KINSHASA : LA PROLIFÉRATION DES RESTAURANTS DE FORTUNE POLLUENT LES UNIVERSITÉS

Jeudi 5 novembre 2015 - 05:56

Les restaurants de fortune, communément appelés "Malewa" dans le jargon kinois, font actuellement fureur dans différents sites universitaires de Kinshasa. En quête d’une grande clientèle, les propriétaires de ces gargotes, généralement des femmes, se sont résolus à assiéger les cours des universités et instituts supérieurs. Reportage.

Nous sommes dans l’enceinte de l’Université pédagogique nationale (UPN). Ce mercredi 4 novembre, la cour est envahie par des centaines d’étudiants, d’enseignants, d’agents administratifs et de visiteurs. En ce début de l’année académique, les détenteurs de "Malewa" font de bonnes affaires. Dès les premières heures de la journée, ils déploient des centaines de chaises et tables en plastique en diagonale du bâtiment administratif pour accueillir les éventuels clients. 
Tenues pour la plupart par des dames, ces gargotes ont le vent en poupe. Elles attirent en effet chaque jour des centaines de clients, désireux de consommer aliments et boissons à moindre frais. A l’œuvre dès 6h30, ces ménagères installent rapidement leurs brasiers et ustensiles à ciel ouvert. Leurs grosses marmites bouillonnent à longueur de journée, pour répondre à la demande sans cesse croissante d’une clientèle de plus en plus nombreuse.

UN MENU DIVERSIFIE
Contraints de quitter très tôt leurs domiciles pour venir assister aux cours, les étudiants comme les enseignants (professeurs, chefs des travaux, assistants…) ont pris l’habitude de venir se ravitailler dans ces restaurants de fortune avant et après les enseignements. Le matin, ils commandent le petit déjeuner, constitué essentiellement du pain beurré, d’un plat d’omelettes, de boissons sucrées… 
A partir de midi, ils se ruent de nouveau chez leurs fournisseurs pour se taper des menus beaucoup plus consistants : fufu, chikwange, bananes plantains, riz, fumbwa, haricots, poissons fumés, cuisses de poulets, pâte de spaghetti… Difficile donc de voir les chaises chômées. Bien au contraire, des clients sont nombreux à attendre que les chaises soient libres pour aller s’installer. Sinon, ils font les cent pas sur le lieu, rivant un regard impatient sur des occupants des tables qui prennent leur temps à digérer.

UNE AMBIANCE CONVIVIALE
Comme à l’UPN, les "Malewa" sont devenus omniprésents dans les autres universités et instituts supérieurs de la capitale. Que ce soit des établissements publics ou privés. "Je quitte la maison généralement à 8h00 du matin pour aller aux cours. Je n’ai donc pas le temps de prendre mon petit déjeuner. Si j’ai un peu d’argent, je commande un repas au "Malewa" qui me semble le plus propre. Cela me permet d’étudier le ventre plein plutôt que de rester affamée toute la journée", nous explique Bel’Ange Mvuenzolo, étudiante à l’Université protestante au Congo (UPC). 
Dans ces gargotes, l’ambiance est souvent conviviale, suscitée par les tenancières elles-mêmes. Elles cherchent ainsi, par leurs commentaires et compliments, à fidéliser leur clientèle. Trouvant assurément leurs comptes, ces consommateurs jouent le jeu avec l’intention de créer la familiarité, gage de confiance avec les restauratrices. A force de fréquenter le même restaurant, des amitiés se nouent et beaucoup de clients acquièrent la possibilité de se servir à crédit, promettant d’honorer la facture le lendemain.
"Je viens souvent manger chez Maman Leki, parce qu’elle est tout d’abord propre et gentille. Mais aussi parce que si je manque d’argent, elle me donne la nourriture à crédit. Par ailleurs, l’ambiance qui règne dans son "Nganda Malewa" nous détend mieux. Quand je m’absente, je rate toute une série d’histoires comiques", commente Charly Membe, étudiante en G3 à l’UPN.

LES DESAVANTAGES
Si certaines gargotes ont le mérite de fournir des repas propres, consistants et à moindre frais, d’autres par contre exposent les consommateurs aux maladies des mains sales. Les restauratrices et leurs ustensiles brillant par leur malpropreté criante.
Les "Malewa" servent aussi de refuge à ces étudiants abonnés à ’’l’école buissonnière’’. Ils y passent la plupart de leurs temps, contractent des rendez-vous idylliques ou se livrent carrément à des activités distractives. Leur quotient intellectuel en pâtit quelque peu. Quant aux tenancières de ces gargotes, l’aventure s’avère prometteuse, vu les ressources consistantes qu’elles rapportent.
Christelle LUSASA / CP