RDC - Ban Ki moon : « J’ai dit aux dirigeants africains : +Ne vous accrochez pas au pouvoir + »

Vendredi 26 février 2016 - 07:55
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Le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon en séjour officiel en République démocratique du Congo (RDC) pour la Conférence internationale de l’investissement du secteur privé dans la région des Grands Lacs, a rappelé mercredi 24 février 2016 à Kinshasa avoir dit aux dirigeants africains : « Ne vous accrochez pas au pouvoir ».
« J’ai dit aux dirigeants africains lors du dernier Sommet de l’Union africaine en janvier dernier : + Ne vous accrochez pas au pouvoir. Ecoutez la voix de vos citoyens, écoutez la voix du peuple, répondez aux problèmes auxquels se heurtent vos populations respectives. Et surtout mettez l’accent sur la bonne gouvernance. Il faut lutter contre la corruption. Il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas d’impunité. Il faut qu’il y ait état de droit, qu’il y ait transparence, qu’il y ait bonne gouvernance+», a-t-il rappelé en conférence de presse.
Il a précisé : « J’ai soulevé cette question. Et je m’adressais aux dirigeants africains. Et cela s’applique à tout le monde. Je l’ai dit parce que j’étais au Sommet de l’Union africaine. Mais, j’aurais pu le dire ailleurs également ».
La Conférence de presse du Secrétaire général Nations Unies était modérée par Félix Prosper Basse, porte-parole de la MONUSCO, Mathias Gillmann, porte-parole associé au bureau du Secrétaire général des Nations Unies à New York, intervenant à partir de Kinshasa.
Le Secrétaire général des Nations Unies était entouré d’Hervé Ladsous, Sous-secrétaire général, Chef du Département du Maintien de la paix ; de Maman Sambo Sidikou, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en RDC. Questions et réponses.
Porte-parole de la MONUSCO [Félix Prosper Basse] :
Bonsoir à tous !
Monsieur le Secrétaire général des Nations Unies, avant d’entamer cette conférence de presse, permettez-moi de saisir l’occasion qui m’est ainsi offerte pour vous souhaiter la bienvenue en RD Congo de même qu’à la délégation qui vous accompagne.
Et à cet effet donc, je vous dis en lingala (et veuillez pardonner ma phonétique) : MBOTE, PE BOYEI MALAMU, NA MBOKA CONGO DEMOCRATIQUE.
Et en swahili : JAMBO, KARIBU KWA INCHI, YA JAMUHURI YA KI DEMOCRATIA YA CONGO, comme disent chaleureusement nos frères et sœurs congolais.
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs, chers invités, chers collègues de la presse, fidèles auditeurs de Radio Okapi qui nous suivent en direct, bonsoir et Bienvenue à cette conférence de presse, organisée à l’occasion de la visite de travail en RD Congo, du Secrétaire général des Nations Unies, monsieur Ban Ki-moon.
C’est donc vous dire en d’autres termes, que ce soir, nous avons le plaisir, le privilège et l’insigne honneur de recevoir un invité de marque qui, dans le cadre du format retenu pour nos échanges de ce jour, nous fera d’abord l’économie des activités menées au cours de cette visite.
Et, ensuite, nous entrerons dans la deuxième phase de cette conférence qui consiste en une séance de questions et réponses, sous la modération de monsieur Mathias Gillmann, porte-parole associé au bureau du Secrétaire général des Nations Unies à New York, qui en fera la conclusion par ailleurs.
Permettez-moi, mesdames, mesdemoiselles et messieurs de rappeler que cette conférence de presse durera 20 minutes et que sont assis à cette table, monsieur Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations Unies, à sa droite, monsieur Hervé Ladsous, Sous-secrétaire général, Chef du Département du Maintien de la paix et à sa gauche, monsieur Maman Sambo Sidikou, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies en RDC.
Pour des questions de commodité liées à des contraintes de temps, je demande à mes confrères de la presse de se limiter à une question, au mieux brève, pour permettre au plus grand nombre d’entre vous d’échanger avec le Secrétaire général.
Je vous remercie.
Monsieur le Secrétaire général, à vous l’honneur !
Secrétaire général des Nations Unies [Ban Ki-moon]:
Mesdames et Messieurs,
J’arrive au terme de ma cinquième visite en République démocratique du Congo (RDC) en tant que Secrétaire général de l’ONU.
Une fois encore, je tiens à remercier les autorités et la population congolaises de leur accueil chaleureux.
La situation en RDC et dans l’ensemble de la région des Grands Lacs reste au premier rang des priorités des Nations Unies.
Nous nous sommes employés à nous acquitter du mieux possible de notre mandat de protection des civils et à promouvoir un dialogue politique ouvert.
La population de la RDC mérite de vivre en paix et en toute sécurité. Je me félicite de l’annonce faite récemment du renouvellement de la coopération entre les Forces armées de la RDC et la MONUSCO dans le cadre de la lutte contre les ADF, les FDLR et d’autres groupes armés.
Hier, je me suis rendu dans un camp pour 15.000 personnes déplacées dans la province du Nord Kivu. Je suis très ému par tout ce que j’ai entendu et ce que j’ai vu. C’est une leçon d’humilité pour moi. En tant que Secrétaire général, je vais à la rencontre des plus vulnérables, des plus fragiles. Je veux être leur avocat, la voix de ceux qui n’en ont pas.
Je pense que nous devons améliorer l’assistance humanitaire. C’est pourquoi je vais organiser le premier Sommet humanitaire mondial à Istanbul, en Turquie, au mois de mai.
Je pense aussi que l’assistance humanitaire et le développement doivent mieux travailler ensemble pour changer la vie des gens que j’ai rencontrés.
Mesdames et messieurs les [représentants] des médias. Aujourd’hui à Kinshasa, j’ai eu l’occasion de rencontrer le Président Kabila. J’ai même rencontré des responsables parlementaires ainsi que des représentants des partis politiques d’opposition et de la société civile.
Je les ai exhortés à s’engager dans un dialogue politique constructif, leur rappelant de placer les intérêts de la population au centre de leurs débats.
Je les ai également appelés à tout mettre en oeuvre afin que les élections soient crédibles, inclusives et conformes à la Constitution, le respect des droits de l’Homme de tous les individus est une condition essentielle à la paix et à la stabilité.
Je suis préoccupé par les restrictions croissantes de l’espace démocratique et en particulier, celles qui sont imposées et aux membres de l’opposition, aux journalistes et aux représentants de la société civile.
La liberté d’expression et d’association et le droit des réunions pacifiques sont indispensables à une vie politique dynamique et à la démocratie.
Mesdames et messieurs, ce matin, j’ai participé à la conférence sur les investissements du secteur privé organisée sous les auspices du bureau de mon Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs.
La RD Congo et la région possèdent un grand potentiel, elles connaissent une croissance économique impressionnante, mais il reste encore à faire pour améliorer les conditions de vie, développer l’emploi des jeunes, promouvoir la croissance pour tous, et ne laisser personne à la traîne.
Si nous parvenons à tirer parti du potentiel du secteur privé, en attirant les investissements dans la région des Grands Lacs, nous enverrons alors un message puissant, chargé d’espoir et de promesses.
Pour cela, le secteur privé doit avoir l’assurance que les investissements ne seront pas menacés par des crises politiques et sécuritaires majeures.
Avant de quitter ce pays, je voudrais rendre hommage à tous mes collègues de l’ONU qui font preuve de développement et de détermination.
L’ONU est les organisations qui lui sont apparentées prennent l’engagement de continuer à oeuvrer pour appuyer les aspirations du peuple congolais à un avenir meilleur et pacifique. Je vous remercie.
Laurette Mandala/ Africa TV : Monsieur Ban Ki-moon, vous avez pris part à l’ouverture de la Conférence sur les investissements du secteur privé dans la région des Grands Lacs, aujourd’hui. Et vous le savez, cette région est encore en proie aux tensions dans certaines de ses parties.
C’est le cas par exemple du Burundi, du Soudan du Sud et de la RD Congo. Et moi, j’aimerais savoir comment les Nations Unies comptent-elles soutenir cette dynamique et la traduire en acte, pour que le peuple de la région des Grands Lacs vive enfin des retombées de ses efforts ?
Et j’aimerais également demander à monsieur le Secrétaire général sur le processus électoral qui est presque bloqué en RDC, et le dialogue semble également grippé, quel est le message que vous avez apporté aux uns et aux autres, pour qu’il y ait ouverture?
Secrétaire général des Nations Unies [Ban Ki-moon]: [concernant] la question qui portait sur le processus électoral en RDC, je suis préoccupé par le retard intervenu dans le cadre du processus électoral et le retard dans le calendrier électoral. Il y a de plus en plus de tensions concernant le troisième mandat du Président Kabila.
J’ai donc encouragé toutes les parties prenantes à convenir d’un calendrier électoral consensuel. Le dialogue national qui a été proposé par le président, si ce dialogue est un dialogue inclusif, un dialogue crédible, et si ce dialogue est conforme à la Constitution, ce dialogue peut véritablement permettre d’apaiser les tensions et partant, de créer un environnement favorable à des élections pacifiques, transparentes et crédibles.
Pour ce qui est des droits de l’Homme, les droits de l’Hommes doivent être respectés à tout moment. Il est également important que les droits fondamentaux, les libertés fondamentales, la liberté de la presse, la liberté d’expression, la liberté de se rassembler, que toutes ces libertés soient respectées pendant la période électorale. Je vous remercie.
Vous avez également posé une autre question concernant la conférence à laquelle j’ai participé ce matin, la conférence sur les investissements du secteur privé dans la région des Grands Lacs, cette conférence constitue une initiative très importante.
La RD Congo a fait des progrès socio-économiques importants. Nous avons pu le constater. Cela étant, il y a des sujets de préoccupation en matière de sécurité et en matière de paix, surtout dans la partie Est du pays. Et je pense que cette conférence a été une conférence particulièrement opportune. Il était important que les dirigeants de la région des Grands Lacs puissent se réunir, et puissent commencer à travailler sur l’Accord-cadre de paix, de sécurité et de coopération.
Et comme je l’ai indiqué ce matin, la RD Congo est un pays qui a des ressources naturelles abondantes, mais il est très important que l’on connaisse la RDC comme étant un pays où, il existe des ressources humaines compétentes et éduquées.
Je pense par conséquent que le fait d’avoir organisé cette conférence pour attirer des investissements étrangers, je pense que cela sera essentiel pour le développement durable de ce pays, et c’est la raison pour laquelle j’ai participé à cette conférence aujourd’hui.
Kelly Nkute/ Radio Okapi : Monsieur le Secrétaire général, vous avez rencontré le chef de l’Etat, la classe politique congolaise, la société civile. Au regard de tous ces entretiens que vous avez eus avec eux, est-ce que vous êtes optimiste quant à un consensus entre Congolais pour aller vers des élections apaisées ?
Et puis je voudrais aussi savoir si vous pensez que les opérations des FARDC soutenues par la MONUSCO, vont effectivement commencer d’ici là ?
Secrétaire général des Nations Unies [Ban Ki-moon] : Je pense que j’ai déjà répondu à la première partie de votre question. Effectivement, j’ai rencontré le président Kabila, le Premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, et pendant nos discussions, j’ai discuté de toutes ces questions. J’ai discuté de la façon dont les Nations Unies et le Gouvernement congolais peuvent travailler ensemble pour promouvoir la paix, la sécurité, les droits de l’Homme et le développement.
Et comme vous l’avez indiqué, j’ai également eu une rencontre les représentants de la société civile, j’ai également eu une rencontre avec les dirigeants des partis de l’opposition, et avec les représentants de la majorité présidentielle.
J’ai écouté les positions des uns et des autres. Et j’ai également transmis toutes ces observations au chef de l’Etat. Il faut qu’il y ait un dialogue consensuel entre toutes les parties prenantes. Et j’ai encouragé le président à entreprendre un dialogue inclusif. Toutes les parties que j’ai rencontrées m’ont indiqué qu’elles souhaitaient participer à un dialogue inclusif. De toutes les façons, il n’y a pas d’autres solutions. La seule solution, c’est le dialogue inclusif.
Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, comme je viens de l’indiquer dans mes propos liminaires, nous nous félicitons de la reprise de la coopération entre les Forces armées congolaises et la MONUSCO.
Nous avons discuté de cette question assez longuement. Nous avons essayé de voir comment est-ce que nous pouvons mieux coordonner, comment est-ce que nous pouvons mieux coopérer, comment est-ce que nous pouvons mieux contribuer, afin de pouvoir répondre aux préoccupations sécuritaires. Nous sommes engagés à continuer à travailler avec le Gouvernement et les Forces [armées] de la République démocratique du Congo.
Steve Wembi/ Agence Chine Nouvelle : Monsieur le Secrétaire Général, la RD Congo est un pays qui a contribué avec les Casques bleus en Centrafrique. Et les jours qui sont passés, les Casques bleus de la RD Congo ont été éjectés de ce pays, de la Mission de l’ONU en Centrafrique, alors qu’il y a d’autres pays, d’autres Casques bleus qui ont été accusés des mêmes faits que les Casques bleus de la RD Congo. Pourquoi ce « deux poids deux mesures »?
Secrétaire général des Nations Unies [Ban Ki-moon] : Nous avons réalisé l’évaluation complète des contingents qui sont déployés dans les différentes missions. Après cette évaluation, nous avons constaté que les troupes de la RD Congo en République Centrafricaine, qu’elles ne respectaient pas les normes nécessaires en matière de matériels, en matière de préparation et dans d’autres domaines également.
Les Nations Unies souhaiteraient remercier la RD Congo pour sa contribution à la paix en République Centrafricaine, dans le cadre de la MISCA et dans le cadre de la MINUSCA. Et nous souhaitons continuer à travailler en étroite collaboration avec l’armée congolaise, afin d’améliorer ses performances, y compris en matière de respect des droits de l’Homme dans le cadre de différentes opérations.
Des progrès ont été réalisés. Beaucoup reste à faire certes, mais je suis convaincu qu’il nous sera possible de continuer à coopérer à l’avenir.
Pour ce qui est de cas de maltraitance et d’abus sexuels impliquant les troupes des Nations Unies, j’ai une politique de tolérance zéro. Et je voudrais que les pays fournisseurs de contingents, respectent pleinement les normes en matière d’obligation traditionnelle. Une norme que nous avons mise en place. Il est essentiel, il est essentiel, que les troupes des Nations Unies respectent les normes les plus élevées en la matière. Je vous remercie.
Mathy Musau/ Forum des As : Monsieur Ban Ki-moon, vous avez évoqué tout à l’heure l’organisation de la conférence internationale humanitaire en mai prochain. Après avoir été à Kitshanga, et vous connaissez la réalité des déplacés de la RD Congo, comment comptez-vous pousser, si je peux le dire ainsi, les bailleurs de fonds à répondre favorablement dans le temps, pour apporter leurs contributions, afin de mettre en application le plan d’action humanitaire qui a été lancé le mois dernier ?
Secrétaire général des Nations Unies [Ban Ki-moon] : En tant que Secrétaire Général, je me suis rendu dans des nombreux camps des réfugiés, ou également dans des camps des déplacés dans le monde entier, y compris dans des camps des réfugiés syriens ou d’autres camps au Moyen-Orient.
L’expérience que j’ai vécue hier, dans la région de Goma, mon expérience a été une expérience qui m’a emmenée véritablement vers l’humilité. J’ai rencontré des milliers de personnes déplacées, en particulier des enfants et des femmes qui vivent dans des camps pour personnes déplacées.
Vous savez probablement, que le nombre de personnes déplacées, et que le nombre de réfugiés de par le monde, est d’environ 60 millions de personnes. Soixante millions, c’est véritablement un chiffre sans précèdent. C’est le chiffre le plus élevé depuis la fin de la deuxième guerre mondiale.
Et l’on peut dire que l’on est arrivé à une situation qui est très difficilement gérable. Les Nations Unies ont essayé véritablement de fournir une assistance humanitaire quotidienne pour sauver des vies.
Nous avons distribué des denrées alimentaires, nous avons mis en place des infrastructures en matière d’assainissement, nous avons essayé d’aider à la construction d’écoles.
Il faut bien sûr énormément des fonds pour tout cela. Alors il y a de plus en plus des besoins, et ce que l’on peut dire, ce que la réponse aux besoins humanitaires, la réaction elle, est, de moins en moins importante, et nous ne pouvons plus continuer de cette façon. Il faut véritablement fournir une assistance humanitaire quotidienne à tous les réfugiés.
Et c’est la raisons pour laquelle, pour la première fois dans l’histoire des Nations Unies, pour la première fois en soixante-dix ans, nous avons décidé de convoquer un sommet humanitaire mondial. Ce sommet va se tenir à Istanbul, le 23 et le 24 mai.
Ce sommet n’a pas pour objectif de mobiliser des fonds. Notre objectif, notre premier objectif, c’est véritablement de faire savoir aux dirigeants du monde quelle est la situation actuelle.
Il faut qu’ils comprennent de quoi est-ce que l’on parle exactement. Combien de personnes ont véritablement besoin d’une assistance humanitaire ? Combien de vies est-ce que l’on peut sauver ? Il fait véritablement que l’on ait une approche structurée, une approche durable, une approche qui nous permettrait véritablement de sauver des vies jour après jour.
Et ce que je voudrais, c’est une véritable détermination de la part de dirigeants mondiaux, qu’ils viennent des pays développés ou des pays en développement.
Hier, j’ai exhorté les dirigeants mondiaux. Je leur ai dit qu’il fallait réduire au moins de moitié le nombre de personnes déplacées d’ici à 2030. 2030 c’est également la date butoir pour les objectifs de développement durable. Donc d’ici à 2030, il faudra avoir réduit de moitié le nombre de personnes déplacées. C’est une question complexe effectivement. Mais s’il y a volonté politique, je pense que nous pouvons y arriver. Je compte sur la détermination de tous les dirigeants du monde. Voilà quel est l’objectif de ce sommet humanitaire mondial. Je vous remercie.
Pascal Héros/ L’opinion de Paris : Monsieur le Secrétaire général, c’est certainement l’un de vos derniers déplacements en Afrique. L’heure du bilan arrive. Quels sont les enjeux pour le continent africain alors que la situation sécuritaire, et certainement politique, s’est aggravée ces dernières années et, quel est le bilan de toute l’action des Nations Unies sur le continent ?
Secrétaire général des Nations Unies [Ban Ki-moon] : Ce n’est pas ma dernière visite sur le continent africain. J’ai encore dix mois avant la fin de mon mandat. Effectivement, c’est ma dernière année de mandat en tant que Secrétaire général. Mais j’ai encore beaucoup de missions prévues. Je vais continuer à me rendre dans les pays africains dans les 10 mois qui nous restent.
C’est peut-être ma dernière visite en RDC. Mais qui sait ? Peut-être que je vais revenir à nouveau. S’il est nécessaire, je reviendrai à nouveau. De toute façon, je suis disponible. Je suis disponible à tout moment. Si je dois aller quelque part, je suis prêt à y aller. Et je ne ménagerai aucun effort à ce sujet.
La question que vous avez posée concernant les Nations Unies, c’est une question très vaste. A ce sujet, je voudrais dire aux journalistes que souvent, lorsqu’on parle de l’Afrique, on dit c’est un continent qui a besoin d’aide. Mais les leaders africains ont une vision. Une vision sur le long terme. Le futur que nous voulons dans 35 ans. Et vous verrez que dans 35 ans, l’Afrique sera complètement différente.
Nous savons tous qu’il y a de nombreuses crises. Et ces crises, si vous essayez de voir quelles sont les cause profondes de ces crises ; si vous essayez de vous attaquer aux causes profondes, alors là c’est autre chose. Alors bien sûr, vous avez des catastrophes naturelles, des catastrophes naturelles qui ont causé de nombreux dégâts, qui ont détruit des infrastructures, qui ont causé de nombreux décès.
Mais, si vous regardez la situation avec attention, je pense qu’il faut véritablement que l’on parle de l’importance de la gouvernance, de la bonne gouvernance, d’une gouvernance transparente. Ce qui est important, c’est la bonne gouvernance. Il faut véritablement que les dirigeants s’attellent à mettre en place une bonne gouvernance.
Vous vous rappellerez probablement que lors du dernier sommet de l’Union africaine en janvier dernier, j’ai soulevé cette question. Et je m’adressais aux dirigeants africains. Et cela s’applique à tout le monde. Je l’ai dit parce que j’étais au sommet de l’Union africaine. Mais j’aurais pu le dire ailleurs également. J’ai dit aux dirigeants africains : « Ne vous accrochez pas au pouvoir. Ecoutez la voix de vos citoyens, écoutez la voix du peuple, répondez aux problèmes auxquels se heurtent vos populations respectives ».
Donc, ne vous accrochez pas au pouvoir. Et surtout mettez l’accent sur la bonne gouvernance. Il faut lutter contre la corruption. Il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas d’impunité. Il faut qu’il y ait état de droit, qu’il y ait transparence, qu’il y ait bonne gouvernance.
L’Afrique est un continent très riche en ressources naturelles, en ressources humaines. Comment utiliser ces ressources naturelles ? Comment utiliser ces ressources humaines ? Cela dépend des dirigeants. Il faut que les dirigeants montrent l’exemple, ce qu’il faut faire, il faut qu’ils donnent l’exemple. En donnant l’exemple, je pense que cela permettra d’accélérer les progrès socioéconomiques.
Voilà le message que j’ai réitéré à plusieurs reprises depuis que je suis Secrétaire général. J’ai dit exactement la même chose au Sommet de l’Union africaine. Vous pouvez vérifier ma déclaration de l’année dernière et ma déclaration de cette année. Et vous verrez que j’ai réitéré plusieurs éléments.
Il y a des sujets de préoccupation. Il y a des défis à relever sur le continent africain. Mais c’est un continent prometteur. Il y a de l’espoir. Et, les dirigeants ont adopté des programmes de développement très ambitieux.
Il y a 17 objectifs de développement durable, des objectifs très ambitieux qui couvrent tous les éléments importants. Et en décembre de l’année dernière, les dirigeants du monde ont adopté d’autres objectifs très ambitieux. Il s’agit de l’accord de Paris sur les changements climatiques.
Et je pense que ces deux visions (l’accord sur les changements climatiques et les objectifs de développement durable) nous permettent à nous tous, y compris les Africains, de voir quelles sont les possibilités et d’oeuvrer pour un futur plus prospère et un monde plus harmonieux, un monde où personne ne sera à la traîne.
Je pense qu’il faut se rappeler que vous avez plus de 125 millions de personnes qui ont besoin d’une assistance humanitaire quotidienne, et cela va bien au-delà de nos capacités.
Aucun pays du monde, quelles que soient ses ressources, quel que soit son pouvoir, ne peut gérer cela, aucune organisation, qu’il s’agisse des Nations Unies, l’organisation la plus légitime dans le monde, aucune organisation ne peut agir seule.
Nous avons besoin de la coopération et du soutien de tous, il faut par conséquent de l’unité et il faut également de la solidarité, la solidarité mondiale est nécessaire à ce stade. Et après, je suis sûr que le futur de l’Afrique sera un futur beaucoup plus prospère et beaucoup plus prometteur. Je vous remercie.
Rachel Kisita/ Numérica Télévision : Monsieur le Secrétaire général, vous rencontrez le Dr Denis Mukwege, vous immortalisez l’instant. Parmi les photos qui font la Une des médias en ligne et des réseaux sociaux, il y a une photo sur laquelle vous faites un signe de croix avec votre main comme ça. Je suis journaliste, tout est communication. Le langage n’est pas que verbal. M. Ban Ki-moon, que veut dire ce geste ?
Secrétaire général des Nations Unies [Ban Ki-moon]: J’admire profondément et je respecte M. Mukwege. Je le connais depuis assez longtemps, je l’ai vu à plusieurs reprises. C’est une personne qui a énormément d’empathie, une personne qui est engagée. Nous avons besoin d’avoir des personnes comme lui. Ce n’est pas nécessaire d’être un médecin. Vous pouvez être autre chose. Mais on a besoin de ce type d’engagement humanitaire, nous avons besoin de ce type d’esprit d’initiative.
Il a traité et aidé plus de 13.000 femmes, des femmes qui avaient été violées, des femmes qui avaient perdu toute dignité humaine. Et je pense par conséquent qu’il faut qu’il soit admiré, qu’il soit respecté car c’est un véritable symbole, le symbole de l’empathie. Il travaille pour aider les groupes vulnérables.
En tant que Secrétaire général des Nations Unies, je pense qu’il faut montrer l’exemple, mais il y a très peu de personnes qui montrent l’exemple. Et donc je pense qu’il faut véritablement montrer aux dirigeants du monde qu’il y a énormément de personnes qui peuvent faire des choses. Vous avez des leaders de la société civile, vous avez des acteurs de la société civile qui agissent et je pense qu’il est possible pour tous de contribuer et d’aider les groupes vulnérables.
Les Nations Unies sont engagées à aider les groupes vulnérables, nous souhaitons protéger les droits de l’Homme des groupes vulnérables, des femmes, des jeunes filles, surtout dans les zones de conflit.
Ce sont elles qui souffrent et c’est la raison pour laquelle, hier, nous avons montré notre solidarité.
Donc ce signe était un signe de solidarité, notre solidarité pour les femmes, pour les groupes vulnérables, pour tous ceux dont nous devons protéger les droits. Et j’espère qu’il y aura d’autres personnes comme M. Mukwege, qu’il y a d’autres personnes qui feront preuve de compassion et d’empathie comme lui. Je vous remercie.
Porte-parole associé au bureau du Secrétaire général des Nations Unies à New York [Mathias Gillmann] : Merci beaucoup. Malheureusement, nous devons conclure. Merci monsieur le Secrétaire général.