Perrielo répond à Tshibanda et Mende : « Le principal obstacle c’est le gouvernement »

Lundi 11 avril 2016 - 11:14
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Dans une interview accordée à Rfi, l’envoyé spécial des Etats-Unis dans la région des Grands Lacs, Thomas Perrielo, répond aux deux ministres du gouvernement, celui des Affaires est Coopération, Raymond Tshibanda, et son collègue de Communication et Médias, Lambert Mende.

 

Le second mandat du président Kabila arrive à échéance à la mi-décembre. S’il reste au pouvoir, diriez-vous qu’il contribuera à stabiliser ou à déstabiliser son pays ?

 

Constitutionnellement, son mandat se termine le 19 décembre. S’il n’y a pas d’élections ou une façon de sortir de la situation actuelle, d’ici là, il s’agira d’une très grave crise constitutionnelle. Nous savons, par suite de ce qui s’est passé au Burundi, notamment, que cela peut mener à une grande instabilité. Nous sommes portés à croire que nous sommes face, à plusieurs égards, à une crise montée de toutes pièces parce que le pays s’est attelé à la tâche, depuis deux ans, de jeter les bases de la démocratie ; il s’est doté d’une constitution.
Alors rien n’empêche la RDC de tenir ce qui pourrait être une transition pacifique et historique. Le principal obstacle est le gouvernement, qui se refuse à faire le nécessaire pour aller en ce sens. Tout porte à croire que ce « glissement » n’est pas fortuit, mais un choix délibéré, une stratégie à très haut risque, dans un pays qui a pourtant déjà beaucoup fait pour passer – grâce aux efforts du président Kabila – de la guerre civile, la plus sanglante de l’ère moderne, à la stabilité. Mais tout cela pourrait mis en péril, mis en péril pour des raisons tout à fait… artificielles.
Vous ne croyez pas que vouloir rester au pouvoir serait une raison légitime ?
Ce qu’on a vu, dans le cas du président Nkurunziza, c’est que, lorsqu’un individu, peu importe sa popularité, enfreint la loi pour rester au pouvoir, il met en péril la stabilité et le progrès de son pays, auxquels, à mon avis, il tient profondément. Nous devrions déjà être en train de parler du Burundi comme d’un exemple de réconciliation post-conflit. Nous devrions être en train de parler d’investissements et non pas de sanctions.
Il n’en tenait qu’à ce dirigeant, qu’à ce gouvernement, pour écrire un nouveau chapitre dans l’histoire du Burundi. C’est la même chose en RDC. Nous pourrions être en train de parler d’une étape historique pour un pays qui a enduré de grandes souffrances, parmi les plus grandes de notre époque. Le président Kabila a, entre ses mains, plus que quiconque, le pouvoir de faire de cette transition une réalité.
Cela veut dire que les Etats-Unis vont prendre des sanctions contre la RDC, comme elle l’a fait pour le Burundi, si le président Kabila reste au pouvoir ?
Nous avons maintes fois expliqué que nous étions prêts à adopter des sanctions économiques semblables à celles visant le Burundi, notamment, pas uniquement en raison de la répression systématique, mais aussi en raison des atteintes aux institutions démocratiques.
En RDC, l’opposition soutient que la commission électorale et les tribunaux ne sont pas indépendants. Croyez-vous que le processus électoral sera crédible ?
Il peut l’être, absolument. La RDC a déjà organisé deux scrutins, de qualité certes inégale, mais elle y est arrivée ! Nous voulons croire que des élections peuvent encore avoir lieu en novembre. La question est de savoir si la volonté politique de les organiser, et de les organiser de façon crédible, existe. Nous ne sommes quand même pas en train de parler d’une démocratie balbutiante ! La société civile est audible, comme l’est l’opposition. Et j’estime que de nombreux dirigeants de la majorité présidentielle pourraient faire de bons candidats.
Je suis impressionné par la qualité de mes interlocuteurs et des institutions dans tous les domaines, bien que je craigne d’avoir, moi, plus confiance en l’avenir de la RDC que ses propres dirigeants.
Nous ne nous faisons pas d’illusion… Mais nous voulons dire clairement qu’il appartient au président et aux dirigeants de ce pays de déterminer si cette histoire connaîtra un dénouement heureux.

 

RFI : En RDC, la Monusco semble incapable de protéger les civils, ce qui est pourtant son mandat : 500 personnes ont été tuées à Beni et, d’autres encore, à Miriki, à un kilomètre à peine d’un contingent sud-africain. Pour ce qui est la protection des civils, diriez-vous que la Monusco a été un échec ?
Tom Perriello : Il faut comprendre qu’il s’agit d’un partenariat. Lorsque le gouvernement a permis à des opérations conjointes d’aller de l’avant, notamment les brigades d’intervention, nous avons constaté de vraies réussites en matière de prévention et de protection des civils. Le fait qu’il n’y ait pas eu d’opérations conjointes, depuis un an, a été catastrophique pour les civils, qui ont été les victimes d’horribles atrocités, à Beni et ailleurs. Le but, comme vous le dites, c’est quand même la protection des civils. Quand les civils ne sont pas protégés, toutes les parties concernées doivent faire le constat qu’il y a défaillance.
Vous voulez dire que les réussites ou les échecs de la Monusco dépendent du gouvernement de Kinshasa ?
Il ne fait aucun doute que ce soit en partie vrai, ce qui ne veut pas dire que la Monusco ou d’autres encore n’aient pas à répondre de leurs actes. Mais, en dernière analyse, le principal obstacle aux opérations offensives (…) au cours de la dernière année a été l’absence de volonté d’aller de l’avant de la part du gouvernement, alors que nous avions une bonne occasion -- la meilleure possibilité depuis des années ! -- de combattre le FDLR, tout particulièrement, dans la foulée de la victoire contre le M-23. Au lieu de cela, nous avons vu l’ADF-Nalu gagner en capacité offensive de manière très importante et tout à fait inquiétante.  RFI