À peine élu, le président zambien a jusqu'à septembre 2016 pour tenir ses audacieuses promesses avant de remettre son mandat en jeu. Avec une économie qui bat de l'aile, ce ne sera pas du gâteau.
En recevant les attributs du pouvoir suprême des mains de Guy Scott, le 25 janvier, Edgar Lungu a dû savourer toute l'ironie de la situation. À 58 ans, cet homme svelte aux origines modestes devenait chef de l'État et forçait, par la même occasion, le grand rival de son camp à l'adouber.
Car Guy Scott, l'éphémère président blanc de la Zambie (il a assuré l'intérim après la mort de Michael Sata, en octobre 2014), qui ne pouvait pas disputer l'élection en raison de ses origines britanniques, a tout fait pour barrer la route à Lungu. Jusqu'à tenter de l'exclure du Front patriotique, le parti au pouvoir. Sans succès.
Au terme d'une nouvelle élection reconnue comme démocratique par toute la communauté internationale (de Washington à Harare), le triomphe d'Edgar Lungu paraît donc total.
Tel un fils spirituel du défunt président Michael Sata - qu'on surnommait le Roi Cobra -, le nouveau chef de l'État a juré de poursuivre sa politique de redistribution sociale.
Mais s'il n'y prend garde, sa victoire pourrait avoir un arrière-goût amer... Avant le scrutin, un diplomate occidental influent à Lusaka avait prédit qu'elle "pourrait bien être un cadeau empoisonné". L'économie zambienne risque en effet de traverser une passe difficile. Le cours du cuivre, dont elle est particulièrement dépendante (ce métal représente plus de 70 % des exportations du pays et un quart des revenus de l'État), s'est littéralement effondré, tombant en janvier 2015 à moins de 6 000 dollars (5 000 euros) la tonne, alors qu'il flirtait avec les 10 000 dollars il y a quatre ans.
Or Lungu a fait bien des promesses durant sa campagne. Tel un fils spirituel du défunt président Michael Sata - qu'on surnommait le Roi Cobra -, le nouveau chef de l'État a juré de poursuivre sa politique de redistribution sociale. Avec, notamment, des hausses de salaires dans la fonction publique et d'importants investissements dans les infrastructures.
Des mesures "populistes", comme l'affirme la presse financière anglo-saxonne ? Elles sont en tout cas onéreuses. Confrontée à un déficit budgétaire trop important et à la baisse du kwacha, la monnaie nationale, la Zambie a déjà été contrainte de faire appel au Fonds monétaire international en 2014. Mais cela n'a pas suffi. Pour redresser la barre, le gouvernement a annoncé une hausse de la fiscalité des multinationales minières. Or celles-ci se rebiffent et menacent désormais de licencier des milliers de mineurs, parmi lesquels Lungu compte nombre d'électeurs.
Victoire très serrée
Peu expérimenté - cet avocat n'est apparu sur le devant de la scène qu'en 2013, lors de sa nomination aux ministères de la Justice et de la Défense -, il ne dispose que de très peu de temps pour consolider son pouvoir. En effet, il devra se présenter de nouveau devant les électeurs dès septembre 2016 - date de la fin du mandat de Sata.
Et s'il a montré une grande habileté pendant sa campagne - en concluant une alliance contre nature avec l'ancien président Rupiah Banda, ex-opposant de Sata, que la justice harcelait il y a encore quelques mois -, il n'a remporté l'élection présidentielle que d'une courte tête : 48,3 % des voix, contre 46,7 % pour son principal rival, Hakainde Hichilema. Plus jeune que Lungu (il a 52 ans), ce dernier devrait lui donner du fil à retordre lors du prochain scrutin.
Entêté, ce riche homme d'affaires s'est présenté à toutes les élections présidentielles depuis 2006. Et a beaucoup progressé au cours de la dernière.