L’opposant Jean Bertrand Ewanga : ‘‘M. Kabila n’a pas le droit d’être candidat en 2016 ’’

Mardi 11 août 2015 - 11:22
(KINSHASA)- Une semaine après sa sortie de la prison, l’opposant Jean Bertrand Ewanga a appelé le président Kabila à renoncer à son idée de briguer un troisième mandat et à se préparer à passer le pouvoir de manière civilisée le 20 décembre 2016. ‘‘M. Kabila, par la volonté du constituant, n’a pas le droit d’être candidat en 2016. L’élection présidentielle doit absolument se tenir le 27 novembre 2016 et la passation pacifique du pouvoir le 20 décembre de la même année’’, a-t-il indiqué. D’un ton ferme, le secrétaire général de l’Union pour la nation congolaise qui s’exprimait lundi à Kinshasa devant la presse et les principaux leaders de l’opposition, a exprimé sa détermination, celle de son parti et de son regroupement politique- la Dynamique pour l’unité d’actions de l’opposition, à poursuivre la lutte, tout en accentuant une pression constante sur le régime en place pour que le pays accède à l’alternance démocratique à travers la tenue des élections libres, démocratiques et transparentes. Ainsi, Ewanga a invité la classe politique à s’investir dans une démarche qui peut faire aboutir le combat et amener le peuple au changement. ‘‘Il faut éviter des compromissions et des arrangements politiques nocturnes dictés par des intérêts égoïstes, de nature à donner des béquilles au pouvoir sortant’’, rappelle l’opposant. Pour lui, le deuxième et dernier mandat du président Kabila arrive à terme le 19 décembre 2016, sans aucune possibilité de prolongation ou de glissement quelconque. Il conseille à ceux qui murissent l’idée d’accorder un troisième mandat au président Kabila ou lui donner une transition, à y renoncer. Ils veulent tout simplement, selon lui, plonger le pays dans le chaos. L’ex-prisonnier de Makala demande aux congolais d’être vigilants et de s’approprier l’esprit et la lettre de l’article 64 de la constitution, pour barrer la route à toute tentative de prolongation du règne de la majorité actuelle au pouvoir. REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO DYNAMIQUE POUR L’UNITE D’ACTIONS DE L’OPPOSITION POLITIQUE CONGOLAISE ======================================================== POINT DE PRESSE DE L’HONORABLE JEAN-BERTRAND EWANGA Mesdames, Messieurs de la presse, Distingués invités, en vos titres et qualités respectifs, Il y a un an, jour pour jour, j’ai été arrêté, emprisonné, injustement jugé et condamné à un an de prison ferme. Je viens de purger la peine qui m’a été infligée au Centre dit de Rééducation de Makala. Au moment où je me tiens devant vous, aujourd’hui, en homme de nouveau libre, il est de mon devoir de commencer par vous saluer tous et chacun, et à vous dire combien je suis heureux et ému de me retrouver parmi vous, une année après mon emprisonnement injuste. J’éprouve une énorme charge d’émotions de retrouver la grande famille de la Dynamique pour l’Unité d’Actions de l’Opposition congolaise dont l’UNC, mon parti, est membre. J’adresse, au nom de ma famille et au mien propre, à tous et à chacun, mes profonds remerciements pour le soutien qu’ils n’ont cessé d’apporter à ma modeste personne ainsi qu’à ma famille depuis mon enlèvement dans la nuit qui a suivi le meeting populaire réussi du 04 août 2014 à la Place Ste Thérèse de N’Djili et le soutien appuyé reçu tout au long de ce procès de la honte ainsi que durant toute la période de mon incarcération à la prison de Makala. Je suis d’autant plus ému que je retrouve la grande famille de l’opposition politique, plus que jamais unie, engagée et déterminée à faire respecter la Constitution de la République et attachée au principe d’alternance démocratique dans notre pays. Je tiens, avant d’entrer dans le vif du sujet, à remercier du fond du cœur, au nom de ma famille et au mien propre, tous les partis politiques d’opposition, mes collègues députés nationaux, les personnalités de tous les horizons, les hommes de Dieu, les medias nationaux qui ont bravé la terreur exercée sur eux par le pouvoir en place. En relayant courageusement, par leurs diffusions et publications, toutes les péripéties de mon dossier, ils ont continué à démontrer qu’ils défendent la liberté d’expression et les causes justes. Je pense ici aux organes de presse tels que Le Phare, Le Potentiel, Congo News, Radio Okapi, CCTV, RTCE. La liste n’est pas exhaustive. A vous tous, vaillants journalistes, hommes et femmes, épris de vérité, je dis sincèrement merci pour le soutien que vous avez apporté au front commun de lutte pour la démocratie et à ma modeste personne dans cette affaire que mes geôliers ont considérée comme ultime épreuve à m’infliger pour nuire à mon combat politique et à ma vie, sinon comme occasion pour eux de faire reculer la démocratie, de museler l’opposition, les leaders d’opinion et les activistes des droits de l’Homme, d’intimider notre peuple et de réussir à instaurer ainsi par la terreur, un régime tyrannique comme en Birmanie ou en Corée du Nord. Je m’en voudrais si, en pareille circonstance, je ne tirais pas mon chapeau bas pour remercier mes compatriotes membres de la diaspora congolaise qui, chaque jour et de diverses manières, n’ont cessé d’interpeller les gouvernements et parlements de leurs pays d’accueil pour qu’ils condamnent le régime de Kinshasa à cause de son forfait commis contre ma personne. A tous les congolais, combattants et résistants vivant par la force des choses à l’étranger, je tiens à dire sincèrement merci pour leur combat en faveur de ma modeste personne, en faveur de la liberté d’expression et en faveur de la démocratie. Je salue respectueusement le collectif de mes avocats conseils qui, par leur argumentaire, ont détruit toutes les accusations mensongères dirigées contre ma personne et prouvé à la face du monde que dans ce pays, le triomphe de l’arbitraire dans l’administration judiciaire de la RDC est un cancer qui appelle de notre part un engagement collectif et déterminé pour sa guérison. Je remercie enfin, le Parlement Européen, le Parlement britannique ainsi que Leurs Excellences mesdames et messieurs les ambassadeurs et chefs des missions diplomatiques des Etats Membres de l’Union Européenne, des Etats-Unis d’Amérique, de la Suisse, le gouvernement belge, la Monusco et toutes les personnalités étrangères qui se sont mobilisés, au nom de leur attachement à la démocratie et au respect des droits humains, en faveur de ma modeste personne. Qu’ils trouvent ici, l’expression de ma profonde gratitude et de ma détermination à continuer le juste combat en faveur du peuple congolais. J’exprime vivement ma gratitude aux organisations congolaises de défense des droits de l’homme notamment La Voix des Sans Voix de l’illustre feu Floribert CHEBEYA, l’Action pour l’accès à la justice (ACAJ), l’Asadho et bien d’autres encore. Je suis particulièrement reconnaissant à l’endroit des regroupements parlementaires et des organisations internationales des droits de l’homme, plus particulièrement Human Rights Watch, Amnesty International, la Fondation Bill Clinton, la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, l’Association des parlementaires de langue française. Je ne saurai oublier la pression, que jour après jour, la presse internationale, respectueuse des droits humains, n’a cessé d’exercer en rappelant au souvenir mon emprisonnement ainsi que les menaces contre les autres défenseurs des libertés et des droits humains à travers le monde. Je cite ici Radio France Internationale, BBC Londres, La Voix de l’Amérique, la Voix de l’Allemagne, France 24, TV5 Monde, La Libre Belgique, Le Soir et bien d’autres. Je ne saurai clore le chapitre de ma gratitude sans remercier de manière particulière le peuple congolais tout entier qui, à Kinshasa, au Nord Kivu, au Sud Kivu, au Katanga, dans le Kasaï, au Kongo Central, au Bandundu, au Maniema et partout dans le pays, a fait preuve d’un sursaut patriotique exceptionnel en m’apportant son soutien. Ce sursaut n’est ni gratuit ni fortuit. C’est un message clair, qui traduit la détermination de notre peuple à combattre la dictature sous toutes ses formes et à faire respecter l’esprit et la lettre de la Constitution par l’organisation de l’élection présidentielle dans les délais constitutionnels, c’est-à-dire, pour notre pays, en novembre 2016 et la passation civilisée des pouvoirs au sommet du pays le 20 décembre 2016. Ce combat de notre peuple n’a cessé d’interpeller ma conscience tout au long de mon incarcération. Chers compatriotes, j’ai reçu votre soutien comme un appel pressant à l’engagement de ma personne au service du peuple, c’est-à-dire au service de la démocratie. Je ne saurais citer tous les noms des personnes et des organisations qui m’ont soutenu et qui sont sans nombre. Je voudrais que tous notent, à travers ces simples mots, toute l’émotion que j’ai ressentie toutes les fois que je me suis senti soutenu et porté par eux tous ainsi que toute ma gratitude doublée de ma détermination plus que jamais d’œuvrer ensemble, main dans la main, pour sauver notre pays de la dérive totalitaire. A travers ces simples mots, je voudrais que vous puissiez également noter ma détermination plus que jamais renouvelée d’œuvrer ensemble avec vous, main dans la main, pour sauver notre pays de la dérive totalitaire. Mesdames, Messieurs de la presse, Distingués invités, en vos titres et qualités respectifs, Durant les douze mois de mon emprisonnement, j’ai côtoyé toutes les misères des prisons congolaises, j’en porte les stigmates et je sais de quoi je parle. En ce jour, je pense plus particulièrement aux nombreux compatriotes, victimes d’injustices sans nombre, condamnés par le régime à croupir sans raison et sans jugement en prison et qui espèrent un jour recouvrer la liberté par le combat que nous menons tous. Je pense ici à mes camarades de cellules Eugene Diomi Ndongala, Vano Kiboko, Jean Claude Muyambo, Christopher Ngoyi, Cyrille Doee Mupapa, Yves Makwambala, Fred Bauma, Godefroid Muanabuato. Il en est de même des condamnés et amnistiés dans l’affaire de l’assassinat de feu président Laurent Désiré Kabila parmi lesquels NONO LUTULA, EDDY KAPEND, Madame NELLY TUITE, Colonel MAYEMBE, Colonel KUNDA, Colonel Alphonse MUTINDO et de certains autres issus des groupes soi-disant «insurrectionnels», dont la plupart ont été arrêtés mais jamais jugés ni condamnés et bien qu’amnistiés, restent maintenus en prison par la seule volonté du régime de Kinshasa. Il s’agit notamment de maître Firmin Yangambi, Eric Kikunda, Gerald Mapela, Colonel Samba et le lieutenant-colonel Kazamba. Sur ce chapitre, j’y ai consacré un ouvrage à paraître incessamment. Je voudrais enfin, saluer avec respect, la mémoire illustre de tous les compatriotes tombés sur le champ de bataille de notre lutte lors des évènements du 19 au 25 janvier 2015 et dont la plupart sont possiblement enterrés dans l’anonymat dans la fosse commune de Maluku, abusivement et honteusement appelée «TOMBE COMMUNE». Ma pensée se tourne également vers les victimes des massacres à répétition à Beni, au Nord Kivu, causées par l’incapacité du pouvoir en place à assurer la sécurité des personnes et celle de leurs biens. En leur mémoire, je vous prie de vous lever pour observer une minute de silence…… (Merci) Mesdames, Messieurs de la presse, Distingués invités, en vos titres et qualités respectifs, Au sortir de la prison, d’aucuns se posent la question de savoir quel est mon état d’esprit après douze mois d’une injuste privation de liberté. Rassurez-vous, je suis calme et serein. Mon état d’esprit est celui d’un homme politique, conscient de ses responsabilités devant l’histoire et la nation, qui a été confronté à l’arbitraire d’un système répressif et dictatorial qui, par ce forfait, m’a donné encore l’occasion de jauger, du dedans de la prison, l’immensité de son incapacité à gérer le pays et à maîtriser le destin national. La présente conférence de presse intervient près de dix jours après que j’aie totalement purgé la peine injuste qui m’avait été infligée sans motif valable dans le but d’intimider l’opposition et tout notre peuple dans son combat pour l’alternance pacifique et démocratique qu’imposent la Constitution et les lois de la République, alternance qui ne peut être ni retardée ni reculée encore moins négociée par qui que ce soit. Elle s’impose à tous comme un impératif à intégrer dans nos mentalités et une contrainte sociale émanant de notre peuple souverain qui est déterminé à user de ses prérogatives constitutionnelles pour remplacer à tout prix, le régime en place, qui n’a plus ni assises, ni projet ni recettes nouvelles à faire valoir. C’est le lieu pour moi de renouveler ma détermination, celle de mon parti, l’Union pour la nation congolaise, et sans aucun doute celle de la Dynamique pour l’Unité d’Actions de l’Opposition politique à poursuivre la lutte en accentuant la pression constante sur le régime en place pour que notre pays accède à la culture d’alternance démocratique à travers la tenue, dans les délais, de l’élection présidentielle libre, démocratique et transparente à laquelle Monsieur Kabila, par la volonté du constituant, n’a pas le droit d’être candidat. Cette élection présidentielle doit absolument se tenir le 27 novembre 2016 et la passation pacifique du pouvoir le 20 décembre de la même année. Par conséquent, j’invite la classe politique à s’investir sans atermoiements funestes dans une démarche globale qui intègre les aspirations légitimes de notre peuple au changement en évitant les compromissions et autres arrangements politiciens nocturnes dictés par des intérêts égoïstes qui, fondamentalement, sont de nature à donner des béquilles au pouvoir en place. En d’autres termes, nous réaffirmons que le deuxième et dernier mandat constitutionnel de Monsieur Kabila arrive à terme le 19 décembre 2016, sans aucune possibilité de prolongation ou de glissement quelconque. A ce sujet, il est important de préciser que la Constitution de la République ne connait point de concept ‘’troisième mandat’’ auquel Monsieur Kabila aurait encore droit. Il me semble que cette question doit être élucidée au regard des textes constitutionnels qui régissent la pratique politique dans notre pays. Ainsi, l’article 70 stipule, je cite : «le Président de la République est élu au suffrage universel pour un mandat de 5 ans, renouvelable une SEULE fois», fin de citation. Cette disposition est on ne peut plus claire en ce qu’elle fixe les limites du renouvellement de mandat présidentiel. Il va sans dire que ceux qui évoquent un quelconque ‘’troisième mandat’’ ou une éventuelle transition sont dans l’erreur. Ils veulent tout simplement, au nom des intérêts égoïstes, plonger notre pays dans le chaos. Il n’y a pas et il n’y aura pas de troisième mandat pour Monsieur Kabila qui aura, le 19 décembre 2016, épuisé totalement le nombre de mandats que lui offre la Constitution. Tout exercice de pouvoir au-delà de ce délai ne sera ni plus ni moins qu’un coup d’Etat constitutionnel que notre peuple n’est pas prêt et ne sera jamais prêt à accepter. Dans tous les cas, face aux gesticulations mal intentionnées de Monsieur Kabila et ses affidés, j’invite le peuple congolais à s’approprier dès aujourd’hui, l’esprit et la lettre de l’article 64 de la Constitution en son alinéa premier qui stipule, je cite : «Tout congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution», fin de citation. Il va s’en dire que dès à présent, nous devons tous nous armer de vigilance tous azimuts pour surveiller le comportement du pouvoir en place, et le cas échéant, prendre notre destin en main comme des sentinelles de la République et de la démocratie et barrer la route à toutes les manœuvres dilatoires d’un pouvoir agonisant, devenu une menace sérieuse pour notre peuple et pour la survie de la République. Mesdames, Messieurs de la presse, Distingués invités, en vos titres et qualités respectifs, Mes douze mois d’emprisonnement à Makala m’ont permis de pénétrer les arcanes de la justice de notre pays, qui souffre de plusieurs maux notamment l’arbitraire, la corruption, et qui pratique la torture et les traitements dégradants. Bref, Makala est un mouroir d’où on n’est jamais sûr de sortir vivant ou indemne. J’ai été confronté aux réalités dures et même révoltantes de cette prison. Je me suis parfois demandé si le gouvernement était conscient du rôle d’une prison. J’ai été, à maintes reprises, choqué de vivre des spectacles ahurissants et inacceptables: des séances de tortures, de sodomie, d’humiliations diverses et dans plusieurs cas, de traitements inhumains et dégradants, sans compter des cas de violation manifeste des principes élémentaires du code de procédure pénale. A titre illustratif, je vais m’appesantir sur un seul cas, celui de mon voisin de cellule, l’honorable Jean Claude Muyambo, prétendument arrêté pour stellionat et abus de confiance, devenu curieusement par la force des choses un souci pour le gouvernement. Le temps que le Parquet General mène ses investigations, Muyambo croupit en prison avec moi. En attendant que le Parquet General de Lubumbashi transmette le rapport de la Commission rogatoire, son dossier est envoyé au Tribunal pour fixation. Une semaine après, le Parquet de Lubumbashi envoie son rapport qui blanchit Muyambo et ne retient aucune infraction à sa charge. Curieusement, l’honorable Muyambo continue à être arbitrairement maintenu en détention par la seule volonté des individus. A Makala, l’être humain n’a aucune valeur. L’Etat qui, pourtant, a bâti cette prison n’y prête aucune attention. J’y ai rencontré des nombreux innocents, des oubliés de la justice, maintenus en détention juste soit par oubli soit par la volonté délibérée d’un individu ou un groupe d’individus. J’ai vu des personnes condamnées à la place des autres et dont la détention dépasse plus de 5 ans. J’ai rencontré des personnes amnistiées par ordonnance présidentielle mais exclues du bénéfice de cette amnistie par décision des individus se réclamant du pouvoir. J’ai noté par exemple que l’hébergement, pourtant responsabilité de l’administration pénitentiaire, est plutôt confiée à des bandits (des kuluna) et à des prisonniers militaires qui perçoivent indument des redevances hebdomadaires auprès des occupants. Pour quitter l’hébergement et avoir une place au pavillon, il y a des frais à payer auprès du gouverneur, gestionnaire dudit pavillon, de l’ordre de 20 à 100 dollars américains selon le cas. Ceux qui n’ont pas cette somme sont obligés d’aller vidanger et déboucher les installations hygiéniques dans un état crasseux et cela, s’il vous plaît, à mains nues, et exposés ainsi à diverses maladies avec tous les risques que cela comporte. Makala est un milieu insalubre où sont exposés à l’air libre, les excréments humains, distillant les odeurs nauséabondes, polluant l’atmosphère et répandant plusieurs maladies. J’ai relevé enfin, que même le fonctionnement de la prison incombe entièrement aux pauvres prisonniers, parfois obligés de prendre en charge l’entretien des bâtiments, l’électricité, l’eau et de fois, les fournitures de bureau et le carburant pour l’administration pénitentiaires. Conçue pour 1500 personnes, Makala est aujourd’hui une structure qui abrite plus de 7.000 personnes souvent sans défense, exposées à toutes sortes de maladies dont la tuberculose, la typhoïde, l’amibiase, les Infections Sexuellement Transmissibles ainsi que les maladies de la peau sale. Ce Centre est un vrai générateur de maladies. Quand un prisonnier tombe malade à Makala, il est presque déjà condamné à mourir. Cette prison ne dispose que d’un minable centre de santé sans équipements, sans médicaments ni ambulance pour une population de plus de 7,000 personnes. Le processus d’évacuation des personnes gravement malades vers les institutions des soins médicaux appropriés est un véritable chemin de la croix, surtout lorsqu’il s’agit des prisonniers politiques qui sont soumis à un régime particulier des autorisations spéciales émanant des autorités politiques, judiciaires et celles des services de sécurité en dehors de l’administration pénitentiaire. Le moindre sourire pour les prisonniers est celui qui vient du Comité International de la Croix Rouge dont les dirigeants s’occupent parfois même du débouchage des installations hygiéniques et en construisent d’autres. A mon humble avis, Makala est tout sauf un centre de rééducation. Sur 7000 détenus, 5000 sont jeunes, dont l’âge varie entre 15 et 30 ans, jetés en prison pour des motifs divers et souvent sans fondement. Avec ce nombre, c’est toute la nation qui est en péril et sa jeunesse sacrifiée faute de politique appropriée de la part du gouvernement. Il y a lieu de craindre que toutes ces victimes ne s’inspirent des exemples d’ailleurs et deviennent un danger pour la République. En fait, la prison de Makala est un Far West qui consacre la désacralisation de l’Etat ! Mesdames, Messieurs de la presse, Distingués invités, en vos titres et qualités respectifs, Je ne peux terminer mon propos sans revenir sur la situation préoccupante du pays qui appelle de notre part une prise de conscience sur les dangers qui nous guettent et par conséquent, un sursaut patriotique. Quels sont ces dangers? D’abord, la peur d’affronter un pouvoir prédateur, honni et vomi par tout notre peuple à cause de son incompétence, de ses insuffisances, sa mégestion, les pillages des ressources naturelles, de l’insécurité généralisée, de la corruption, des scandales à répétition ainsi que de la cupidité qui le caractérisent. Ce pouvoir agonisant n’a plus d’autres recettes à part la violence et l’arbitraire utilisés comme armes d’intimidation pour susciter la peur et la psychose dans la population. Le deuxième danger qui guette ensuite la nation congolaise, c’est le dysfonctionnement des institutions de la République à tous les niveaux. Aujourd’hui, toutes les institutions congolaises sont instrumentalisées et manipulées à souhait pour imposer à tout un peuple la volonté nocive d’un groupe d’individus. J’en veux pour preuve, la convocation du Sénat en seconde session extraordinaire en violation et de la Constitution et du Règlement intérieur de cette chambre juste pour imposer la volonté d’un petit groupe d’individus en quête désespérée de glissement. Je salue ici, la bravoure des honorables sénateurs et je les invite à faire davantage preuve de courage politique et ainsi faire échec à ce funeste projet. Il en est de même de la Commission électorale nationale censée être indépendante mais qui, dans les faits, démontre à suffisance son inféodation au pouvoir en place dont elle est devenue la branche spécialisée en charge du glissement. Le troisième danger enfin qui menace notre pays, c’est l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire par les services de sécurité aux fins d’étouffer la démocratie et porter atteinte aux libertés individuelles. Dans ce chapitre, il y a lieu de citer divers procès politiques contre les personnalités de l’opposition dont moi-même, celles de la société civile ainsi que les journalistes, lesquels procès sont boutiqués par les services de sécurité qui arrêtent les paisibles citoyens en violation des lois, présentent leurs butins à l’appareil judiciaire et lui imposent la suite à y réserver, entendez la sentence du pouvoir judiciaire. C’était mon cas et c’est aussi le cas de plusieurs autres. Mesdames, messieurs de la presse, distingues invites, Chers compatriotes, Mon message au peuple congolais est celui-ci : Bravons la peur qui nous enchaîne et défions les canons des bourreaux du peuple, c’est le prix à payer pour espérer bâtir ensemble, le Congo tant rêvé par nos pères fondateurs : - un Congo fort et stable, un Congo sans corruption, un Congo sans affairisme, terre d’espoir, oasis de paix pour ses propres citoyens et refuge des opprimés ; - un Congo dans lequel les fonctions de l’Etat ne sont pas une profession mais plutôt un mandat dont le délai doit être scrupuleusement respecté ; - un Congo ou les journalistes exercent librement leurs métiers dans le respect de la loi et ne subissent aucune contrainte ni violence ; - un Congo où les activistes des droits de l’homme font leur travail sans être inquiétés ni poursuivis par le pouvoir ; - un Congo où les dirigeants respectent les biens publics et se préoccupent du vécu quotidien des populations ; - un Congo où les fonctionnaires, militaires, juges, magistrats et policiers assument leurs fonctions sans contraintes et perçoivent une rémunération décente et suffisante, digne de leurs charges ; - un Congo où l’enseignant, le médecin, l’infirmier s’appliquent chacun à sa tâche avec conscience parce que convaincu de sa prise en charge totale par l’Etat ; - un Congo où la jeunesse reste la préoccupation de tout dirigeant, où la femme jouit des mêmes droits que l’homme et où l’avenir de la jeunesse est au centre de toute l’action politique ; - C’est ce Congo que nous devons tous nous engager à bâtir. Dans ce combat pour un Congo fort et prospère, nous devons imposer une culture démocratique qui passe par la tolérance et le respect mutuel, la liberté d’expression parce que toutes ces valeurs sont garanties par la Constitution et les lois de la République. Notre lutte ne vise nullement les individus. Elle est dirigée contre un régime, mieux un système qui a prouvé son incapacité et ses limites et qui est appelé à disparaître et à être remplacé par des dirigeants nouveaux choisis librement par notre peuple. Il s’agit du combat pour le respect de la parole donnée, pour le respect des engagements pris et le respect du serment devant le peuple et devant Dieu. Je vous invite donc, frères et sœurs congolais, à braver la peur et à vous lever tous, comme un seul homme, dans un élan de patriotisme, pour nous unir et rejoindre le camp du peuple congolais dont la souffrance nous interpelle et qui a déjà, depuis la semaine du 19 au 25 janvier 2015, conjugué ce pouvoir au passé. Quant à moi, je m’engage à mener et à continuer avec tout notre peuple ce combat pour la démocratie dans notre pays, combat pour lequel, au péril de leurs vies, des compatriotes ont su courageusement résister et mourir. - Simon Kimbangu a mené le combat pour la dignité de l’homme noir ; - Patrice Emery Lumumba et ses compagnons d’infortune, Okito et Mpolo, ont payé de leurs vies pour l’indépendance de notre pays ; - Pierre Mulele, André Guillaume Lubaya ont lutté et payé chèrement de leurs vies leur lutte contre la dictature de Mobutu et pour la démocratie ; - Les étudiants de Lovanium massacrés le 4 juin 1969 à Léopoldville ; - Les manifestants du 16 février 1992, Floribert Chebeya, Fidèle Bazana, Franck Ngicke et son épouse, Didas Namujimbo, les martyrs de la semaine du 19 au 25 janvier 2015 et bien d’autres, qui ont payé de leurs vies pour la défense des droits humains, des libertés publiques et de la démocratie, ont poursuivi ce combat. Ils sont donc nombreux nos martyrs qui ont mené le juste combat. Leur sang parle et nous interpelle ! C’est dans la continuité de ce combat et interpellé par la souffrance imposée injustement à notre peuple que je continue à lutter et vous demande de nous unir tous pour éviter à notre pays, une nouvelle dictature et donner au peuple congolais, des raisons d’espérer d’une société meilleure. Pour terminer, je tiens à dire ici qu’en dépit de tout ce que j’ai vécu et subi, j’accorde mon pardon à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, m’ont gratuitement imposé le séjour à Makala. La vengeance ne m’appartient pas ! Que Dieu bénisse la République Démocratique du Congo Je vous remercie Fait à Kinshasa, le 10 août 2015 Honorable Jean-Bertrand Ewanga