone, de Pasiphaé et de grandes divinités comme Zeus, Apollon ou Athéna ».

Pour le philosophe originaire de la République démocratique du Congo (RDC), les « récits-forces » de la Bible ont forgé des civilisations de la puissance créatrice dont le peuple juif est l’image tutélaire dans le monde actuel.

« Ce qui fait ces civilisations, c’est qu’elles se structurent sur leurs mythes pour créer une conscience fertile et une foi en elles-mêmes qui les transforment en forces d’invention de l’avenir par la maîtrise du présent », explique-t-il.

Créer une nouvelle destinée

Kä Mana pense que « les sociétés africaines ont actuellement besoin d’une même dynamique de conscience et de foi pour créer une nouvelle destinée : la destinée de grandeur, de puissance, de prospérité, d’émergence et de développement durable ».

Toutefois, souligne-t-il, cela demande « un imaginaire créateur que l’on doit nourrir et fertiliser par des récits-forces et des narrations-puissances, pour la construction d’une société des valeurs et des vertus d’engagement pour une nouvelle Afrique ».

Le philosophe congolais propose certains de ces mythes qu’il puise dans l’œuvre d’Amadou Hampaté Ba. Il appelle les intelligences et les imaginations africaines à en proposer d’autres et en créer de nouveaux, depuis les sources historiques de la culture et de la civilisation africaines dans l’Egypte antique jusqu’aux « dynamiques actuelles de l’afrocentrisme et de l’afroptimisme ».

Il soutient que, « pour développer le pouvoir créateur des sociétés africaines, la création d’un nouvel imaginaire est indispensable : un travail de dé-formatage de l’homme africain dans sa posture d’impuissance, d’infécondité et de pessimisme en vue d’un re-formatage et d’un pro-formatage d’un nouvel homme africain ».

Ce qui fait la force du nouveau livre de Kä Mana, c’est la mise en relief de la culture, de la conscience historique et de l’enracinement dans les mythes fondateurs de l’humain pour rendre l’Afrique actuelle sensible aux nouveaux engagements qu’elle doit prendre face à son destin qui est grand.

La crise de l’imaginaire

Dans toute son œuvre sur « la révolution de l’imaginaire » pour changer l’Afrique et créer un « nouvel homme africain », Kä Mana décortique les maladies de l’Afrique dont le cœur est ce qu’il nomme « la crise de l’imaginaire ».
Il s’agit des représentations, des visions et des images viciées qui fragilisent l’homme africain en développant en lui « un rapport traumatique à son passé », une « perception pessimiste » de son présent et une « relation inféconde » à l’avenir du continent.

Il s’avère donc très nécessaire de lire les quatre précédents ouvrages de Kä Mana pour s’imprégner de ces idées : L’Afrique, notre projet (Yaoundé, Editions Terroirs, 2010), La République Démocratique du Congo est à inventer (Kinshasa, Le Potentiel, 2009), Il y a urgence (Kinshasa, Editions Universitaires Africaines, 2011) et Changer la République Démocratique du Congo (Bafoussam, CIPCRE, 2012).

Par ailleurs, l’auteur recommande vivement « (Re)découvrir les mythes » aux nouvelles générations, un ouvrage qui annonce la sortie d’autres publications en chantier, sur les héros et les figures du Congo pour construire un nouvel esprit pour le renouveau de la nation.

 

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