La Fikin est l’ombre d’elle-même

Mercredi 8 avril 2015 - 08:32

Ceux qui ont vécu ses années de gloire n’ont leurs yeux que pour pleurer. Etablissement public, la Foire internationale de Kinshasa (FIKIN) est aujourd’hui l’ombre d’elle-même. L’absence d’infrastructures appropriées qui faisaient, jadis, son prestige, est l’une des causes de sa décadence. Vitrine et baromètre de l’économie congolaise, la FIKIN ne s’est jamais remise de deux pillages de 1991 et 1993. Depuis, les espaces verts sont squattés par des maraîchères qui y cultivent des légumes. Les pavillons et stands, mieux ce qui en reste, s’ils ne sont pas scellés, servent désormais de salles des fêtes et de funérariums. D’autres sont transformés en débits de boissons, pour d’hypothétiques visiteurs qui s’y aventurent encore. Aux heures de midi, le lieu est étonnamment calme, excepté des bruits qui viennent des terrains de football où jouent des jeunes gens et des vendeurs à la criée de passage. Reportage.

Nous sommes dans les installations de la Foire internationale de Kinshasa. Juste devant le grand tambourinaire peint en blanc. Midi a sonné. Et ce mardi 7 avril, le soleil est bien au zénith. A l’ombre, le mercure indique 35°. Sur le site, le calme est plat. Les bruits que de l’on perçoit viennent des joueurs de football qui s’entraînent sur les terrains à côté ainsi que des vendeurs ambulants. A côté de l’espace occupé par une société de téléphonie cellulaire, à l’entrée de la Fikin qui donne sur la commune de Lemba, des stands transformés en restaurants de fortune. D’autres en maisons d’habitation. Les quelques habits et linges étalés à la devanture de ces emplacements réservés aux expositions des boissons témoignent clairement que leurs occupants y habitent. Très à l’aise, leurs enfants jouent dans les alentours desdits stands sans le moindre souci.
Tout autour de ces emplacements, les herbes folles poussent sans gêner outre mesure les tenanciers de ces restaurants et autres débits de boisson. Pourquoi ne pas sarcler ces herbes qui peuvent se transformer en un refuge des moustiques et autres insectes nuisibles à la santé ? Un jeune, la trentaine sonnée, nous envoie promener : "I.

LE MARAICHAGE DANS LA FIKIN
En remontant vers le bureau des membres du comité de gestion de la Fikin, notre attention est attirée par les plates-bandes des patates et autres oseilles qui s’étendent à vue d’œil. A voir les activités champêtres qui se développent dans cette partie de la FIKIN, on se croirait sur un site du ministère de l’Agriculture. Bravant la chaleur, les maraîchères arrosent paisiblement leurs cultures. "Nous vivons de cette activité qui nous procure de quoi payer les études de nos enfants, les salaires de nos maris ne suffisent pas. Nous nous démenons avec ces légumes pour faire face au vécu quotidien", nous confie Mme Martine.
A la question de savoir si elles sont autorisées par les gestionnaires, notre interlocutrice répond par l’affirmative. " Lors des éditions foraines, nous suspendons momentanément nos activités pour permettre aux occupants des stands d’avoir de la place ", nous a-t-elle rassurés.
Créée en 1969, la Fikin éprouve d’énormes difficultés pour retrouver son image d’antan. Cet établissement public n’existe presque plus que de nom aujourd’hui. En cause ? Les deux pillages de 1991 et 1993 ont emporté la plupart de ses infrastructures. Avec eux, les parcs d’attraction qui faisaient le bonheur des enfants. Les manèges qu’on y trouve sont l’œuvre exclusive des privés. Les pavillons et stands, mieux ce qui en reste, s’ils ne sont pas scellés, servent désormais de salles des fêtes et de funérariums. D’autres sont transformés en débits de boissons.
A noter également la spoliation de sa superficie. La plupart de ses biens immobiliers ont été vendus à des particuliers et aux agents qui détenaient des créances sur l’entreprise. La société a cédé une portion de son terrain pour la construction des logements sociaux, dans un accord entre un groupe chinois et le ministère de l’Economie et Commerce.

LES YEUX TOURNES VERS LE GOUVERNEMENT
La réhabilitation de la FIKIN se fait toujours attendre, malgré les promesses du Gouvernement. Lors de la cérémonie d’ouverture de l’édition foraine en juillet 2014, Jean-Pierre Nemoyato, le ministre de l’Economie et Commerce d’alors, avait évoqué cette question, en promettant un plaidoyer auprès du Gouvernement pour la réhabilitation des infrastructures de la FIKIN et sa modernisation. Ce, pour permettre à cette structure étatique de jouer pleinement son rôle de vitrine et de baromètre de l’économie congolaise. Selon des estimations, remettre la FIKIN aux standards internationaux couterait à l’Etat à peu près 15 millions de dollars.

En attendant, les éditions foraines de la FIKIN n’attirent plus grand monde. En 2014, nombre d’entreprises avaient décliné l’offre de participer à cette édition nationale. Au nombre desquelles, une des plus grandes sociétés brassicoles de la place qui n’a plus engrangé de retour sur investissement. La FIKIN avait alors dû compter, sur la participation massive des tenanciers de débits de boisson, restaurants de fortune, bistrots et quelques sociétés de téléphonie cellulaire et des entreprises cosmétiques. Depuis une vingtaine d’années, c’est ce côté festif qui a pris le dessus sur les activités scientifiques et les expositions.
La Foire internationale de Kinshasa qui se situe dans la commune de Limete, est une manifestation internationale à caractère commercial, industriel, agricole et artisanal. Toutes les années impaires, au mois de juillet, elle accueille des participants internationaux. Les années paires, il s’y tient une rencontre nationale. Elle est membre de l’Union des foires internationales (UFI) depuis 1973. En 1991, et ensuite en 1993, elle a été victime des pillages. Depuis, ses activités tournent au ralenti.
La première édition internationale s’est tenue du 30 juin au 14 juillet 1969. Plusieurs autres manifestations internationales y ont eu lieu. La réhabilitation de la FIKIN, c’est un des défis que se doit de relever le gouvernement congolais.
Ange APOTE, Charlotte MUKEBA et Charmante NSONA, Stagiaires UPN, sous la coordination de Dorian KISIMBA et Didier KEBONGO