L’élite congolaise mobilisée contre la balkanisation

Lundi 17 août 2015 - 10:48

Dans son combat contre les vélléités de balkanisation de la République Démocratique du Congo, le Groupe de presse Le Potentiel a organisé, comme d’habitude, une conférence-débat en collaboration avec l’ASBL « Congo Conscience », le samedi 15 août 2015 dans la salle des conférences de la paroisse Notre Dame de Fatima, dans la commune de Gombe.

Le thème principal retenu pour le débat du jour était « La guerre d’usure et l’instabilité politique en RDC ».

Plusieurs orateurs sont intervenus pour la circonstance, parmi lesquels Freddy Mulumba, Directeur général du Groupe Le Potentiel.

Premier à ouvrir les hostilités, Agamaka Mata, chercheur panafricain, a focalisé son exposé sur « Les effets de Berlin sur l’Afrique ». De son point de vue, si le principal objet de la Conférence de Berlin de 1885, tenue par 14 puissances occidentales de l’époque, était le partage de l’Afrique en vue d’exploiter ses richesses, une de ses principales résolutions était de faire du Congo un bien de la communauté internationale. C’est pourquoi, depuis l’indépendance nationale en 1960, cette communauté internationale tient à imposer ses volontés à la RDC. Ainsi, chaque fois que les intérêts occidentaux ne sont pas garantis par le pouvoir en place, des guerres et rébellions sont provoquées pour accéder à ses ressources naturelles à moindre frais.

Pour soutenir sa thèse, Agamaka a pris un cas parmi tant d’autres, à savoir celui de la rébellion du M23 (Mouvement du 23 mai 2009). Cette force négative, soutenue notoirement par le Rwanda et l’Ouganda, a été vaincue militairement le 5 novembre 2013. Mais la guerre continue dans la partie orientale de la République Démocratique du Congo.

Pour Agamaka, rien ne donne droit aux occidentaux de revendiquer un quelconque droit d’ingérence dans les affaires du Congo d’aujourd’hui, même pas des documents que des chefs coutumiers africains de l’époque avaient paraphés, soi-disant pour céder leurs terres aux colons blancs. Pour lui, ces documents étaient simplement des faux et l’Afrique mérite de revoir Berlin et de prouver le faux et l’usage du faux en ce qui concerne les documents qu’auraient paraphés des chefs traditionnels africains aux fins de céder leurs territoires aux colonisateurs.

Le 2ème intervenant, Freddy Mulumba, Directeur général du Groupe Le Potentiel et Télé 7, a planché sur « Les îlots de stabilité dans l’Est de la RDC et après ? ». Il a indiqué que ces îlots de stabilité de la Monusco à l’Est de la RDC ne sont qu’un plan de balkanisation du pays. L’orateur a démontré les similitudes entre la balkanisation du Sud-Soudan et le schéma en chantier en RDC. Il a affirmé que c’est l’ONU, via la Monusco, qui est à la manœuvre sur le territoire congolais.

Le transfert de l’état-major de la Monusco à Goma en 2013, le projet de création des îlots de stabilité sans associer le gouvernement congolais, la concentration des ONG internationales concourent à planter, à son avis, le décor de la balkanisation du pays.

Freddy Mulumba a relevé également des contradictions dans le travail de la Monusco. Il trouve paradoxal que les Anglo-Saxons, qui ont soutenu toutes les guerres que la RDC connait depuis 1998, soient ceux-là mêmes qui contribuent à la mise en place des îlots de stabilité. Une autre contradiction, c’est le fait que l’insécurité continue même dans les zones qualifiées d’îlots de stabilité. Ici, les milices ne sont pas désarmées et continuent à opérer sous l’œil complice des casques bleus.

Pour Freddy Mulumba, les Congolais doivent prendre conscience de ce vaste complot contre leur pays et faire échec aux tenants de la balkanisation. Et de noter que présentement, l’ONU est noyautée par les multinationales occidentales et les lobbyistes.

L’objectif de cette série de conférences-débats est de contribuer à mobiliser une masse critique susceptible de dénicher tous les pièges concoctés pour l’objectif inavoué de l’implosion de la RDC en vue de sa balkanisation. A ce sujet, il a invité le gouvernement à suivre de près le travail de la Monusco.

Le 3ème orateur, Antoine Lokongo, Docteur en politique internationale de l’Université de Pékin, a planché sur « Rapport entre les intérêts stratégiques américains et guerre d’usure en RDC (de 1982 à 2013) », un sujet tiré de sa thèse de doctorat. Il a fait remarquer que les guerres d’usure qui affectent le grand Congo ont pour origine quatre grandes politiques des USA, adoptées depuis le début de la fin de la guerre froide (1989, chute du Mur de Berlin) jusqu’en 2013.

Il s’agit de la politique sur le cobalt congolais (1982) (les USA veulent avoir le monopole d’exploitation de ce minerais pour leur industrie) qui fut, selon lui, à la base de la guerre du Shaba en 1977 ; le plan Bechtel (consistant à octroyer aux Américains l’exploitation de l’essentiel des minerais de la RDC) rejeté par Mzee Laurent Désiré Kabila et qui a conduit à la guerre d’août 1998 et à son assassinat ; la Loi Obama sur l’intervention humanitaire en RDC (2006) qui a servi de prétexte au CNDP de Nkundabatware pour lancer sa rébellion ; la politique de balkanisation de la RDC (2013) exprimée par Russ Feingold, ancien Envoyé Spécial de Barack Obama dans la région des Grands Lacs, et qui a conduit à la guerre du M23 (avril 2012 – novembre 2013).

Il a conclu en soulignant que la tendance de la politique américaine en RDC consiste à contrôler et monopoliser les richesses du Congo et à repousser les nouveaux venus (notamment les Chinois) par tous les moyens.

Bref, selon lui, les Américains considèrent la RDC comme leur chasse gardée, qu’ils doivent contrôler à tout prix. Quand cette vision se heurte au droit légitime des dirigeants congolais de décider souverainement de ce qu’ils veulent faire de leurs richesses, il y a des guerres qui sont automatiquement commanditées pour les décourager.

Concluant son exposé, ce jeune conférencier congolais a suggéré aux Etats-Unis d’Amérique, première puissance libérale du monde, d’accepter que la RDC commerce avec le partenaire de son choix, sans chaque fois lui créer des rebellions et autres situations d’instabilité politique.

Il faut noter qu’après les exposés, un débat houleux et passionnant a sanctionné cette conférence-débat de haute portée scientifique.

EW