Ni Joseph Kabila ni Dauphin : Les derniers moments d’une plateforme politique

Jeudi 2 avril 2015 - 10:14

Que le président Joseph Kabila soit disqualifié constitutionnellement pour se représenter en 2016 et briguer un troisième mandat, c’est là l’évidence à laquelle le chef de l’Etat lui-même, les caciques du PPRD et les alliés de la « mouvance présidentielle » se rendent dans leur for intérieur, bien que la mort dans l’âme. Une réalité cruelle qui tourmente les consciences. Il y a de quoi après avoir tant remué ciel et terre, imaginé et actionné toutes sortes de manœuvres, et brûlé les dernières cartouches, sans venir à bout des forces internes et externes farouchement liguées contre un système décadent. Mais s’ils tiennent réellement à ce que leur plateforme survive à l’autorité morale, et s’ils savent qu’ils ont une idéologie et un programme valables à défendre, ils ont la possibilité de se rabattre sur un élément de rechange à choisir parmi eux. Le dernier conciliabule tenu à Kingakati au début de la semaine écoulée était une occasion pour eux, en présence de leur chef en personne, d’agiter et de résoudre cette question. Il semble qu’ils n’étaient pas tous disposés à accorder leurs violons là-dessus.

Le chef lui-même qui aurait pu briser la glace et calmer le jeu, s’est aussitôt dérobé après avoir fait acte de présence à l’ouverture de la réunion. C’est lui qui aurait pu désigner son alter ego à l’attention de tous les leaders des partis membres de l’alliance. Il n’en est rien, laissant tout le monde dans l’angoisse, le désespoir et l’incertitude.

Pour l’élection présidentielle 2016, Joseph Kabila hors course ne daignant pas de prononcer clairement sur la désignation du dauphin, la plateforme “ Mouvance présidentielle “ est dans l’embarras ; ne sachant pas comment trouver consensuellement le mouton à cinq pattes à aligner pour faire face à l’opposition. Il y en a dans cette plateforme qui prêterait au, chef de l’Etat l’intention d’imposer un candidat qui serait de la province du Katanga, chose qu’il serait très difficile de leur faire avaler. On parle de sept partis politiques alliés de poids, dont les leaders comptent parmi des personnages marquants de la scène politique depuis la 1Ième République de Mobutu, qui sont déterminés à s’affranchir des attitudes moutonnières instaurées et maintenues au sein de la MP. Ils sont à l’avant-garde de la fronde aux réunions de Kingakati.

Evanouissement d’une plateforme

Ils brillent tous par la vivacité d’intelligence, par une argumentation solide, raisonnable et inattaquable dans leur apologie du respect de la constitution et de l’alternance démocratique découlant d’une juste redistribution des cartes, sans biaiser sur les règles du jeu. Ils ne trouvent pas de contradicteurs sérieux, honnêtes et intelligents, mais plutôt une clique de courtisans et d’adulateurs serviles qui les conspuent, les vilipendent, les dénigrent et les injurient, sans être capables de détruire leurs arguments ni de fournir des raisons selon lesquelles ils estiment que le président Joseph Kabila peut se représenter et briguer un troisième mandat. Pour une plateforme déchirée, disloquée, désagrégée, devenue un panier de crabes, l’idée de trouver un candidat entouré de tous les partis alliés demeure en tout cas tout à fait chimérique. Les cartes risquent d’être brouillées davantage pour embarrasser le PPRD, plusieurs partis se réservant le droit d’aligner leurs propres candidats à la présidentielle de 2016. Le PALU d’Antoine Gisenga a déjà annoncé la couleur, et il pourrait faire école. L’harmonie, l’esprit de corps, la concorde, le culte de la pensée unique, ont volé en éclats au sein de la mouvance présidentielle.
Composée d’éléments du tout venant, sans affinités idéologiques et dépourvus de règles morales, ayant pour dénominateur commun la possibilité d’aller tous à la soupe, la plateforme est condamnée à s’évanouir, autant que les système distributeur de soupe qui connait aujourd’hui les tribulations et est en butte aux feux croisés de l’intérieur et de l’extérieur. Sentant le vent du boulet, certains leaders des partis membres de la mouvance présidentielle qui ne voudraient pas être emportés par la bourrasque, prennent déjà ouvertement et courageusement leurs distances. Il y a parmi eux d’anciens apparatchiks du régime du maréchal Mobutu, et qui se disent qu’ils vivent aujourd’hui, avec beaucoup d’anxiété, les similitudes étonnantes d’événements dramatiques de derniers moments du règne du MPR. Ce ne sont pas seulement des alliés qui commencent à se tenir à l’écart du système, le vent de sauve qui peut souffle déjà dans les rangs mêmes du PPRD, où se trouvent d’anciens barons mobutistes. La fronde du système se répand comme un principe moral de contagion. Ayant eu lieu dans une “ ambiance aussi délétère, le rendez-vous de Kingakati tenu dernièrement aurait servi à faire le constat des divisions déchirantes, de l’inconciliabilité des positions et de l’incompatibilité des affinités.

Similitudes entre MP-MPR

Le débauchage d’opposants versatiles et vénaux, la persécution systématique d’opposants fermes et radicaux, la corruption érigée à la hauteur d’une institution, la brouille avec la communauté internationale, l’impopularité et le mépris des dirigeants, sont des caractéristiques communes au système d’hier du MPR et celui d’aujourd’hui de la MP. Mais des divisions déchirantes, des reniements et des défections qui affectent la MP n’avaient pas été observés au sein du MPR dans l’ancien système.

D’ailleurs, ce sont des mobutistes alors apparemment inconditionnels qui, rongés par le chômage politique et l’inconfort, se sont convertis en kabilistes pour faire illusion. Ils sont des anti-révisionnistes de la constitution, des frondeurs du système, des partisans de l’alternance démocratique parmi les alliés de la MP. Ce sont des ténors et des personnages marquants de la plateforme qui passent déjà de l’autre côté de la barricade, avant que le navire ne sombre corps et biens. L’expression figurée des rats qui quittent le navire caractérise bien leur démarche prudente. Les observateurs sont d’avis qu’il y a peu de chances que la plateforme survive à cette tempête qui la secoue fortement.

Par Jean N’SAKA wa N’SAKA

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