Lorsque le tumulte de Dakar commence à leur taper sur les nerfs, les Sénégalais prennent une chaloupe à l’embarcadère. Quelques minutes plus tard, ils se retrouvent au milieu de l’océan, en vue d’une belle île ocre aux allures de petit paradis méditerranéen : Gorée.
Dès l’accostage, le passager est séduit par la langueur des îliens. Ici, aucun stress. Aucune route, aucune voiture. Les mille habitants de l’île ont jeté l’ancre à Gorée pour se reposer dans les maisons de style méditerranéen, construites à l’époque de la colonisation : des volets bleus, des murs ocre, des toits rosés.
Des rues étroites qui retiennent l’ombre, des bougainvilliers et des filaos bercés par le vent de l’Atlantique. Au-delà de l’Afrique, Gorée a acquis sa réputation glorieuse et sulfureuse grâce à la Maison des esclaves et à la porte du Non-Retour.
De Bill Clinton à Jean-Paul II, presque tous les grands de ce monde sont venus s’y recueillir. Pourtant, selon les historiens, Gorée n’a jamais été un grand centre de traite négrière. Mais l’idée de créer un lieu de mémoire autour de l’esclavage était bien un coup de maître.
Chaque année, des milliers de visiteurs venus du monde entier, notamment des Français et des Noirs américains, se rendent sur ce lieu de pèlerinage.
Mais l’île de Gorée abrite d’autres trésors moins connus. De belles et discrètes demeures. Des fortunes ont jeté leur dévolu sur certaines villas. Ainsi, le milliardaire américain George Soros y a acheté une résidence.
Si le grand public ne pourra pas visiter la maison de Soros, il aura en revanche l’occasion d’aller à la rencontre de l’œuvre de quelques-uns des plasticiens les plus talentueux d’Afrique. Mustapha Dimé, considéré par beaucoup comme le sculpteur le plus doué du continent, avait installé son atelier dans un ancien phare de l’île.
Depuis sa mort, l’atelier a été repris par son disciple, Gabriel Kenzo Malou, qui a lui-même acquis une grande renommée. Gabriel fait visiter son atelier avec plaisir. Sur les murs trônent ses œuvres par centaines, mais aussi celles de son « maître ».
En parlant de ses créations et de son grand inspirateur, « Mustapha Dimé » dont l’esprit hante encore les lieux, Gabriel Kenzo Malou garde toujours un œil sur la « fenêtre hublot » de son salon. Celle qui lui montre le grand large en permanence. Et lui rappelle que son « île-atelier » est si proche du paradis.
Par Pierre Cherruau (Source : Ulysse)