Paradis fiscaux : Mobutu et les autres…

Vendredi 20 février 2015 - 11:17

Les milieux d’affaires de toute la planète se trouvent dans l’expectative suite au rebondissement des dossiers liés à la fraude ou évasion fiscale et au blanchiment d’argent. Baptisée « SwissLeaks », l’affaire touche principalement des comptes secrets logés à la banque HSBC. Des milliardaires et millionnaires aussi bien Européens, Américains, Asiatiques qu’Africains sont dans le collimateur de la justice suisse.

Selon une étude publiée le 09 février 2015 par plusieurs journaux étrangers, sous la coordination du quotidien « Le Monde », grâce aux données recueillies auprès d’un ancien informaticien de HSBC, un certain Hervé Falciani, des milliards de dollars américains appartenant à plus de 100.000 clients (personnes physiques) et 20.000 personnes morales, y étaient cachés, avec la bénédiction des sociétés écrans ou offshore.
En fait, nombre de riches de tous les continents, mais surtout ceux originaires des Etats fragiles d’Afrique et d’Amérique latine pensent se mettre à l’abri en plaçant leurs avoirs dans des comptes dont le secret est présumé garanti à 100%. Vrai dans le passé, le phénomène des comptes bancaires secrets ou anonymes est en train d’être démystifié. Ainsi donc, nombre de dirigeants africains qui se croient « intouchables » en plaçant leurs fortunes dans des banques situées en Suisse, en France, aux Iles Vierges ou à Hong Kong, finissent toujours par être rattrapés par leurs turpitudes : cas de Mobutu de l’ex-Zaïre, Tshombe de l’Etat indépendant du Katanga, du trio Gizenga-Gbenye-Soumialot de la République Populaire du Congo à Kisangani…

Mobutu et les autres

De son vivant, il se racontait mille et une choses sur la fortune du Maréchal Mobutu Sese Seko, président de l’ex-Zaïre pendant 32 ans. A sa chute en mai 1997, celui que le monde entier décrivait comme un multimilliardaire, en raison des comptes bancaires dont il disposait dans pratiquement toutes les banques occidentales et principalement suisses, était mort comme un paria, au Maroc. Ouverts souvent sous des prête-noms, ses comptes bancaires étaient introuvables. L’un des rares comptes saisi en Suisse à la demande de nouvelles autorités congolaises et restitué plus tard à ses héritiers, affichait à peine trois millions de dollars américains.
Qu’est devenue la prétendue fortune de Mobutu planquée dans des paradis fiscaux ? Nul n’en a connaissance. L’on a plutôt assisté, durant les premières années de sa déchéance comme Chef de l’Etat et de sa mort, au feuilleton des ventes aux enchères de ses châteaux aux quatre coins de l’Europe. Bref, l’homme qui avait clochardisé ses compatriotes pendant 32 ans, en faisant main basse sur les revenus du cuivre, du cobalt, du diamant, de l’or, du pétrole, du bois, des impôts, de la douane ainsi que sur les fonds de la coopération bi et multilatérale, et qui pensait avoir « dribblé » tous ceux qui seraient tentés de l’inquiéter pour son enrichissement illicite, était en fait le grand dindon de la farce. Car, le grand gagnant dans l’affaire, c’est le cartel des vautours rôdant autour des comptes secrets, dont la disparition de l’ordonnateur principal a fermé la porte à toute volonté d’héritage ou de poursuites
judiciaires.
Moïse Tshombe, tout puissant chef de l’Etat sécessionniste du Katanga, avait connu le même revers dans les années ’60. Crédité d’une fortune colossale après son départ en exil, au lendemain de l’arrivée au pouvoir du général Joseph-Désiré Mobutu, il allait perdre toute emprise sur elle après le détournement de son avion vers Alger, son arrestation et sa mise en prison pour une détention à durée indéterminée, qui allait prendre fin avec sa mort en captivité, en 1967. Personne n’a jamais réussi à déverrouiller le puzzle de ses comptes bancaires en Espagne et au Portugal. Combien d’argent ce dirigeant et la République ont-ils perdu ? Tshombe est parti avec ses secrets bancaires dans sa tombe.

Quant au trio Gizenga-Gbenye-Soumialot, qui était à la tête de la République Populaire du Congo en 1964, avec pour capitale Kisangani, l’on avait appris du patriarche Gizenga, qui s’était exprimé à la Conférence Nationale Souveraine (1991-1992), qu’une importante quantité d’or était consignée à la banque centrale du Soudan. Comme condition au rapatriement de cette fortune, les trois « signataires » du document de dépôt auraient instruit les autorités ougandaises d’attendre le retour de l’Etat de droit et d’un gouvernement crédible dans l’ex-Zaïre.
Soumialot et Gbenye ne sont plus de ce monde. L’or du peuple congolais se trouve-t-il encore au frais, à la banque centrale, ou a-t-il pris une destination inconnue avec l’éclatement de ce pays en deux Républiques ? Dans tous les cas, ces exemples montrent combien ceux qui ont géré ce pays dans le passé et ceux d’aujourd’hui sont floués par leurs « parrains » occidentaux, qui leur font croire qu’il est possible de vivre peinard après la perte de l’imperium, en s’appuyant sur des millions ou milliards de dollars inconnus du commun de leurs concitoyens. L’histoire ancienne et récente renseigne que l’argent volé et prétendument mis à l’abri, ne profite jamais aux affameurs de la multitude.
Kimp

 

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