Hier, dans son combat pour la salubrité dans la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), l’Autorité urbaine a mené une guerre acharnée contre les petits vendeurs de l’eau en sachets. Aujourd’hui, elle est impuissante face à des bouteilles de boisson en plastique, fabriquées par l’industrie locale, qui polluent l’environnement du « miroir » du pays.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, des agglomérations entières baignent dans l’insalubrité, les ruisseaux sont pollués tandis que la population est livrée aux diverses maladies faute de moyens conséquents.
L’image que les anciens gardent de Léopoldville (ancien nom de Kinshasa), ce sont des trottoirs propres, des avenues en bon état, des caniveaux bien entretenus, des ruisseaux régulièrement curés la pulvérisation, par avion, des insecticides pour éradiquer les insectes nuisibles, dont les moustiques.
Malheureusement, « Kin-la-belle », comme l’appellent les nostalgiques, a perdu sa belle robe d’antan, au point d’être baptisée « Kin-la-poubelle ».
Depuis maintenant trois décennies, les différents gouverneurs de Kinshasa n’ont pas réussi à redorer son blason. Malgré les critiques de la population et les promesses des différentes autorités urbaines, il n’y a pas encore une politique efficace et cohérente d’assainissement de l’ensemble de la capitale.
Faillite de l’autorité provinciale
Certes, Kinshasa a connu et connaît encore le « Salongo » (travail manuel d’assainissement) et plusieurs programmes d’assainissement, notamment « Kin Propre » et le Programme d’assainissement urbain de Kinshasa (PAUK).
Mais, la ville reste sale et même très sale. Sur les 24 communes que compte la mégapole, seule la Gombe (centre-ville) peut aujourd’hui revendiquer la couronne de propreté. Parce que c’est le siège des institutions nationales et des ambassades.
Encore que, même à Gombe, des sites tels que l’avenue du commerce et tous ses alentours ainsi que les environs des galeries Botour sont dans un piteux état. Il suffit d’une petite pluie pour que ces endroits se transforment en véritables lacs artificiels. Ici, il n’y a plus de collecteurs d’eau et les égouts sont bouchés. Preuve que les efforts fournis restent insuffisants.
Parmi les mesures prises par les différentes autorités urbaines il y a l’interdiction de vente de l’eau en sachets (qui continue impunément) au profit de l’eau embouteillée, l’interdiction de vendre sur le trottoir.
A les entendre, ces mesures étaient censées permettre à la ville de retrouver sa belle robe des années 60 ou 70. Hélas ! L’insalubrité a la peau dure dans les communes de la capitale.
La pollution de tous les ruisseaux n’a jamais était vaincue. L’évacuation des immondices n’est jamais régulière. Voilà qui explique des odeurs pestilentielles à certains endroits de Kinshasa. Ce qui explique la persistance des maladies de mains sales comme la fièvre typhoïde, le choléra, la dysenterie ou encore la malaria, du fait de la présence des moustiques.
Aujourd’hui, ce n’est plus le sachet qui est pointé du doigt mais les bouteilles d’eau et de boissons sucrées ainsi que tous les emballages des produits manufacturés consommés couramment à Kinshasa. A cela, s’ajoutent les bouteilles en verre d’alcool qui se vendent comme de petits pains à toutes les heures de la journée partout dans la ville.
Tous ces déchets ne sont ni triés en amont encore moins recyclés en aval. Les sociétés commises à l’assainissement ne se donnent pas la peine de les trier et, une fois collectés, sont enfouis dans le sol dans la périphérie de Kinshasa. Ceci, avec toutes les conséquences fâcheuses que cela va provoquer dans les années à venir, notamment la pollution du sol.
Cette impuissance de l’autorité provinciale s’explique notamment par la quasi faillite des structures commise à cette tâche. En effet, la Direction d’assainissement (DA), le Programme national d’assainissement (PNA) ou même l’Office de voiries et drainage (OVD) sont à ce jour en manque criant de moyens matériels et financiers conséquents.
« Toute personne a droit à un environnement sain et propice à son épanouissement intégral. Elle a le devoir de le défendre. L’Etat veille à la protection de l’Environnement et à la santé des populations », stipule pourtant la Constitution de la RDC du 18 février 2006 stipule, en son article 53.
L’UE à la rescousse
Le constat à ce jour est que ce sont ces bouteilles en plastique qui polluent, à leur tour, les trottoirs, les caniveaux et stagnent dans la rivière Kalamu qui traverse plusieurs communes de la capitale. Simplement parce que les politiques de salubrité de la ville ne sont pas suivies d’effets. Il n’y a pas assez de poubelles pour collecter les déchets. La conséquence est que les gens jettent les détritus n’importe où.
La pollution au niveau des ruisseaux est d’autant plus accentuée qu’on peut voir des centaines de bouteilles en plastique et des sachets traîner au niveau des ponts jetés sur la rivière Kalamu. Voilà qui met à nu l’inefficacité des politiques d’assainissement de la ville-province de Kinshasa. On se demande alors où va l’argent des différentes taxes prélevées auprès des sociétés qui fabriques les boissons sucrées ou de l’eau embouteillée.
Certes, le programme PAUK peut se targuer de connaître un relatif succès dans les communes où il se réalise. Mais, même là, les choses sont faites à moitié.
Les déchets curés des caniveaux restent généralement sur la route jusqu’à ce que la pluie vienne les ramener dans les caniveaux. Les agents commis à cette tâche n’ont pas toujours l’équipement adéquat.
Certains n’ont pas de cache-nez, de chaussures de sécurité encore moins de chapeau pour se protéger des rayons du soleil. Ce qui ne leur permet pas toujours d’avoir des résultats escomptés et les livre à certaines maladies notamment liées à la poussière.
Un des mérites du PAUK est qu’il intervient dans une logique de Haute intensité de main d’œuvre (HIMO) en vue d’optimiser l’impact sur le bien-être économique et social des populations les plus défavorisées de la ville. Cette méthode permet de créer de l’emploi pour les populations démunies et d’accroitre le revenu moyen des ouvriers qui y travaillent.
En œuvre depuis le 14 juin 2010, le PAUK comprend deux volets. L’un concerne les routes (2.800 km) et l’autre l’assainit 9 communes de la ville : Barumbu, Kinshasa, Gombe, Lingwala, Kintambo, Bandalungwa, Ngiri-ngiri, Kasa-Vubu et Kalamu.
A ce jour, ce programme est opérationnel à Kinshasa, Barumbu, Lingwala, Gombe et à Kalamu. Les autres communes, où l’état de l’assainissement est préoccupant et interpelle les autorités provinciales, sont livrées à leur triste sort. Et quoique des taxes soient perçues pour la salubrité de leurs juridictions, ces fonds sont simplement détournés de leur objectif.
Il est tout de même inacceptable que le seul programme viable d’assainissement en œuvre actuellement à travers la mégapole Kinshasa soit celui financé par les partenaires étrangers de l’Etat congolais, en l’occurrence l’Union européenne.
Alors que cette ville compte une population estimée à plus de 10 millions d’habitants, les politiques ne peuvent passer outre l’assainissement dans leurs prévisions budgétaires.